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05/04/2012

il y a peu de ces grandes âmes qui conservent si longtemps le feu sacré de Prométhée

 Grande âme, peut-être Jeanne d'Arc, dite  la Pucelle, le fut -elle, si j'en crois certains historiens , mais à tout coup, Voltaire  certainement est une grande âme animée d'un feu sacré jusqu'à son dernier souffle .

Coincidence, tous deux sont morts un 30 mai . Est-ce un clin d'oeil du hasard pour réunir dans les éphémérides l'auteur de La Pucelle et son modèle ? ( ceux qui ont lu La Pucelle vont dire que j'exagère en parlant de "modèle" , mais tant pis ! )

feu sacré jeanne darc fn.jpg

http://medias.lepost.fr/ill/2012/01/06/h-20-2674873-13258...

Ces flammes sont un mode de combustion des esprits à proscrire .

 

 

 

« A M. THIERIOT.

Aux Délices, 1er octobre [1755]

Je n'ai point répondu, mon ancien ami, aux belles exhortations que vous me faites sur cette vieille folie de trente années, que vous voulez que je rajeunisse. J'attends que je sois à l'âge auquel Fontenelle a fait des comédies 1. Il n'est permis qu'à un jeune homme, ou à un radoteur, de s'occuper d'une Pucelle. Colonne 2, à l'âge de soixante-quinze ans, commenta l'Aloïsia; mais il y a peu de ces grandes âmes qui conservent si longtemps le feu sacré de Prométhée. Il y a d'ailleurs un petit obstacle à l'entreprise que vous me proposez, c'est que l'ouvrage n'est plus entre mes mains; je m'en suis défait comme d'une tentation. Je me suis mis gravement à juger les nations 3, dans une espèce de tableau du genre humain, auquel je travaille depuis longtemps, et je ne me sens pas l'agilité de passer de la salle de Confucius à la maison de Mme Paris. J'ai lu les Mémoires de Mme de Staal; elle paraît plus occupée des événements de la femme de chambre que de la conspiration du prince de Cellamare. On dit que nous aurons bientôt les Mémoires de Mlle Rondet, fille suivante de Mme de Staal.
Vous ne pouviez vous défaire de vos Anglais et de vos Italiens en de meilleures mains qu'en celles de M. le comte de Lauraguais 4. Le vieux Protagoras, ou Diagoras-Dumarsais 5, m'a répondu de lui.

Je vous embrasse de tout mon cœur. »

 

1 Fontenelle, né en 1657, avait, dès 1680, donné sa tragédie d'Aspar (non imprimée); mais en 1751, à quatre-vingt-quatorze ans, il avait publié plusieurs comédies jusqu'alors inédites. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Le_Bouyer_de_Fontenelle

2 François-Marie Pompée Colonne, mort à Paris en 1726, dans l'incendie de sa maison, âgé de quatre-vingt- deux ou quatre-vingt-huit ans, peut avoir été connu de Voltaire. On sait que les amants de la fille de Cujas disaient qu'ils commentaient les œuvres de ce grand jurisconsulte. C'est probablement dans le même sens que Voltaire emploie ici cette expression. . Un de ses ouvrages : http://books.google.fr/books?id=rV8z9X-oQLgC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

On ne connaît de Colonne aucun commentaire écrit sur l'Aloisia de N. Chorier, ouvrage obscène écrit en latin, dont la traduction française est intitulée l'Académie des Dames. (Beuchot.) http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Chorier

5 César Dumarsais, grammairien et philosophe que V* se plait à surnommer Protagoras ou Diagoras .

 

04/04/2012

Passer sa vie entre la calomnie et la colique est un peu dur; mais l'étude et l'amitié consolent.

 

 

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« A M. Elie BERTRAND.

30 septembre [1755]

