08/04/2012
si on pouvait bien digérer ! mais avoir toujours mal à l'estomac, craindre les rois, et les libraires, et les Pucelles!
http://www.laboucherielitteraire.com/atelier-du-poisson-soluble-1-jeunesse/article/224.html
« A M. le comte d'ARGENTAL.
Aux prétendues Délices, octobre [1755]
Tout va de travers dans ce monde, mon cher ange. Il m'est mort un petit Suisse 1 charmant, qui m'avait fait avoir une maison assez agréable auprès de Lausanne 2, me l'avait meublée, ajustée, et qui m'y attendait avec sa femme. J'allais à cette maison, où j'avais fait porter mes livres je comptais y travailler à votre Orphelin. Mon Suisse est mort dans ma maison ses effets étaient confondus avec les miens. J'ai été très-affligé, très-dérangé, je n'ai pas pu faire un vers. Vous ne savez pas, vous autres conseillers d'honneur, ce que c'est que de faire bâtir en Suisse, en deux endroits à la fois, de planter et de changer des vignes en pré, et de faire venir de l'eau dans un terrain sec, pendant qu'on a une Histoire générale sur les bras, et une maudite Pucelle qui court le monde en dévergondée, et un petit Suisse qui s'avise de mourir chez vous. Faites comme il vous plaira avec votre Orphelin, il n'a de père que vous, il me faudrait un peu de temps pour le retoucher à ma fantaisie. Je suis toujours dans l'idée qu'il faut parler de Confucius dans une pièce chinoise. Les petits changements que je ferais à présent ne produiraient pas un grand effet. C'est Mlle Clairon qui établit tout le succès de la pièce. On dit que Lekain a joué à Fontainebleau plus en goujat qu'en Tartare; qu'il n'est ni noble, ni amoureux, ni terrible, ni tendre, et que Sarrasin a l'air d'un vieux sacristain de pagode. J'aurais beau mettre dans leur bouche les vers de Cinna et d'Athalie, on ne s'en apercevrait pas. J'ai besoin d'une inspiration de quinze jours pour rapiécer ou rapiéceter mon drame; nos histrions seraient quinze autres jours à remettre le tout au théâtre, et je ne serais pas sûr du succès. Vous avez fait réussir mes magots avec tous leurs défauts, mon cher et respectable ami vous les ferez supporter de même. Je ne les ai imprimés que pour aller au-devant de la Pucelle, qu'on vend partout. Il fallait absolument désavouer ces abominables copies qui courent dans l'Europe. J'ai besoin d'un peu de repos dans ma vieillesse et dans une vieillesse infirme qui ne résisterait pas à des chagrins nouveaux. Ma lettre 3 à Jean- Jacques a fait un assez bon effet, du moins dans les pays étrangers mais je crains toujours les langues médisantes du vôtre. Comptez, mon divin ange, que le génie poétique ne s'accommode pas de toutes ces tribulations. Ce maudit Lambert parle toujours de réimprimer presto, presto, mes sottises non corrigées. Il ne veut point attendre, il a grand tort de toutes façons c'est encore là une de mes peines. Encore si on pouvait bien digérer ! mais avoir toujours mal à l'estomac, craindre les rois, et les libraires, et les Pucelles! On n'y résiste pas. Êtes-vous content de Cadix 4? Pour moi, j'en suis horriblement mécontent.
Le roi de Prusse m'a fait mille compliments, et me demande de nouveaux chants de la Pucelle; il a le diable au corps. Comment va le pied de Mme d'Argental ? Je suis à ses pieds. Adieu, divin ange. »
3 Lettre du 30 mai à J.-J. Rousseau : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/03/22/on-n-a-jamais-employe-tant-d-esprit-a-vouloir-nous-rendre-be.html
4 Voir http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/04/02/il-faut-que-vous-me-parliez-de-vous-davantage-si-vous-voulez.html
17:34 | Lien permanent | Commentaires (0)
mon amitié est bonne; elle est en vérité aussi sincère qu'inutile. Je compte cette inutilité parmi mes plus grands malheurs
« A M. DUPONT,
AVOCAT.
