15/07/2020
le public commence à se lasser de cette démocratie. Ce public brise souvent ses idoles, et, au bout de quelques mois, il arrive que les applaudissements se tournent en sifflets. (Ceci soit dit en passant.)
... Ce ne sont pas les présidents, ministres et floppée d'élus qui diront le contraire . Ou alors ils sont aveugles et sourds .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'ArgentaI
3 avril 1765
Pourquoi faut-il que de mes deux anges il y en ait toujours un qui tousse ? Permettez-moi de consulter Tronchin sur cette toux. Il n’y aurait qu’à en faire l’histoire, et sur cette histoire Tronchin donnerait ses conclusions.
J’envoie à mes anges une autre sorte d’histoire, dont il y a aussi de bonnes conclusions à tirer. Feu M. l’abbé Bazin était un bon chrétien qui n’était point superstitieux ; il laisse entrevoir modestement que les Juifs étaient une nation des plus nouvelles, et qu’ils ont pris chez les autres peuples toutes leurs fables et toutes leurs coutumes. Ce coup de poignard, une fois enfoncé avec tout le respect imaginable, peut tuer le monstre de la superstition dans le cabinet des honnêtes gens, sans que les sots en sachent rien.
Mes anges sont suppliés de faire part à frère Damilaville des pilules qui leur ont été apportées par un Suédois et par deux Suisses. Ces pilules, quoique condamnées par les charlatans, font beaucoup de bien à un malade raisonnable.
Messieurs du parlement de Toulouse ne paraissent pas être du nombre de ces derniers. Mes anges sont instruits sans doute que ces messieurs s’assemblèrent, le 20 de mars, pour rédiger des remontrances tendant à demander, ou ordonner que tous ceux qu’ils auront fait rouer soient désormais déclarés bien roués, et que surtout on maintienne la belle procession annuelle dans laquelle on remercie Dieu, en masque, du sang répandu de trois à quatre mille citoyens, il y a quelques deux cents ans. De plus, Messieurs ont défendu, sous des peines corporelles, d’afficher l’arrêt qui justifie les Calas . Messieurs paraissent opiniâtres.
Peut-être je devrais, plus humble en ma misère,
Me souvenir du moins que je parle à leur frère.1
Mais ce frère appartient à l’humanité avant d’appartenir à Messieurs 2.
Si la réponse du roi au parlement de Bretagne est telle qu’on la trouve dans les papiers publics, il paraît que la cour sait quelquefois réprimer Messieurs . Il paraît aussi que le public commence à se lasser de cette démocratie. Ce public brise souvent ses idoles, et, au bout de quelques mois, il arrive que les applaudissements se tournent en sifflets. (Ceci soit dit en passant.)
Je remercie bien humblement mes anges de leur passeport, et je les supplie de vouloir bien dire à M. le duc de Praslin combien je suis touché de ses bontés.
Je trouve que la gratification ou pension que l’on demandait au roi pour ces pauvres Calas tarde beaucoup à venir ; c’est ce qui m’a déterminé à leur conseiller de faire pressentir M. le vice-chancelier et M. le contrôleur-général sur la prise à partie, afin de ne point indisposer ceux de qui cette pension dépend . Mais je peux me tromper, et je m’en rapporte à mes anges, qui voient les choses de plus près et beaucoup mieux que moi.
Je ne peux pas dicter davantage, car je n’en peux plus. Je me meurs avec la folie de planter et de bâtir, et avec le chagrin de n’avoir pas vu mes anges depuis douze ans. »
1 Racines, Mithridate., act. I, sc. II., vers 151-152 : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/RACINE_MITHRIDATE.xml#A1.S12
2 Ce « frère », est d'Argental , conseiller au parlement de Paris le 21 janvier 1721, puis conseiller d'honneur en 1744 . Voir : https://data.bnf.fr/fr/12006955/charles-augustin_de_ferriol_argental/
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