Voici, mon cher monsieur, une petite anecdote littéraire assez singulière. M. le conseiller de Bonstetten 1 et moi, nous sommes les seuls qui ayons eu l'idée de parler de Confucius dans l'Orphelin de la Chine, d'étonner et de confondre un Tartare (et il y a beaucoup de Tartares en ce monde) par l'exposition de la doctrine aussi simple qu'admirable de cet ancien législateur. Il était impossible de faire paraître Confucius lui-même, du temps de Gengis-kan, puisque ce philosophe vivait six cents ans avant Jésus-Christ; mais ma première intention avait été de représenter Zamti comme un de ses descendants, et de faire parler Confucius en lui. On me fit craindre le ridicule que le parterre de Paris attache presque toujours aux choses extraordinaires, et surtout à la sagesse. Je me privai de cette source de vraies beautés dans une pièce qui, étant pleine de morale et dénuée de galanterie, courait grand risque de déplaire à ma nation. La faveur qu'elle a obtenue m'enhardit, mais m'enhardit trop tard. Je vis tout ce qui manquait à cet ouvrage quand il fut imprimé je repris mes anciennes idées, et j'y travaillais quand je reçus votre lettre du 26 septembre. J'ai déjà corrigé tant de choses à la pièce que je ne craindrais point de la refondre pour professer hardiment la morale de Confucius dans mon sermon chinois. Tous ceux à qui j'ai fait part de cette entreprise l'ont approuvée avec transport. Mais M. de Bonstetten est le seul qui ait eu le mérite de l'invention. Je ne peux m'empêcher d'admirer la justesse et la force de l'esprit d'un homme qui, occupé de choses si différentes, trouve tout d'un coup, à la seule lecture d'une tragédie, la beauté essentielle qui devait caractériser la pièce. Voilà bien un nouveau motif qui m'attache à Berne, et qui me donne de nouveaux regrets. Je ne peux aller à Monrion, que j'ai cédé pour longtemps à M. de Giez et à sa famille. Qu'il y rétablisse sa santé; qu'il y demeure tant qu'il voudra, ma maison est à lui. Je suis d'ailleurs plus malade que jamais à mes prétendues Délices; et, depuis quelques jours, je me trouve dans l'impuissance totale de travailler.

Il est vrai, mon cher philosophe, que je badinais à trente ans, j'avais traduit le commencement de cet Hudibras 2, et peut-être cela était-il plus plaisant que celui dont vous me parlez. Pour cette Pucelle d'Orléans, je vous assure que je fais bien pénitence de ce péché de jeunesse. Je vous enverrais mon péché si j'en avais une copie. Je n'en ai aucune; mais j'en ferai venir de Paris incessamment, et uniquement pour vous. Vous la lirez à votre loisir, avec des amis philosophes.

Dulce est decipere in loco.(Hor., lib. IV, od. XII, y. 28.)


Je vous remercie tendrement d'avoir fait connaître à M. de Tressan la vérité. Bousquet n'est pas digne d'avoir affaire à un homme comme vous, et d'imprimer vos ouvrages. Ne pourrais- je trouver à Genève un libraire qui me convînt? N'avez-vous pas une imprimerie à Berne? Il faut du stoïcisme dans plus d'une occurrence; mais je n'adopte des stoïques que les principes qui laissent l'âme sensible aux douceurs de l'amitié, et qui avouent que la douleur est un mal. Passer sa vie entre la calomnie et la colique est un peu dur; mais l'étude et l'amitié consolent. Adieu, monsieur; vous faites une de mes plus grandes consolations. Conservez-moi les bontés que vous m'avez acquises de M. et de Mme de Freudenreich; vous sentez que je suis déjà bien attaché à M. de Bonstetten, par estime et par amour-propre. Mes respects, je vous en prie, à ces messieurs, à monsieur l'avoyer, à M. le colonel Jenner. Je suis à vous tendrement pour ma vie. »

 

1 Charles-Emmanuel von Bonstetten, ministre des finances pour les territoires welches de Berne, père de Charles-Victor de Bonstetten alors âgé de 10 ans qui fréquentera V* à Ferney plus tard ; http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Victor_de_Bonstetten

 

ceux qui ont parlé de cette affaire ont été peu instruits; mais l'est-on jamais bien sur les grandes choses et sur les petites?

 Grandes ?

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Petites ?

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http://www.bakchich.info/france/2010/10/21/les-petites-af...

 

 Ou inversement, car chacun voit midi à sa fenêtre .

 

 

 

« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.

Aux Délices, 27 septembre [1755]