Octobre [1755]
Mon cher ami, les maladies découragent à la fin ; il y a trois mois que j'ai cessé tout commerce avec le genre humain. Mes amis de Paris ont fait jouer cet Orphelin sans que je m'en sois mêlé. Je serais plus sensible au plaisir de vous revoir que je ne l'ai été à ce petit succès passager. Je comptais aller à Monrion près de Lausanne: je vous aurais envoyé un carrosse sur la route pour vous enlever, nous aurions philosophé quelque temps avec notre ami M. de Brenles, mais un homme de Lausanne 1, à qui j'avais prêté ma maison, s'est avisé d'y tomber malade, et d'y être à la mort six semaines, il y est encore, tandis que je languis dans mes prétendues Délices.
J'ai ouï dire que des gens de Strasbourg, qui ont été un peu effarouchés d'un certain mémoire, vous ont plus nui que je n'ai pu vous servir. M. de Paulmy, en vous disant que je suis votre ami, vous a fait voir à quoi mon amitié est bonne; elle est en vérité aussi sincère qu'inutile. Je compte cette inutilité parmi mes plus grands malheurs; je vis toujours dans l'espérance de vous revoir. Mme Denis vous fait mille compliments, aussi bien qu'à Mme Dupont. Je me joins à elle; je vous embrasse de tout mon cœur. Voulez-vous bien présenter mes respects à M. et à Mme de Klinglin ?
V.
Si vous voyez le conseiller, de la maison de Linange, je vous supplie de lui recommander de faire honneur à ma lettre de change. »
15:47 | Lien permanent | Commentaires (0)
les cartes seront toujours embrouillées, et les Français ont la mine de perdre à ce jeu
http://www.cyberpresse.ca/debats/editoriaux/mario-roy/201204/02/01-4511832-jeu-electoral.php
« A M. Jean-Robert TRONCHIN à LYON 1
Délices, le 15 octobre 1755.
J'ai lu toutes les discussions sur la guerre. Tout ce que je comprends, c'est que nos plénipotentiaires au congrès d'Utrecht ne connaissaient pas trop l'Acadie 2, et cela n'arrive que trop souvent. Il faudrait que les autres eussent la bonté de faire graver une carte. Mais les cartes seront toujours embrouillées, et les Français ont la mine de perdre à ce jeu, puisqu'ils jouent avec leur pauvre Canada contre quatre cents lieues d'un très-beau pays. Mais ils ne perdront pas grand'chose. Est-il vrai que les jésuites ont élu un de leurs pères roi du Paraguai, et que ce roi s'appelle Nicolas? Un damné d'hérétique a fait ces vers à l'honneur de ce nouveau roi
Du bon Nicolas premier
Le ciel bénisse l'empire,
Et qu'il lui daigne octroyer,
Ainsi qu'à son ordre entier,
La couronne du martyre.
Avez-vous entendu parler de cette maudite Pucelle, de saint Denis et de saint Georges ? Tout cela est imprimé, et Dieu sait comment. J'ai vu cette maudite Jeanne. Elle a très-mauvaise façon, mais cela ne m'a pas paru si terrible que je croyais. Je ne veux que protester et rester tranquille. Mauvaise nouvelle de Cadix 3. C'est pis que Pucelle. On dit cependant que les Anglais ont été huit jours sans prendre de nos vaisseaux. Est-ce possible ? »
1 Voir : Revue suisse, 1855, page 402. http://books.google.fr/books?id=UEwpAAAAYAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q=15%20octobre%201755&f=false
14:30 | Lien permanent | Commentaires (0)
il ne me reste plus que le sentiment; mais ce n'est pas assez, il faudrait l'exprimer
« A M. Jacques Abram Elie Daniel Clavel de Brenles 1.
Aux Délices, le 14 octobre [1755]
Je profite d'un petit moment de santé, ou plutôt de relâchement de mes maux, pour présenter mes tendres respects à M. et à Mme de Brenles. La maladie de M. de Giez m'a empêché, il y a un mois, d'aller à Monrion, et la mienne maintenant me retient auprès de Genève. Je vois bien que nous retournerons à peu près dans le même temps à Lausanne: ce sera là que je remercierai Mme de Brenles. Ses vers 2 sont le prix le plus flatteur de l'Orphelin de la Chine. Je suis actuellement dans l'incapacité de répondre, même en prose il ne me reste plus que le sentiment; mais ce n'est pas assez, il faudrait l'exprimer, et ce n'est pas une besogne de malade.
