10/03/2013
Nous laissons faire Dieu, .... C'est le seul à qui nous ne payons pas de subsides ...Aussi,dit le roi, c'est le seul qui ne vous assiste pas
... Chers cardinaux papabile !
Selon vos dires le pape est choisi par Dieu, aussi je vous conseille, pour abrèger le temps d'enfermement, d'opter pour la courte paille, Dieu ne pouvant manquer de favoriser le meilleur, à vue d'oeil .
« A M. LE COMTE D'ARGENTAL.
A Lausanne, 5 janvier [1758].
Le roi de Prusse, en parlant à M. Mitchell,1 ministre d'Angleterre, de la belle entreprise de la flotte anglaise sur nos côtes 2, lui dit « Eh bien ! que faites-vous à présent ? Nous laissons faire Dieu, répondit Mitchell. Je ne vous connaissais pas cet allié, dit le roi. C'est le seul à qui nous ne payons pas de subsides, répliqua Mitchell. Aussi, dit le roi, c'est le seul qui ne vous assiste pas. »
Voilà, mon cher ange, les dernières nouvelles après la prise de Breslau. Le roi de Prusse a quarante mille prisonniers à présent, en nous comptant. Je fais des vœux et je crains pour M. de Richelieu. Quoiqu'il ait refusé un malheureux quart de part à Lekain 3, je l'aime toujours. Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? Et vous, pourquoi avez-vous une maison dans une maudite île 4 ? C'est l'affaire de M. de Boullongne 5 de vous la payer. Son père 6 l'aurait peinte, il a peint le plafond de la Comédie. Mais daignez donc me dire ce qu'on fait en faveur des pauvres auteurs qui viennent se faire siffler sous ce plafond. De mon temps, on ne cherchait pas à les consoler. Nous allons, nous autres Suisses, donner nos comédies gratis; nous ne payons ni auteurs ni acteurs; mais aussi nous ne sommes point sifflés. Nous n'avons point de premier gentilhomme, et nous ne jouons point à la cour. Lekain m'a fait faire des habits pour Zamti 7 et pour Narbas. Nous jouerons la Femme qui a raison; et, si cette femme et Fanime font plaisir, nous vous les enverrons.
Pour comble de bénédiction, il nous vient un peintre assez bon 8. Il ne peint qu'en pastel : il travaillera sur ma maigre effigie, pour vous et pour les Quarante. Il faudra une copie à l'huile pour mes confrères qui ne veulent pas de crayons. Vous aurez l'original, mon cher et respectable ami; cela est bien juste. Il y a une comédie du roi de Prusse, intitulée le Singe de la mode 9; nous pourrions bien la jouer, tandis qu'il fait de si terribles tragédies en Allemagne. La catastrophe était peu attendue, vous n'auriez pas dit, au 1er d'octobre, qu'il écraserait tout, quand vous autres le teniez pour écrasé, et qu'il m'écrivait qu'il était perdu et qu'il voulait mourir, et que j'essuyais de loin ses larmes, que je ne veux plus essuyer de près. Il n'y a qu'à vivre pour voir des prodiges.
Adieu, mon divin ange. Ah ! si vous pouviez voir ma maison, qui forme un ceintre sur mon jardin, et qui voit d'un côté quinze lieues de lac, et sept de l'autre, et qui a le lac en miroir au bout du jardin, et la Savoie par delà ce lac, et les Alpes au delà de cette Savoie, vous me diriez Tenez-vous là. Mais je suis trop loin de vous.
V.
Voilà donc le vainqueur de Mahon 10 vainqueur du prince de Brunswick . Il ne lui manque que de donner part entière à Lekain . Mais il faut que mes héros pêchent toujours par quelque endroit .
Je n'ai encore que des nouvelles fort vagues de la victoire de M. de Richelieu . Puisse la renommée n'avoir point exagéré à son ordinaire .11 »
1 Sir Andrew Mitchell envoyé par la Grande Bretagne en Prusse . Voir lettre IX de Frédéric II à Mitchell : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/25/id/001000000/text/
et faire recherche « Mitchell » dans : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/5/75/text/?h=mitchell
2 « On vient de recevoir la nouvelle bien constatée de la prise du fort Saint Georges avec deux mille cinq cents prisonniers . Le fort a été rasé . La flotte anglaise qui avait débarqué à l'ile d'Aix s'est contentée d'incendier quelques maisons et de faire quelques désordres à Fouras et ensuite a payé les dégâts sans doute de peur que l'on n'en fit autant dans Hanovre . Ils sont rentrés à Plymouth. » : lettre de Thieriot à Voltaire du 12 octobre 1757 .