Vous devez, monseigneur, avoir reçu mes magots, depuis la lettre dont vous m'avez honoré. J'avais adressé le premier exemplaire 1 sortant de la presse, à M. Pallu 2, sous l'enveloppe de M. Rouillé 3. Je ne crois pas qu'il y ait aucune négociation avec la Chine qui ait pu empêcher que le paquet vous ait été rendu. Tout a été fait un peu à la hâte, de ma part, et je vous demande très-sérieusement pardon de vous offrir une pièce que j'aurais pu rendre, avec le temps, moins indigne de vous; mais on ne fait pas toujours tout ce qu'on voudrait. Je ne vous parlerai plus de votre procès, puisque vous l'avez oublié mais vous ne m'empêcherez pas d'être surpris et affligé. Je voudrais que l'injustice opiniâtre des Anglais me donnât un sujet plus ample pour parler de vous selon mon cœur. Vous m'inspirez du goût pour l'historiographerie, depuis que je ne suis plus historiographe. L'Histoire de la guerre de 1741, où vous êtes tout du long, paraîtra un jour; mais c'est un fruit qu'il faut laisser mûrir. Mme Denis jure toujours qu'elle vous remit l'exemplaire que je lui avais envoyé pour vous mais voici ce qui est arrivé. Un libraire de Paris, nommé Prieur, acheta vingt-cinq louis, il y a quelque temps, une partie de ce manuscrit, qui n'allait que jusqu'à la bataille de Fontenoy; et, chose étrange, c'est que ce libraire dit l'avoir acheté de M. de Ximenès. Manger six cent mille francs, et vendre six cents francs un manuscrit dérobé, voilà un singulier exemple de ce que la ruine traîne après elle. M. de Malesherbes eut la faiblesse de permettre cette édition sans me consulter. J'en fus instruit; j'ignorais ce qu'on avait imprimé; je savais seulement qu'une partie de l'Histoire du roi allait paraître sous mon nom, sans mon aveu, sans qu'on m'eût rien communiqué. J'écrivis à Mme de Pompadour et à M. d'Argenson, et j'obtins sur-le-champ qu'on fît saisir l'ouvrage. Une des plus fortes raisons qui m'ont déterminé à prendre ce parti, c'est la crainte qu'on ne m'accusât de flatterie dans cette histoire. J'aurais passé pour l'avoir publiée moi-même, et pour avoir voulu m'attirer quelque grâce par des louanges. Ces louanges ne peuvent jamais être bien reçues que quand elles paraissent entièrement désintéressées. D'ailleurs je n'avais point revu cette histoire, et il y a toute apparence qu'on n'en avait publié que des fragments fort imparfaits.
Mme de Pompadour et M. d'Argenson ont pensé comme moi, et Mme de Pompadour m'a fait l'honneur de m'écrire, aussi bien que M. d'Argenson, qu'elle approuvait ma conduite. Je me flatte que vous daignez lui donner la même approbation. Vous voyez combien ceux qui ont parlé de cette affaire ont été peu instruits; mais l'est-on jamais bien sur les grandes choses et sur les petites?
A propos de petites, vous avez lu, sans doute, Mme de Staal 4. Je m'aperçois que mon bavardage n'est pas petit. Recevez mon tendre respect. »

 

 

 

 

2 Conseiller d'État depuis 1749, beau-frère de Rouillé, alors ministre et secrétaire d'État.

 

3 Antoine-Louis Rouillé, comte de Jouy : http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Louis_Rouill%C3%A9

 

4 La première édition des Mémoires de Mme de Staal venait de paraitre en quatre volumes in-12. (Beuchot.) , soit cinq ans après sa mort : http://en.wikipedia.org/wiki/Marguerite_de_Launay,_baronne_de_Staal

Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6209220x/f13.image.r=m%C3%A9moires+de+mme+de+staal.langFR

 

 

03/04/2012

La vie n'est qu'un contre-temps perpétuel, heureuse encore, quand elle n'est qu'un contre-temps.

 ... comme la perte de mon téléphone et surtout de son répertoire qui ,lui, était plus fiable que ma mémoire d'homo sapiens sapiens . Saint Antoine de Padoue est, soit sourd, soit peut-être vénal, car il n'a toujours pas exaucé ma demande de retrouvaille !

Vai-je faire appel à Ste Rita, celle des causes désepérées ?

 En musique : http://www.youtube.com/watch?v=nrmPwamS-PQ


Petit contretemps photo ...

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... pour une espèce de matou vu !

 

« A M. DE BRENLES.