M. Dupont devait venir à Monrion cet automne voilà les choses furieusement dérangées. On n'éprouve dans la vie que des contradictions, bien heureux encore quand on s'en tient là. J'ai à soutenir tous les maux du corps et de l'âme; l'espérance de revoir M. et Mme de Brenles me soutient. Nous leur renouvelons, Mme Denis et moi, les plus sincères amitiés.
Adieu, couple respectable et aimable, jusqu'au moment où Monrion nous rassemblera.
V. »
2 Mme de Brenles composait des poésies fugitives assez agréables; elle traduisit même le Caton d'Addison, en faisant usage des rimes croisées, à l'exemple de Voltaire dans Tancrède. Mme de Brenles, Étiennette Chavannes, devint veuve
vers le commencement de novembre 1771, et mourut en 1775. L'un de ses frères est nommé dans la lettre de Voltaire au pasteur Bertrand, du 30 janvier 1759. (CL. ) : voir page 209 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f214.image.r=.langFR
14:12 | Lien permanent | Commentaires (0)
06/04/2012
pour ne pas effaroucher une nation frivole, qui rit sottement, et qui croit rire gaiement de tout ce qui n'est pas dans ses mœurs, ou plutôt dans ses modes
... les candidats à l'élection mentent effrontément, par pensées, par paroles et par actions (et comme faute avouée est théoriquement à demi pardonnée, les mensonges inavoués seront doublement condamnés, dans les urnes , d'abord, et au tribunal si besoin ! ).
Prétexte à leur lâcheté : surtout "ne pas effaroucher" l'électeur, de droite ou de gauche , une place en or en dépend .
Si vous hésitez à toucher un bulletin de vote, voici un autre remède possible , je dis bien "possible" SGDG :
Ce ne sera pas de trop avec de tels postulants , Nicolas S. et Marine LeP., Jacques C., je vous le dis, point besoin de faire brûler des "pastilles à Confucius" en action de grâces, point besoin non plus de dragées Fuca car ces élections sont assez chi... comme ça .
Et s'il vous reste un fond de naïveté (et une âme de gogo invétéré) encore intact après tout ce cirque , tentez le coup :
« A M. DUMARSAIS 1
à PARIS.
Aux Délices, le 12 octobre [1755]
Je bénis les Chinois, et je brûle des pastilles à Confucius, mon cher philosophe, puisque mon étoffe de Pékin vous a encore attiré dans le magasin d'Adrienne 2 Nous l'avons vue mourir, et le comte de Saxe devenu depuis un héros, et presque tous ses amis. Tout a passé; et nous restons encore quelques minutes sur ce tas de boue, où la raison et le bon goût sont un peu rares.
Si les Français n'étaient pas si Français, mes Chinois auraient été plus Chinois, et Gengis encore plus Tartare. Il a fallu appauvrir mes idées, et me gêner dans le costume, pour ne pas effaroucher une nation frivole, qui rit sottement, et qui croit rire gaiement de tout ce qui n'est pas dans ses mœurs, ou plutôt dans ses modes.
M. le comte de Lauraguais 3 me paraît au-dessus des préjugés, et c'est alors qu'on est bien. Il m'a écrit une lettre dont je tire presque autant de vanité que de la vôtre. Il a dû recevoir ma réponse 4, adressée à l'hôtel de Brancas. Il pense, puisqu'il vous aime. Cultivez de cet esprit-là tout ce que vous pourrez c'est un service que vous rendez à la nation. Vivez, inspirez la philosophie.
Nous ne nous verrons plus mais se voit-on dans Paris ? Nous voilà morts l'un pour l'autre j'en suis bien fâché. Je trouve quelques philosophes au pied des Alpes toute la terre n'est pas corrompue.
Vous vivez sans doute avec les encyclopédistes, ce ne sont pas des bêtes que ces gens-là; faites-leur mes compliments, je vous en prie. Conservez-moi votre amitié jusqu'à ce que notre machine végétante et pensante retourne aux éléments dont elle est faite.
