27/02/2013
Il serait nécessaire que je le revisse afin que ne plaçasse point au mot Historiographe ce que j'aurais mis au mot Histoire et que je pusse mieux mesurer ces deux articles
... Je ne pense pas que l'imparfait du subjonctif soit d'usage, même homéopathique, dans le livre de Miss Iacub et ses parties de jambes en l'air avec Dirty Silly Keutard . Ce dernier confirme sa vocation de souteneur en faisant payer les clients de son ex-compagne/conquête, il n'y a pas de petits profits . Aux dernières nouvelles il aurait refusé de se rendre au Salon de l'Agriculture, n'étant pas certain d'en ressortir autrement que dans une bétaillère en direction de l'abattoir .
« A Jean Le Rond d'Alembert
Lausanne 29 de décembre [1757]
Tibi soli.
Mon cher et courageux philosophe je viens de lire et de relire votre excellent article Genève . Je pense que le Conseil et le peuple vous doivent des remerciements solennels : vous en méritez des prêtre mêmes ; mais ils sont assez lâches pour désavouer leurs sentiments que vous avez manifesté et assez insolents pour se plaindre de l'éloge que vous leur avez donné d'approcher un peu de la raison . Ils se remuent, ils aboient, ils voudraient engager les magistrats à solliciter à la cour un désaveu de votre part ; mais assurément la cour ne se mêlera pas de ces huguenots et vous soutiendrez noblement ce que vous avez avancé en connaissance de cause . Vernet, ce Vernet convaincu d'avoir volé des manuscrits, convaincu d'avoir supposé une lettre de feu Giannone 1, Vernet fit imprimer à Genève les deux détestables premiers volumes de cette prétendue Histoire universelle, Vernet qui reçut trois livres par feuille du libraire, Vernet le professeur de théologie n'a-t-il pas imprimé dans je ne sais quel catéchisme qu'il m'a donné et que j'ai jeté au feu, n'a-t-il pas imprimé, dis-je, que la révélation peut être de quelque utilité ?2 N'avez-vous pas vingt fois entendu dire à tous les ministres qu'ils ne regardèrent pas Jésus Christ comme Dieu ? Vous avez donc déclaré la vérité et nous verrons s'ils auront l'audace et la bassesse de la trahir .
Quelque chose qui arrive il demeurera consigné dans un livre immortel qu'il y a eu des prêtres ou soi-disant tels qui ont osé ne croire qu'un dieu et encore un dieu qui pardonne, un dieu pardonneur comme disent les Turcs .
Vous me donnez l'article Historiographe à traiter, mes chers maîtres . Je n'ai point ici la minute de l'article Histoire . Il me semble que je le fis bien vite et que je le corrigeai encore plus vite et encore plus mal . Il serait nécessaire que je le revisse afin que ne plaçasse point au mot Historiographe ce que j'aurais mis au mot Histoire et que je pusse mieux mesurer ces deux articles .
Si donc vous avez quinze jours devant vous renvoyez moi Histoire. Cela est ridicule je le sais bien mais je serais encore plus ridicule de donner un mauvais article. Je vous renverrai le manuscrit trois jours après l'avoir reçu . Ayez la bonté de l'envoyer contresigné à Lausanne .
Je cherche dans les articles dont vous me chargez à ne rien dire que le nécessaire et je crains de n'en pas dire assez ; d'un autre côté je crains de tomber dans la déclamation .
Il me paraît qu'on vous a donné plusieurs articles remplis de ce défaut ; il me revient toujours qu'on s'en plaint beaucoup . Le lecteur ne veut qu'être instruit et il ne l'est point du tout par ces dissertations vagues et puériles qui pour la plupart renferment des paradoxes, des idées hasardées, dont le contraire est souvent vrai, des phrases ampoulées, des exclamations qu'on sifflerait dans une académie de province qui sont bien indignes de figurer avec tant d'articles admirables .