5 Jean de Boullongne , fils ainé de Louis de Boullongne, premier peintre du roi ,venait de succéder le 25 août 1757 à François-Marie Peyrenc de Moras au poste de contrôleur général des Finances . http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_de_Boullongne
et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Marie_Peyrenc_...
6 Louis Boullongne le Jeune 1654-1733 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_de_Boullogne
7 Zamti est un personnage de l'Orphelin de la Chine : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-l-orphelin-de-la-chine-avertissement-114073427.html
, et Narbas de Mérope .
8 Peut-être s'agit-il du peintre Jean-Etienne Liotard (1702-1789) qui selon Mme Denis dans sa lettre du 7 juin 1758 « s'est retiré à Genève sa patrie ».
9 Comédie en un acte composée par Frédéric II pour le mariage de Kaiserlinck le 30 novembre 1742 .Voir article LII : http://friedrich.uni-trier.de/fr/oeuvres/14/text/
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08/03/2013
Mes compliments à toute votre famille et à votre frère l'arabe . Allah, illah, allah
... Yallah ! comme disait soeur Emmanuelle .
« A monsieur le ministre Jacob Vernes
chez monsieur son père à Genève
A Lausanne 3 janvier [1758]
Je suis prêt mon cher monsieur de rendre tous les services qui dépendront de moi au sujet de l’affaire dont vous me parlez et si on a quelque confiance en moi on ne s'en repentira pas . Deux choses sont préalablement nécessaires, c'est que vous soyez bien instruit de ce qu'on veut faire, et que je le sois aussi , afin que ni vous ni moi ne soyons exposés à une fausse démarche . Les voies de conciliation sont toujours les meilleures . Il y a des guerres dans lesquelles il est clair qu'il n’y a rien à gagner pour personne . Il est démontré qu'alors il faut la paix .
Cela n'est pas si bien démontré pour les puissances qui désolent aujourd'hui le monde . Si votre ode 1 est bonne comme je le crois ce sera le seul bien que cette affreuse guerre aura produit . Je vous prie de me l'envoyer . Je me flatte que j'aimerai votre ouvrage autant que j'aime son auteur . Si vous avez quelque nouvelle intéressante n'oubliez pas celui dont vous êtes l'ami et le prêtre
Le Vieux Suisse V.
Pax in terra hominibus bonae voluntatis 2 comme dit notre Vulgate .
Mes compliments à toute votre famille et à votre frère l'arabe 3. Allah, illah, allah. »
1 Vernes devait publier au troisième trimestre 1758 des Fragments d'une ode sur la guerre », dans le « Choix littéraire », périodique qu'il dirigeait . En fait ce poème est de Bordes .
3 Abauzit : voir lettre du 24 décembre 1757 à Vernes : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/02/25/vous-vous-plaignez-de-n-etre-pas-loues-comme-il-faut-que-vou.html
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07/03/2013
Pourquoi nous nommez-vous vilains ? Nous pillons, nous saccageons, et nous sommes larrons privilégiés, cela est vrai. Sommes-nous en cela plus condamnables que ceux qui gouvernent le monde, que les auteurs qui dérobent les pensées d'autrui,
... Ni plus ni moins, vous êtes tous mis dans le panier des indésirables sur cette terre que vous saccagez et polluez
« De Louise-Dorothée von Meiningen , duchesse de Saxe-Gotha
[janvier 1758]
Lettre des pandours au frère suisse.