Je vous embrasse en Confucius; je m'unis à vos pensées; je vous aime toujours au bord de mon lac, comme lorsque nous soupions ensemble. Adieu. On n'écrivait ni à Platon ni à Socrate
Votre très-humble serviteur. »
1 Voir note de V* dans les Ecrivains du Siècle de Louis XIV , page 69 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113308/f86.image
3 Voir lettre à Thieriot du 1er octobre 1755 :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/04/05/il-y-a-peu-de-ces-grandes-ames-qui-conservent-si-longtemps-l.html
17:14 | Lien permanent | Commentaires (0)
05/04/2012
ceux qui disaient qu'il s'était passé entre eux quelque chose de contraire aux lois de la chevalerie étaient des malavisés
No comment !!...
... Quoique ...!!
« A madame Louise Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, près de Genève, 9 octobre 1755.
Madame, les bontés dont Votre Altesse sérénissime honore un pauvre orphelin chinois me laissent espérer qu'elle ne dédaignerait pas de jeter ses regards sur sa sœur Jeanne, c'est aussi une espèce d'orpheline, car elle n'est pas reconnue par son père. Je viens d'apprendre, madame, qu'on a imprimé cette rapsodie en Hollande, et qu'on la vend à Francfort chez un nommé Esslinger; ce n'est plus la peine de confier cette grosse créature à M. de Valdener. Votre Altesse sérénissime l'aura bien plus tôt par Francfort, si elle veut s'en amuser. Je ne réponds pas qu'il n'y ait pas dans la vie de cette héroïne quelques aventures peu dignes d'Ernest le Pieux; mais elle vivait dans un siècle où on n'y entendait pas finesse. Monstrelet, historiographe de Charles VII, dit qu'il fit prêter serment sur l'Évangile aux domestiques de ce prince, pour savoir la vérité touchant les amours honnêtes de Sa Majesté et d'Agnès Sorel, que tous jurèrent que le roi s'était borné à la conversation familière et à baiser quelquefois la main d'Agnès; que s'il en avait eu de beaux enfants, c'était en tout bien et en tout honneur, et que ceux qui disaient qu'il s'était passé entre eux quelque chose de contraire aux lois de la chevalerie étaient des malavisés. Pour moi, madame, qui ai perdu de vue depuis longtemps cette partie de l'histoire de France, je ne puis que m'en rapporter aux lumières et au jugement des personnes indulgentes, et implorer votre miséricorde.
Certainement si madame la duchesse de Gotha ne me condamne pas, si la vertu et les grâces me donnent l'absolution, si une grande maîtresse des cœurs et des mœurs ne fait pas scrupule de s'amuser à ces bagatelles, personne n'est en droit de me faire des reproches. Je me souviens que je lisais autrefois cette bagatelle à la reine mère, à Berlin, en présence de la princesse Amélie, qui était cachée dans un petit coin, et qui ne perdait pas sa part.
Je suis très-fâché que cette plaisanterie soit imprimée mais enfin, si elle peut faire passer quelques moments à Votre Altesse sérénissime qui ne soient pas des moments d'ennui, je serai bien consolé. Que ne puis-je, madame, venir me mettre à vos pieds et renouveler à Votre Altesse sérénissime et à toute votre auguste famille mon attachement, ma reconnaissance et mon profond respect. »
23:17 | Lien permanent | Commentaires (0)
quelques autres jeunes têtes de mon âge, n'ont ni tragédies ni comédies nouvelles à vous donner
Les femmes de ces lieux ne peuvent m'abuser;
Je n'ai que trop connu leurs larmes infidèles.
... dixit le trèfle .
« A mademoiselle Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de La Tude Clairon
Aux Délices, 8 octobre [1755]
J'ai beaucoup d'obligations, mademoiselle, à M. et à Mme d'Argental mais la plus grande est la lettre que vous avez eu la bonté de m'écrire. J'ai fait ce que j'ai pu pour mériter leur indulgence, et je voudrais bien n'être pas tout à fait indigne de l'intérêt qu'ils ont daigné prendre à un faible ouvrage, et des beautés que vous lui avez prêtées mais, à mon âge, on ne fait pas tout ce qu'on veut. Vous avez affaire, dans cette pièce, à un vieil auteur et à un vieux mari, et vous ne pouvez échauffer ni l'un ni l'autre. J'ai envoyé à M. d'Argental quelques mouches cantharides pour la dernière scène du quatrième acte, entre votre mari et vous; et comme j'ai, selon l'usage de mes confrères les barbouilleurs de papier, autant d'amour-propre que d'impuissance, je suis persuadé que cette scène serait assez bien reçue, surtout si vous vouliez réchauffer le vieux mandarin par quelques caresses dont les gens de notre âge ont besoin, et l'engager à faire, dans cette occasion, un petit effort de mémoire et de poitrine.