Aux Délices, 26 septembre [1755] 1

J'allais à Monrion, mon cher philosophe je venais vous embrasser, je jouissais par avance des consolations de votre commerce aussi sûr que délicieux, j'étais déjà en route, j'avais couché à Prangins, lorsque Mme de Giez m'apprend par un courrier le danger où est son mari. J'aime M. de Giez véritablement; je lui ai confié une partie de mes affaires, il m'a paru avoir toute la bonne foi de votre pays, je serais inconsolable de sa perte. Il est dans ma maison avec toute sa famille; je ne regrette point d'en être privé, s'il peut y retrouver sa santé, je ne voudrais y être que pour lui donner mes secours mais je suis retombé dans mes maux ordinaires, et me voici malade auprès de Genève,
tandis que tout mon petit bagage est auprès de Lausanne. La vie n'est qu'un contre-temps perpétuel, heureuse encore, quand elle n'est qu'un contre-temps.
Vous avez dû recevoir, mon cher ami, un exemplaire de l'Orphelin de la Chine par la voie de M. Galatin 2, directeur des postes de Genève, qui s'est chargé de vous le faire parvenir. Il est bien triste que cette maudite Pucelle paraisse, après trente ans, dans le monde, à côté d'ouvrages sérieux et pleins de morale c'est un contraste qui afflige ma vieillesse.
Vous savez que, sur le réquisitoire du conseil de Genève, Bousquet a été obligé de donner l'original de ce Mémoire scandaleux et calomnieux de Grasset, qu'il avait répandu dans Lausanne. Le conseil de Genève vient de donner un décret de prise de corps contre Grasset. C'est là une réfutation assez authentique mais il est triste d'en avoir eu besoin.
Je me flatte que Bousquet sera assez sage pour ne plus se servir d'un pareil homme.

Adieu, jusqu'au moment où je pourrai enfin jouir de Monrion et de votre société. Adieu, mon cher philosophe . Mme Denis et moi nous présentons nos obéissances à celle qui fait la douceur de votre vie, et à qui vous le rendez si bien. »

 

 

 

1 Cette lettre est, à peu de chose près, copie conforme de celle du même jour adressée à Elie Bertrand . Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/04/03/il-n-y-a-de-consolation-que-dans-une-resignation-entiere-a-l.html

 

2 La famille Gallatin (et non Galatin) est fort connue à Genève. Un de ses membres, J.-L. Gallatin, mort en 1783, fut, comme médecin, l'un des disciples les plus distingués de Tronchin.

 

 

il n'y a de consolation que dans une résignation entière à la volonté d'un Être suprême

... qui ne se nomme surtout pas Nicolas S. , Jean-Luc M., Marine L., François H., Nicolas D.-A., Jacques C.

A contrario, je trouve plutôt une formidable consolation dans une révolte sans trêve contre l'arbitraire de dirigeants déconnectés de la vie ordinaire de gens ordinaires comme moi .

Au fait, l'être suprême, je l'ai photographié ce matin !

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« A M. Élie BERTRAND.

Aux Délices, 26 septembre [1755]

 


De nouveaux contre-temps très-tristes, mon cher monsieur, me privent, cette année, du plaisir que je me préparais de venir vous embrasser à Berne. Je partais pour Monrion, lorsqu'un courrier, dépêché par Mme de Giez, femme de mon banquier, vint m'apprendre que son mari était à la mort, dans ma maison que je lui ai prêtée, et où je venais d'envoyer tout mon petit bagage. Ce M. de Giez est non-seulement mon banquier, mais mon ami. Je n'ai senti que l'affliction que me cause son triste état. S'il en réchappe, sa convalescence sera longue, et je lui laisse de grand cœur ma maison, où il est avec toute sa famille. Si nous le perdons, ce seront encore de très-grands embarras joints à ma douleur. La vie est remplie de ces traverses, jusqu'au dernier moment. Ma santé est toujours très-languissante il n'y a de consolation que dans une résignation entière à la volonté d'un Être suprême. Quel cruel contraste entre ces réflexions et la gaieté un peu indécente de ces anciens fragments de la Pucelle,
qu'on assure être imprimés! Cette nouvelle achève de me désespérer. Je vous prie, monsieur, de vouloir bien présenter mes respects à M. le colonel Jenner, aussi bien qu'à M. le banneret de Freudenreich.

Vous ignorez peut-être que le conseil de Genève a fait un réquisitoire à celui de Lausanne, pour se faire représenter le Mémoire scandaleux et calomnieux du nommé Grasset. Le libraire Bousquet a été obligé de donner l'original de ce mémoire, sur la lecture duquel le conseil de Genève a décerné un décret de prise de corps contre Grasset. Je ne pouvais, ce me semble, avoir une meilleure réfutation mais enfin cette affaire est toujours désagréable. Oserais-je vous supplier de faire parvenir cette nouvelle à monsieur le secrétaire de votre consistoire, qui m'a paru être informé du Mémoire de Grasset, et de l'effet dangereux qu'il pouvait produire? Mme Denis vous fait mille compliments.
Je vous suis tendrement attaché, à la vie et à la mort. »

 

02/04/2012

Soyez arbitre c'est un métier plus beau que celui de juge

 ... Surtout par la tenue !