M. le ministre Vernes vous a, je crois , donné l’article Humeur 3 ; mais si vous ne l'aviez pas de sa main je me serais proposé . Il me semble , par exemple, qu'on doit d'abord définir ce qu'on entend par ce mot, ensuite rechercher la cause de l'humeur, faire voir qu'elle ne vient que d'un mécontentement secret, d'une tristesse dans les hommes les plus heureux, en montrer les inconvénients ; cela ne demande à mon avis qu'une demi-page ; mais chacun veut étendre ses articles . On oublie, comme dit Pascal, qu'on est ligne et on se fait centre 4 . On veut occuper une grande niche dans votre panthéon ; on ose dire je et moi dans votre Dictionnaire . Ah que je suis fâché de voir tant de stras avec vos beaux diamants ! Mais vous répandez vite votre éclat sur les stras . J'attends avec impatience Le Père de Famille . Je salue et j'embrasse l'illustre auteur 5 . »
1 Jean-Jacob Vernet : Anecdotes ecclésiastiques … tirées de l'Histoire du royaume de Naples de [Pietro] Giannono .
2 Dans la seconde édition de l'Instruction chrétienne ou catéchisme familier pour les enfants, 1754, Vernet avait changé le titre de la première section ; d'abord intitulée Nécessité de la révélation, 1741, elle devint Utilité de la révélation, 1754 .
3 Vernes l'avait envoyé à Rousseau qui l'avait transmis à Diderot, mais d’Alembert ne l'avait pas vu .
4 Ce n'est pas dans l'édition de Port Royal des Pensées de Pascal que V* a trouvé cette phrase ; le reproche de « se faire centre » y est bien . V* pense à cette idée et a brodé sur elle .
5 Diderot : Le Père de famille . http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_P%C3%A8re_de_famille_(Diderot)
19:55 | Lien permanent | Commentaires (0)
26/02/2013
laisser aller le monde comme il va, recommander la morale et la bienfaisance, et regarder tous les hommes comme nos frères
... Belles intentions, mais hélas on voit les frères se déchirer pour l'héritage de cette terre, la fraternité a ses limites .
« A M. Élie BERTRAND.
A Lausanne, 27 décembre [1757].
Je vous souhaite une bonne et tranquille année, mon cher philosophe, car rien de bon sans tranquillité. J'épargne une lettre inutile à monsieur le banneret et à madame 1 mais je m'adresse à vous pour leur présenter mes tendres respects, et mes vœux bien sincères pour leur conservation et pour leur félicité, dont ils sont si dignes. Ma nièce se joint à moi et partage tout mon attachement. Que nous serions flattés s'ils pouvaient honorer de leur présence ce séjour tranquille, cette petite retraite de Lausanne que nous avons ornée dans l'espérance de les y recevoir un jour avec vous ! Iste angulus mihi semper ridet 2. Je ne crois pas que j'aille jamais ailleurs, malgré les sollicitations qu'on me fait. Quand on est aussi agréablement établi, il ne faut pas changer. Patria ubi bene doit être ma devise.
J'ai lu enfin l'article Genève de l'Encyclopédie, qui fait tant de bruit.
Non nostrum inter vos tantas componere lites.3
Je trouve seulement les Genevois très-heureux de n'avoir que de ces petites querelles paisibles, tandis qu'on s'égorge depuis le lac des Puants 4 jusqu'à l'Oder, et qu'on teint de sang la terre et les mers.
Il faut que ceux qui sont destinés à prêcher la paix soient au moins pacifiques. Le grand mal, messieurs, qu'on vous accuse un peu de variations! Eh! qui n'a pas varié? Le premier siècle ressemble-t-il au quatrième? et milord Pierre 5 n'a-t-il pas couvert de rubans et de franges l'habit simple et uni qu'il avait reçu d'un père très-uni?