Pourquoi nous nommez-vous vilains ? Nous pillons, nous saccageons, et nous sommes larrons privilégiés, cela est vrai. Sommes-nous en cela plus condamnables que ceux qui gouvernent le monde, que les auteurs qui dérobent les pensées d'autrui, et que les saints du paradis, qui, pour fonder des églises et des couvents, s'appropriaient les biens du peuple et des particuliers ? Non, assurément. Rendez-nous donc plus de justice, et souhaitez, au lieu de nous injurier, que les souverains de l'Europe suivent à l'avenir notre exemple qu'ils deviennent aussi avides que nous de posséder vos lettres; qu'ils apprennent, par leur lecture, à devenir philosophes, et pandours de la vertu. Si jamais nous avons le bonheur de vous attraper, nous tâcherons de piller votre esprit et vos connaissances, pour nous venger de votre mépris. Nos rossinantes seront alors métamorphosés en Pégases, et nous saurons bien, avec le secours d'une certaine dame qui se nomme Raison, vous empêcher de faire des neuvaines contre nous. Adieu.
P. S. J'ai reçu toutes vos lettres, et j'y réponds à la fois. Le plan de la comédie italienne n'est pas tout à fait assez juste; mais il me siérait mal de vouloir critiquer vos ouvrages. La sœur de Mezzetin 1 n'ose se mêler que de ce qui la regarde; et d'ailleurs il est bien dangereux d'entreprendre de jouer la comédie, puisqu'on risque d'être enlevé par les pandours, ou que les rôles ne soient interceptés. Il y a plus de quatre semaines que je n'ai aucunes nouvelles du roi. Il se peut qu'il m'ait écrit, ce que je crois très- sûrement mais je pense que ses lettres ont peut-être pris des routes qui ne conduisent pas ici.2
On dit que les Français ont reçu un petit échec à Bremen, et qu'il y a eu sept mille hommes de battus. Les Suédois sont au pis en Poméranie. Leur cavalerie s'est retirée dans l'île de Rugen. L'infanterie est à Stralsund, où on les a bloqués et où on va les bombarder. Voilà tout ce que je sais. Mon frère de Prusse m'a adressé cette lettre pour vous. Vous pouvez voir par la date combien les lettres arrivent régulièrement ici.3 Je plains votre aveuglement de ne croire qu'un dieu, et de renier JC . Comment ferez-vous pour plaider votre cause ? Si quelque chose pouvait me divertir encore, ce serait de voir votre apologie. Adieu; donnez-moi, je vous prie, de vos nouvelles, et surtout de celles de mon amant 4. Veuille le ciel qu'elles soient bonnes !
WILHELMINE.
J'ai oublié de vous dire que c'est moi qui suis la pandoure. Je me suis méprise, et j'ai envoyé un papier blanc au roi au lieu de votre lettre, que j'ai retrouvée. Je l'ai fait repartir. Si elle arrive à bon port, vous aurez bientôt réponse. »
1 Personnage de comédie : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mezzetin
2 Ceci fait allusion à quelque passage d'une des lettres perdues. Peut-être s'agit-il d'un projet de paix. (Beuchot.)
3 Elle est perdue, ainsi que toute la correspondance entre Voltaire et le prince Auguste-Guillaume, né en 1722, devenu prince royal en 1740, mort le 12 juin 1758.
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A tous croates, pandours, housards, qui ces présentes ouvriront, salut, et peu de butin
... Retournez d'où vous venez, les mains vides .
Ce que réclame HADOPI et consorts .
Translation : http://www.pcinpact.com/news/58845-rolling-stone-magazine-lettre-ouverte-majors.htm
« A Madame Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
A Lausanne, 4 janvier 1758.
A tous croates, pandours, housards, qui ces présentes ouvriront, salut, et peu de butin.
Pandours et croates, laissez passer cette lettre à Son Altesse sérénissime Mme la duchesse de Saxe-Gotha, qui est aussi aimable, aussi bienfaisante, aussi noble, aussi douce, aussi éclairée que vous êtes ignorants, durs, pillards et sanguinaires. Sachez qu'il n'y a rien à gagner pour vous si vous prenez ma lettre en chemin, et que ce n'est pas là un butin qui vous convienne. Vous me feriez une extrême peine, dont il ne vous reviendrait rien du tout. D'ailleurs il ne doit être rien de commun entre Mme la duchesse de Gotha et vous, vilains pandours. Elle est le modèle parfait de la politesse, et vous ne savez pas vivre, elle a beaucoup d'esprit, et vous n'avez jamais rien lu, vous n'avez pas le moindre goût; vous cherchez à rendre ce monde-ci le plus abominable des mondes possibles, et elle voudrait qu'il fût le meilleur. Il le serait sans doute, si elle en était la maîtresse.
