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21/11/2021

Votre voyage doit être en France une grande époque pour tous ceux qui pensent

... De qui s'agit-il ? Je n'ose envisager que ce soit un des prétendants au trône d'élu présidentiel qui sont risibles dans leurs contradictions, et déplorables dans leurs programmes . "Ceux qui pensent" ont heureusement encore le loisir de ne pas perdre de temps à les écouter .

Consolation : hourrah pour nos rugby- players et playeuses, on ne voit plus la vie qu'en bleu ! Black : out !

 

 

« A Marie-Thérèse Geoffrin

A Ferney par Genève , 26è auguste 1766 1

La même raison, madame, qui m'empêche le même voyage que vous, est cause que je n'ai pas répondu sur-le-champ à la lettre dont vous m'honorez en date du 25è juillet .

Je ne vous ai connue, madame, que par les sentiments les plus nobles, et par les actions les plus généreuses . Vous méritez bien l'amitié d'un roi qui est digne de l'être . Votre voyage doit être en France une grande époque pour tous ceux qui pensent . Vous êtes témoin de tout ce que fait un roi philosophe pour le bonheur de sa patrie . Nous avons à Paris des opéras-comiques, mais la sagesse est dans le nord ; et avec toute notre gaieté frivole il y a chez nous plus d'atrocités que chez aucun peuple .

Vous avez peut-être entendu parler de cinq jeunes gens de très bonnes familles, que la grand-chambre de Paris , à la pluralité de quinze voix contre dix, a condamnés à expirer dans les flammes, après avoir eu la langue arrachée et le poing coupé . Le plus âgé de ces jeunes gens avait vingt et un ans, et le plus jeune quinze . Leur crime était de n'avoir pas ôté leur chapeau devant une procession de capucins, d'avoir chanté deux chansons faites il y a quatre-vingts ans, et d'avoir tenu des discours impies . À quel supplice les aurait-on donc condamnés s'ils avaient tué leurs pères et leurs mères, et comment la pluralité de cinq voix suffit-elle pour faire périr des citoyens dans le plus horrible des supplices ?

On m'a envoyé l'interrogatoire de ces infortunés ; leur crime consiste uniquement dans ce que je vous ai exposé . Le roi de Prusse m'a mandé que s'il s'était commis un pareil délit dans ses États, il aurait condamné les délinquants à haranguer les capucins chapeau bas, et à chanter des psaumes au lieu des chansons ordurières qu'on leur reprochait . Huit avocats ont fait en vain un excellent mémoire en faveur de ces malheureux jeunes gens . On a prétendu que le Parlement de Paris devait donner un exemple de son zèle pour la religion, dans le temps où vingt mandement d'évêques l'accusent de sacrifier la religion à sa haine contre le clergé .

Il est vrai qu'il n'y a eu qu'un jeune homme d’exécuté, parce que les autres sont en fuite . Ce jeune homme était petit-fils d'un lieutenant général des armées du roi ; il n'avait jamais commis que cette faute ; il est mort avec le courage de Socrate sans aucune faiblesse et sans aucune ostentation ; et il est à croire que s'il eût vécu il serait devenu un excellent officier général .

Voilà où nous en sommes. On parle deux jours de ces horreurs, et ensuite on les oublie pour jamais .

J'implore votre protection, madame, auprès de Sa Majesté . Je vous supplie de lui présenter ma lettre . Agréez mon très sincère respect.

V. »

1 Original dans la collection de feu Joseph Reinach, à Paris . Seymour de Ricci, qui transcrivit la lettre la croyait adressée à Mme de Boufflers . Mais la dernière phrase fait allusion au roi de Pologne et au voyage que Mme Geoffrin fit pour aller le voir .

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