Les dogmes ne se sont-ils pas accumulés d'âge en âge? On dit que vous revenez à la simplicité des premiers temps, que vous abandonnez l'architecture gothique, chargée de vains ornements, pour la noble architecture des Grecs. Vous fait-on si grand tort? M. d'Alembert, à ce que vous dites, serait très-fâché que des inquisiteurs le louassent d'être tout prêt à faire brûler des hérétiques. Sans doute il recevrait fort mal ce bel éloge, qu'il n'a jamais mérité; mais en est-il de même de ceux qu'il loue de vouloir embrasser la simplicité des premiers temps? Il ne dit que ce qu'il leur a entendu dire vingt fois. Il révèle leur secret, je l'avoue; mais ce secret est celui de la comédie; rien n'est plus public parmi vous autres que ce secret 6. S'ils désavouent leurs sentiments, ils se feront peu d'honneur; s'ils les publient, ils s'attireront des disputes. Que faut-il donc faire? rien; se taire, vivre en paix, et manger son pain à l'ombre de son figuier; laisser aller le monde comme il va, recommander la morale et la bienfaisance, et regarder tous les hommes comme nos frères. C'est ce que je leur souhaite. Je vous embrasse tendrement, mon cher théologien, humain et philosophe. »
3 Il ne nous appartient pas au milieu de gens comme vous d'arbitrer de si grands débats ; Virgile Églogue, II, 108 .
4 Winnipeg vient de la peuplade des Winnipegs au Canada , « puants » et on attribua l'odeur au lac lui-même .
6 Le « secret » dont parle Voltaire était que l’Église de Genève était devenue socinienne, c'est à dire qu'elle répudiait la divinité du Christ et ne voyait plus guère dans le christianisme qu'un doctrine moral . Ceci constituait, si on peut dire, l'éloge de d'Alembert .
11:48 | Lien permanent | Commentaires (0)
25/02/2013
Des préjugés sage ennemie, Vous de qui la philosophie,L'esprit, le cœur, et les beaux yeux, Donnent également envie A quiconque veut vivre heureux De passer près de vous sa vie
... Je crois bien Mam'zelle Wagnière que Voltaire s'adresse à vous .
Bientôt le printemps
« A Louise-Florence-Pétronille d'Esclavelles d'ÉPINAY
A Lausanne, 26 décembre [1757].
Des préjugés sage ennemie,
Vous de qui la philosophie,
L'esprit, le cœur, et les beaux yeux.
Donnent également envie
A quiconque veut vivre heureux
De passer près de vous sa vie;
Vous êtes, dit-on, tendre amie;
Et vous seriez encor bien mieux,
Si votre santé raffermie
Et votre beau genre nerveux
Vous en donnaient la fantaisie.
Heureux ceux qui vous font la cour, malheureux ceux qui vous ont connue et qui sont condamnés aux regrets . Le hibou des Délices est à présent le hibou de Lausanne il ne sort pas de son trou mais il s'occupe avec sa nièce de toutes vos bontés. Il se flatte qu'il y aura de beaux jours cet hiver, car après vous, madame, c'est le soleil qui lui plaît davantage. Il a dans sa masure un petit nid bien indigne de vous recevoir; mais quand nous aurons de beaux jours et des spectacles, peut-être, madame, ne dédaignerez-vous point de faire un petit voyage le long de notre lac. Vous aurez des nerfs, M. Tronchin 1 vous en donnera j'espère qu'il vous accompagnera. Tous nos acteurs s'efforceront de vous plaire; nous savons que l'indulgence est au nombre de vos bonnes qualités.
Je vous demande votre protection auprès du premier des médecins, et du plus aimable des hommes, et je lui demande la sienne auprès de vous. Mais si vous voyez la tribu Tronchin, et des Jallabert 2, et des Crommelin, etc., comme on le dit, vous ne sortirez point de Genève, vous ne viendrez point à Lausanne. L'oncle et la nièce en meurent de peur.
Recevez, madame, avec votre bonté ordinaire, le respect et le sincère attachement du hibou suisse.
V.
