06/01/2023
Avouez qu’il y a d’horribles injustices dans ce monde. Mais portez-vous bien ... jouissez d’une vie heureuse : peu de gens en sont là
... Songez à ce "pauvre" duc [sic] et sa Megan qui en sont au stade d'exposer leurs minables affaires de famille pour un matelas de dollars . By Jove ! qu'on les ridiculise (encore plus qu'ils ne le font eux-mêmes, si c'est possible ) et qu'on les oublie à jamais .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
20 Juin 1767.
Mon cher ange se trouve-t-il mieux de son régime ? peut-on avoir une humeur dartreuse, et avoir l’humeur si douce ? Donnez-moi votre secret, car je suis insupportable quand je souffre. Je me tapis dans ma cellule, j’y suis inaccessible ; je ne vois ni les frères de mon couvent ni nos commandants, ni nos inspecteurs, ni les officiers, hauts de six pieds, qui viennent remplir mon château, que j’avais bâti pour vivre en retraite.
Je me flatte que vous avez bien voulu instruire M. de Thibouville et Lekain des articles qui étaient pour eux dans ma précédente lettre.
J’avais pris la liberté de vous adresser, il y a environ un mois, une lettre pour M. de Belloy, dans laquelle il y avait de petits vers en réponse à une belle et longue épître dont il m’avait gratifié.
On m’apprend qu’il a fourré une lettre de moi dans le Mercure ; je ne sais si c’est celle dont je vous parle. Mais pourquoi imprimer les lettres de ses amis ? est-ce qu’on écrit au public, quand on fait des réponses inutiles à des lettres qui ne sont que des compliments ?
M. de Chabanon refait son Eudoxie pour la troisième fois, et notre petit La Harpe commence une pièce nouvelle, après en avoir fait une autre à moitié. Vous voyez qu’une tragédie n’est pas aisée à faire. On a représenté Sémiramis sur mon théâtre, et elle a été très bien jouée. J’avais perdu de vue cet ouvrage ; il m’a fait sentir que Les Scythes sont un peu ginguets, en comparaison.
Cependant j’ai toujours du faible pour Les Scythes, et je vous les recommande pour Fontainebleau.
J’élève un acteur de province qui a de la figure, de la noblesse et de l’âme ; quand je lui aurai bien fait dégorger le ton provincial, je vous l’enverrai. Nous verrons enfin si on pourra vous fournir un acteur supportable.
Je ne sais si vous avez entendu parler d’un livre composé par un barbare, intitulé Supplément à la Philosophie de l’Histoire. L’auteur n’est ni poli ni gai ; il est hérissé de grec ; sa science n’est pas à l’usage du beau monde et des belles dames. Il m’appelle Capanée 1, quoique je n’aie jamais été au siège de Thèbes. Il voudrait me faire passer pour un impie ; voyez la malice ! On donne des privilèges à ces livres-là, et les réponses ne sont pas permises. Avouez qu’il y a d’horribles injustices dans ce monde. Mais portez-vous bien, vous et madame d’Argental ; conservez-moi vos bontés ; jouissez d’une vie heureuse : peu de gens en sont là. »
1 L’un des sept chefs qui assiégèrent Thèbes. Il fut foudroyé à cause de ses blasphèmes. (G.Avenel.)
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