Au reste, mademoiselle, je vous supplie instamment de vouloir bien conserver, sans scrupule, ces deux vers au premier acte
Voilà ce que cent voix, en sanglots superflus,
Ont appris dans ces lieux à mes sens éperdus.
(Scène 1.)
Vous pouvez être très-sûre que les sanglots n'ont pas d'autre passage que celui de la voix; et, si on n'est pas accoutumé à cette expression, il faudra bien qu'on s'y accoutume. Je vous demande grâce aussi pour ces vers
Les femmes de ces lieux ne peuvent m'abuser;
Je n'ai que trop connu leurs larmes infidèles.
(Acte III, scène 1.)
Le parterre ne hait pas ces petites excursions sur vous autres, mesdames.
Je prie Gengis de vouloir bien dire, quand vous paraissez
Que vois-je ? est-il possible 0 ciel 1 ô destinée!
Ne me trompé-je point? est-ce un songe, une erreur
C'est Idamé, c'est elle et mes sens, etc.
(Acte III, scène 1.)
Je suppose que vous ménagez votre entrée de façon que Gengis-kan a le temps de prononcer tout ce bavardage. Je demande instamment qu'on rétablisse la dernière scène du quatrième acte, telle que je l'ai envoyée à M. d'Argental elle doit faire quelque effet si elle est jouée avec chaleur; du moins elle en faisait lorsque je la récitais, quoique j'aie perdu mes dents au pied des Alpes. Je ne peux pas concevoir comment on a pu ôter de votre rôle ce vers au quatrième acte
Les lois vivent encore, et l'emportent sur vous.
C'est assurément un des moins mauvais de la pièce, et un de ceux que votre art ferait le plus valoir. Il n'est pas possible de soutenir le vers qu'on a mis à la place
Mon devoir et ma loi sont au-dessus de vous;
Je vous l'ai déjà dit.
Vous sentez qu'un devoir au-dessus de quelqu'un n'est pas une expression française, et ce malheureux Je vous l'ai déjà dit ne semble être là que pour avertir le public que vous ne devriez pas le redire encore.
La dernière scène du quatrième acte est entre les mains de M. d'Argental, je vous l'ai déjà dit; et, dans cette dernière scène que, par parenthèse, je trouve très-bonne, je voudrais que Zamti eût l'honneur de vous dire
Ne parlons pas des miens, laissons notre infortune, etc.
(Scène VI.)
Je voudrais que le cinquième acte fût joué tel qu'il est imprimé. J'ai de fortes raisons pour croire que votre scène avec Octar ne doit point être tronquée, et que vous disiez
Si j'obtenais du moins, avant de voir un maître,
Qu'un moment à mes yeux mon époux pût paraître.
(Scène II. )
Une de ces raisons, c'est qu'il me paraît très-convenable qu'Idamé, qui a son projet de mourir avec son mari, veuille l'exécuter sans voir Gengis, et que, remplie de cette idée, elle hasarde sa prière à Octar. D'ailleurs j'aime fort ce brutal d'Octar, et je voudrais qu'il parlât encore davantage.
Je vous demande pardon, mademoiselle, de tous ces détails. Maintenant, si M. de Crébillon ou M. de Châteaubrun, ou quelques autres jeunes têtes de mon âge, n'ont ni tragédies ni comédies nouvelles à vous donner pour votre Saint-Martin, et si votre malheur vous force à reproduire encore au théâtre les cinq magots chinois, je vous enverrais la pièce avec le plus de changements que je pourrais. J'attendrais sur cela vos ordres; mais voici ce que je vous conseillerais, ce serait de jouer Mariamne à la rentrée de votre parlement. Ce rôle est trop long pour Mlle Gaussin, qui ne doit pas d'ailleurs en être jalouse. Vous feriez réussir cette pièce avec M. Lekain, qui joue, dit-on, très-bien Hérode vous joueriez après cela Idamé, si le public redemandait la pièce; j'aurais le temps de la rendre moins indigne de vous. Je vous demande pardon d'une si longue lettre, que le triste état de ma santé m'a obligé de dicter. Je vous présente mes très- sincères remerciements, etc. »
22:39 | Lien permanent | Commentaires (0)