Il est vrai qu'elle est un peu embarrassée avec le système de Leibnitz elle ne sait comment faire, avec tant de mal physique et moral, pour vous prouver l'optimisme mais c'est vous qui en êtes cause, maudits housards c'est par vous que le mal est dans le monde; vous êtes les enfants du mauvais principe. Je vous conjure, au nom du bon principe, de ne jamais entrer dans ses États; j'espère encore y aller un jour, et je ne veux point y trouver de vos traces.
Madame, si ces messieurs sont un peu honnêtes, Votre Altesse sérénissime recevra sans doute mes profonds respects et mon très-tendre attachement en 1758. Monseigneur le duc, toute votre auguste famille, daigneront se souvenir de moi. La grande maitresse des cœurs ne m'oubliera pas. N'a-t-elle pas pris soin de quelque pauvre Français blessé à Rosbach ? 1 ne lui a-t-elle pas donné des bouillons ? Je veux finir, madame, par faire réparation à messieurs les housards. Je me flatte qu'ils n'ont point ravagé vos États, que Votre Altesse sérénissime est en paix au milieu de la guerre, et que la sérénité de sa belle âme se répand sur son pays. Je ne suis qu'un pauvre Suisse, mais il n'y a personne, dans les treize cantons, qui désire plus d'être à vos pieds que moi. Qu'on fasse la paix, et je fais un pèlerinage dans votre temple, qui est celui des Grâces.
Je réitère à Votre Altesse sérénissime mon respect et mes vœux.
Le Suisse V. »
1 Julienne-Françoise de Buchwald, née de Neuenstein, grande gouvernante de la duchesse Louise-Dorothée, naquit le 7 octobre 1707, et mourut le 19 décembre 1789. Charles de Dalberg a fait son éloge dans un petit ouvrage intitulé : Madame de Buchwald. Seconde édition. Erfurt, 1787, vingt-quatre pages in-8. Frédéric II dira d'elle dans une lettre à sa sœur la margrave de Baireuth, le 17 septembre 1757 : « Madame de Buchwald me paraît une femme très-estimable, et qui vous conviendrait beaucoup : de l'esprit, des connaissances, point de prétentions, et un bon caractère. » : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/27_1/346/text/
Voir lettre du 24 novembre 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/02/05/il-est-toujours-bien-doux-de-n-etre-pas-hai-de-ceux-qu-on-ad.html
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06/03/2013
Il paraît qu'on s'est mis dans un labyrinthe dont aucun fil ne peut nous tirer, et qu'on n'en peut sortir que l'épée à la main
... Et qui pourrait dire le contraire dans les multiples conflits où la France est impliquée ?
Les rets sont serrés , la lumière est au bout
« A M. Jean-Robert TRONCHIN,
à Lyon
Lausanne, 3 janvier 1758.
Voici ce que le confident de madame la margrave m'écrit 1« On croit, comme vous, qu'il faut faire la paix. Le roi de Prusse le désire, à ce qu'il paraît. Je voulais vous dire les obstacles que j'envisage; mais les ordres de Son Altesse royale m'obligent à renvoyer mes idées à une autre poste. Je ne sais si elle vous écrira par celle-ci mais je peux vous assurer que vous n'êtes oublié ni dans les succès ni dans les triomphes. »
Cette année sera peut-être celle de nos malheurs, comme 1757 a été l'année des vicissitudes. Si la victoire de Lissa est aussi complète que le roi de Prusse le dit; s'il a vingt mille prisonniers comme il s'en vante, malgré l'improbabilité du nombre; s'il est secouru des Anglais, comme il y a grande apparence, voilà en Allemagne une balance établie, et les deux plats de la balance seront chargés de cadavres et vides d'argent. L'Allemagne sera divisée et affaiblie, et, en ce cas, la France sera plus heureuse que si elle avait agrandi la maison d'Autriche par des victoires funestes. Mais aussi, d'un autre côté, s'il arrive de nouvelles infortunes aux armées de France; si les Hanovriens, aidés des Prussiens, font en 1758 ce que les pandours firent en 1742 ,s'ils nous chassent, si nos armées et notre argent sont dissipés, si enfin la Prusse victorieuse se réunit un jour avec l'Autriche contre la France, et si les anciennes haines l'emportent sur les nouveaux traités, la France aurait alors autant à craindre qu'à se repentir, et ce ne serait qu'en ruinant ses finances qu'elle pourrait résister sur mer et sur terre.
