14/01/2021
je ne connaissais pas encore ce public inconstant que je croyais connaître. Je ne me doutais pas qu’il dût approuver avec tant de transports ce qu’il avait condamné avec tant de mépris
... Peut-être entendra-t-on cette réflexion, dans un avenir que je souhaite proche, à propos de ces foutus Français qui vont râler pour avoir eu trop tard un vaccin qu'il rejetaient trois mois plus tôt .
C'est malheureusement à peine exagéré, on entend même parfois pire .
Une remise au point : https://www.youtube.com/watch?v=SI6Q1XZ5AVw
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
17 septembre 1765 1
Mes divins anges, je vois bien que je ne connaissais pas encore ce public inconstant que je croyais connaître. Je ne me doutais pas qu’il dût approuver avec tant de transports ce qu’il avait condamné avec tant de mépris. Vous souvenez-vous qu’autrefois, lorsque Vendôme disait à la dernière scène : Es-tu content, Coucy ? les plaisants répondaient : couci-couci ! J’ai retrouvé ici, dans mes paperasses, deux tragédies d’Adélaïde ; elles sont toutes deux fort différentes, et probablement la troisième, qu’on a jouée à la Comédie, diffère beaucoup des deux autres. Je fais toujours mon thème en plusieurs façons. Il est à croire que Lekain fera imprimer à son profit cette Adélaïde qu’on vient de représenter ; mais je pense qu’il conviendrait qu’il m’envoyât une copie bien exacte, afin qu’en la conférant avec les autres, je pusse en faire un ouvrage supportable à la lecture, et dont le succès fût indépendant du mérite des acteurs. C’est sur quoi je vous demande vos bons offices auprès de Lekain, car je vous demande toujours des grâces.
A l’égard des Roués, j’attends toujours votre paquet et vos ordres ; le petit jésuite a sa préface toute prête ; mais il dit qu’il ne faut pas s’attendre à de grands mouvements de passions dans un triumvir, et que cette pièce est plus faite pour des lecteurs qui réfléchissent, que pour des spectateurs qu’il faut animer. Il sait de plus que le pardon d’Octave à Pompée ne peut jamais faire l’effet du pardon d’Auguste à Cinna, parce que Pompée a raison et que Cinna a tort, et surtout parce que ceux qui sont venus les premiers ne laissent point de place à ceux qui viennent les seconds.
Je sais bien que j’ai été un peu trop loin avec mademoiselle Clairon ; mais j’ai cru qu’il fallait un tel baume sur les blessures qu’elle avait reçues au Fort-l'Evêque. Elle m’a paru d’ailleurs aussi changée dans ses mœurs que dans son talent ; et plus on a voulu l’avilir, et plus j’ai voulu l’élever.
J’espère qu’on me pardonnera un peu d’enthousiasme pour les beaux-arts ; j’en ai dans l’amitié, j’en ai dans la reconnaissance.
Je vous fais , mes divins anges, les plus sincères remerciements de la bonté que vous avez eue de me procurer des éclaircissements de la part de M. de Sainte-Foix . Je n'ose l'en remercier lui-même, de peur de l'engager à une réponse qui lui ferait perdre un temps précieux ; mais je me flatte que quand vous le verrez vous voudrez bien l'assurer des sentiments que je lui dois . Je me doutais bien que ce M. de Barrau 2 était un homme nécessaire au ministère par ses connaissances .
Je soupçonne que la place de résident à Genève est actuellement donnée in petto, par M. le duc de Praslin . Je ne vous avais proposé M. Astier qu'en supposant que M. le duc de Praslin le favorisait, mais je ne serai pas assez effronté pour demander à M. le duc de Choiseul qu'il force la main au ministre des Affaires étrangères ; je dois être modeste dans mes sollicitations, et tout ce que j'ose demander actuellement pour M. Fabry, maire de la ville de Gex, c'est que je puisse l'assurer de votre protection . »
1 L'édition de Kehl supprime les deux derniers paragraphes, biffés sur la copie Beaumarchais et suivie par les éditions .
2 Barrau-Taulès : voir lettre du 23 août 1765 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/12/04/ces-petites-notices-sont-necessaires-aux-barbouilleurs-comme-moi.html
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