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14/11/2021

Fi ! que cela est horrible de se rétracter ! Je ne veux pas vous en croire

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« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont

Le 20 auguste 1766

J’ai reçu, mon cher Cicéron, une lettre du 8 août (puisque les Velches ont fait août d’auguste)1 . Cette lettre m’a transporté de joie. J’ai vu que le plus généreux de tous les hommes me donne le titre de son ami ; je veux mériter et conserver, jusqu’au dernier moment de ma vie, un titre qui m’est si cher. J’ai sur-le-champ dressé de petits mémoires pour M. le duc de Praslin, M. le duc de Choiseul et M. de Saint-Florentin, que Mme de Saint-Julien, parente de M. le duc de Choiseul, et qui est actuellement chez moi, doit porter à Paris. Elle part dans deux jours, et nous servira de tout son pouvoir.

Mais aujourd’hui je reçois une lettre du 11 août qui me perce le cœur. Vous n’y êtes plus mon ami, vous m’écrivez Monsieur. Fi ! que cela est horrible de se rétracter ! Je ne veux pas vous en croire ; je m’en tiens à la première lettre, et je déchire la seconde. J’ai déjà répondu à la première, et cette petite réponse vous parviendra dans le paquet de M. Damilaville 2, dont Mme de Saint-Julien a bien voulu encore se charger.

Je vous répète ici combien je m’intéresse à l’affaire qui vous regarde, et à quel point je suis étonné que M. de La Luzerne n’ait pas pleinement gagné son procès. Je suis persuadé que vous viendrez à bout de tout ; mais je vous dirai toujours que, si nous n’obtenons pas l’évocation pour les Sirven, je suis bien sûr que vous obtiendrez les suffrages de tout le public. L’esquisse du mémoire que vous eûtes la bonté de m’envoyer, il y a quelques mois, me parut devoir produire un morceau admirable, fait pour être lu avec avidité par tous les ordres de l’État, et pour confirmer la haute réputation où vous êtes. La véritable éloquence, et même la langue, sont d’ordinaire trop négligées à votre barreau, et les plaidoyers de nos avocats n’entrent point encore dans les bibliothèques des nations étrangères. Je ne connais guère que votre mémoire pour les Calas qui ait eu de la réputation en Europe ; il a été jusqu’à Moscou.

Adieu, mon cher Cicéron, je me mets aux pieds de madame votre femme. Ne m’ôtez jamais le beau titre que vous m’avez donné. »

1 Cette évolution est conforme aux lois phonétiques du français, qui d'augustum ( ou plutôt d'agustu) a fait aoust ( toujours écrit tel dans les présentes lettres ) puis aout, prononcé d'abord a. out ( le t s'entendant ), puis a.ou (t sourd ), enfin août prononcé ou, comme saoul, de satullum a fini par se prononcer sou dès l'époque de V* . Voir faon, de favonem, etc. Linguistiquement parlant, le français se caractérise par la disparition de toutes les syllabes latines qui n'étaient ni initiales, ni accentuées, par la disparition d'un certain nombre de consonnes intervocaliques, notamment t et d, par la disparition des consonnes finales non protégées par un e muet, ainsi que par la réduction des voyelles intérieures en hiatus, comme dans eage qui a donné âge, etc. Dans le cas d'août, la prononciation en deux syllabes est encore attestée au XVIIè siècle comme il appert par la chanson de marins , Le Trente et un du mois d'août . On l'entend d'ailleurs parfois ici ou là, par exemple dans une chanson à la mode dans les années 60 , La Gadoue, de Petula Clark : https://www.youtube.com/watch?v=B14y1krpq-c

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