Me permettez-vous, madame, de présenter mes respects à M. l'abbé de Nicolaï 3? Je voudrais bien que monsieur votre fils, qui est si au-dessus de son âge et si digne de vous, et son aimable gouverneur 4, voulussent bien se souvenir du Suisse de Lausanne. »
2 Jean Jallabert, professeur de philosophie à Genève, où il mourut en 1768, voir lettre du 21 décembre 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/02/23/monsieur-jallabert-va-allonger-sa-perruque-par-devant.html
. Quant à Crommelin, conseiller de Genève, Voltaire le nomme dans sa lettre du 24 décembre 1758, à Thieriot : http://www.genealogie-aisne.com/perso/icrommelin.htm
3 Voir lettre du 8 novembre 1757 à J-R Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/11/08/elles-s-en-retournent-gueries-et-embellies.html
Faire recherche : Nicolaï dans : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2064356/f92.image.r...
4 Linant, à qui est adressée une lettre du 12 mars 1758. Page 379 : http://books.google.fr/books?id=TIM-AAAAcAAJ&pg=PA379&lpg=PA379&dq=linant+%C3%A9pinay+voltaire&source=bl&ots=--_PUnM_u1&sig=pd02A2PkcEQFO0MQiyTqGGKAP6k&hl=fr&sa=X&ei=pIArUcqIEfDa0QXE-oGYCw&ved=0CEIQ6AEwBQ#v=onepage&q=linant%20%C3%A9pinay%20voltaire&f=false
16:36 | Lien permanent | Commentaires (0)
vous vous plaignez de n'être pas loués comme il faut. Que vous êtes heureux, dans votre petit coin de ce monde, de n'avoir que de pareilles plaintes à faire, tandis qu'on s'égorge ailleurs!
... Ce qui est toujours vrai de nos jours en Suisse , car la modestie est loin d'être leur vertu principale .
Neutres et bas de plafond !
« A M. le ministre Jacob VERNES.
Chez monsieur son père
à Genève
A Lausanne, 24 décembre,[1757] au soir.
Voici, monsieur, ce que me mande M. d'Alembert 1« J'écris à votre ami M. Vernes; il pourra vous communiquer ma lettre. Il me parait que ces messieurs n'ont pas lu l'article Genève, ou qu'ils se plaignent de ce qui n'y est pas . » Or, puisque vous voilà mon ami déclaré à Paris, communiquez-moi donc, mon cher ami, cette lettre de M. d'Alembert. Je n'ai point encore le nouveau tome de l'Encyclopédie, et j'ignore absolument de quoi il s'agit. Je sais seulement, en général, que M. d'Alembert a voulu donner à votre ville des témoignages de son estime. Il dit que le clergé de France l'accuse de vous avoir trop loués, tandis que vous autres vous vous plaignez de n'être pas loués comme il faut. Que vous êtes heureux, dans votre petit coin de ce monde, de n'avoir que de pareilles plaintes à faire, tandis qu'on s'égorge ailleurs!
Puissent tous vos confrères perpétuer cette heureuse paix, cette humanité, cette tolérance qui console le genre humain de tous les maux auxquels il est condamné ! Qu'ils détestent le meurtre abominable de Servet, et les mœurs atroces qui ont conduit à ce meurtre, comme le parlement de Paris doit détester l'assassinat infâme dont on fit périr Anne du Bourg, et comme les Hollandais doivent pleurer sur la cendre des Barneveldt et des de Witt. Chaque nation a des horreurs à expier, et la pénitence qu'on en doit faire est d'être humain et tolérant.
Ne soyons ni calvinistes, ni papistes, mais frères, mais adorateurs d'un Dieu clément et juste. Ce n'est point Calvin qui fit votre religion il eut l'honneur d'y être reçu, et vous avez parmi vous des esprits plus philosophes et plus modérés que lui, qui font l'honneur de votre république.
Bonsoir. Quand il s'agit de paix et de tolérance, je suis trop babillard. Mes compliments à notre Arabe 2. »
2 Firmin Abauzit à qui on croyait pouvoir donner une ascendance arabe , était né à Uzès en 1679, et est mort en 1767. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Firmin_Abauzit
11:25 | Lien permanent | Commentaires (0)