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Je vous laisse juges de deviner le sport ici arbitré !

 

 

 

«  A M. Sébastien DUPONT,

Avocat au conseil souverain

à Colmar

Aux Délices 23 septembre [1758]

Mon cher ami, je vous regrette plus que le château de Horbourg 1. Comptez que je suis parti de Colmar avec douleur. J'ai été enchanté des bontés de monsieur le premier président, de Mme de Klinglin, et de toute sa respectable famille, je vous supplie de leur présenter à tous mes respects. Ne m'oubliez pas auprès de M. de Bruges 2 et de M. l'abbé de Munster, je vous en supplie.
Vous croyez bien que je n'oublie pas Mme Goll 3, à qui j'ai donné la préférence sur toutes les dames de Colmar, et dont j'ai apporté le portrait à Lausanne. Voulez-vous vous charger, sérieusement parlant, d'une bonne œuvre qui sera utile à cette belle? Il s'agirait de porter la tribu Goll à s'accommoder d'une somme certaine pour finir un procès très-incertain, et qui durera peut-être encore bien des années. Si vous portez ces plaideurs à se contenter d'une somme très- modique, ils vous auront encore bien de l'obligation. M. de Beaufremont vous en aura aussi, et les deux parties vous donneront des honoraires. Il faut saisir ce moment, qui probablement ne reviendra plus. Soyez arbitre c'est un métier plus beau que celui de juge. Je vous écris à la hâte la poste presse. Je vous embrasse tendrement, vous, et femme, et enfants.
Le Suisse VOLTAIRE. »

1 V* avait reçu le château de Horbourg en garantie d'un prêt qu'il avait fait au duc de Wurtemberg . Voir lettre du 2 septembre 1754 à la duchesse de Lutzelbourg, page 118 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f121.image.r=2642.langFR

2 Avocat du conseil du duc de Wurtemberg.

3 Ancienne logeuse de V* à Colmar qui est veuve depuis décembre 1754 et connait des soucis familiaux de succession .

 

Il faut que vous me parliez de vous davantage, si vous voulez que je sois mieux avec moi-même.

C'est ce que je demande à vous lecteurs assidus ou occasionnels, égarés ou à l'affut de nouvelles voltairiennes . Commentez, SVP !

 

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« A M. le comte d'ARGENTAL.

20 septembre [1755]

Mon cher ange, tout malade que je suis, j'ai lu avec attention le grand Mémoire sur l'Orphelin. J'en fais les plus sincères remerciements au chœur des anges mais les forces et le temps me manquent pour donner à cet ouvrage la perfection que vous croyez qu'il mérite, et, du moins, les soins que je lui dois après ceux que vous en avez daigné prendre. Je crois que le mieux serait de ne pas reprendre la pièce après Fontainebleau, de gagner du temps, de me laisser celui de me reconnaître. Songez que je n'ai ni santé ni recueillement d'esprit. Cette cruelle aventure de l'Histoire de 1741, l'injustice de M. de Malesherbes, ses discours offensants et si peu mérités, six mille copies répandues dans Paris d'un ouvrage tout falsifié et qui me fait grand tort, tant de tribulations jointes aux souffrances du corps , des ouvriers de toute espèce qu'il faut conduire, un voyage à mon autre ermitage 1, qu'il faut faire; tout m'arrache à présent à l’Orphelin, mais rien ne m'ôtera jamais à vous. Tâchez, je vous en prie, que les comédiens oublient l'Orphelin cet hiver; mais ne m'oubliez pas.
Vous ne m'aimez que comme faiseur de tragédies, et je ne veux pas être aimé ainsi. Vous ne me parlez point de vous, de votre vie, de vos amusements vous ne me dites point si vous êtes aussi mécontent que moi de Cadix 2; si vous avez été à la campagne cet été. Vous ne savez pas que vos minuties sont pour moi essentielles. Il faut que vous me parliez de vous davantage, si vous voulez que je sois mieux avec moi-même. Adieu; je vous demande toujours en grâce de faire lire à M. de Thibouville ce que vous savez 3. »

2 Ce fut sans doute en 1755 que Voltaire fit la perte des 80,000 livres dont il est parlé dans la note 4 de la lettre du 12 mars 1754 : page 188 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f191.image.r=2713.langFR

3 La Pucelle, corrigée.