Prenons à présent la chose d'une autre face. Il peut se faire que le maréchal de Richelieu batte l'armée de Hanovre, que les Russes et les Suédois fassent la guerre sérieusement, que les Autrichiens, alors plus libres dans leurs opérations, pressent le roi de Prusse malgré toutes ses victoires.
Encore un autre cas plus vraisemblable. Que tous les succès soient balancés, que le roi de Prusse désire sincèrement la paix, comme je le crois, la France ne peut-elle pas alors conclure cette paix avec bienséance ? Mais, dans tous les cas possibles, le roi de Prusse peut-il se détacher des Anglais, qui lui érigent une statue, et qui vont lui donner des subsides? La France peut-elle se détacher de la maison d'Autriche, pour n'avoir plus aucun allié ? Il paraît qu'on s'est mis dans un labyrinthe dont aucun fil ne peut nous tirer, et qu'on n'en peut sortir que l'épée à la main. En effet, que proposer? Et à qui faire des propositions? Sera- ce aux Hanovriens, après la rupture de leur capitulation ? au roi de Prusse, après avoir été si honteusement battus par lui ? aux Autrichiens, après des traités si récents ? Peut-on négocier séparément avec quelque puissance ? Et n'est-on pas réduit à attendre que tous les partis, également affaiblis et déchirés, désirent une paix nécessaire?
La postérité aura peine à croire qu'un marquis de Brandebourg se soit soutenu seul contre la France, l'Autriche, la moitié de l'empire, la Russie, la Suède; mais enfin ce miracle est arrivé, il subsiste, et tout ce que la France peut faire aujourd'hui, c'est de se soutenir contre Hanovre. Cette humiliation est étrange et unique; mais il la faut dévorer.
Je suis très-persuadé que si la personne respectable 2 que vous connaissez, et qui connaît si bien l'Europe, avait été à la tête des affaires, elles ne seraient pas dans ces tristes termes. Plût à Dieu qu'il fit servir son génie et les ressources de sa prudence à finir glorieusement un tel embarras ?
Son Éminence aura incessamment une lettre de la sœur; mais que peut faire le frère? Il désire la paix, oui; mais à condition qu'il gardera toute la Silésie, à condition qu'il restera uni avec Hanovre, dont il est garant. Encore une fois, je ne vois qu'un nuage épais, et je n'espère que dans les lumières de l'homme supérieur qui peut percer ce nuage.
Je vous ai confié mes doutes et mon ignorance; c'est tout ce que j'ai à vous présenter pour vos étrennes.
J'écris mon cher monsieur à M. Cathala pour les cerisiers de la vallée de Montmorency qui doivent être arrivés . Je crois que vos pêchers de chartreux le sont aussi . Que la tribu Tronchin se souvienne un jour de moi en mangeant de gros gobets 3 et de grosses mignonnes 4. Mes compliments à M. de Gauffecourt, mais surtout à M. Camp et à vos neveux .
Mme Denis et moi nous faisons mille vœux pour votre bonheur .
V.
En voici bien d'une autre ! A bon jour, bonne œuvre.
Le jour de l'an, une couturière, lingère, apprentie femme de chambre de ma nièce, déclare qu'elle est grosse d'un laquais, nommé André . La fille est nièce d'un pasteur de Nyon , son père est un chirurgien et un très honnête homme . C’est le second enfant que nous faisons dans la maison . L'année passée un autre laquais augmenta encore la ville de Nyon d'un petit Suisse . Nous peuplons le pays . Nous devrions être en bénédiction . Mais un oncle ministre, et le consistoire, et le scandale, tout cela choque mes mœurs douces . Dîtes-moi franchement pourrait-on recevoir la pauvrette à Lyon? Elle a l'honneur d'être huguenote, et mon laquais celui d'être papiste. Franchement, il faudrait que monsieur le cardinal la convertit; elle est jeune, jolie; ce serait une œuvre pie mais, en attendant, il faut qu'elle accouche. Y a-t-il quelque âme honnête qui pût se charger d'elle et mettre son enfant chez les orphelins de Lyon ? On l'enverrait à cette personne charitable quand son ventre sera un peu rond . Je voudrais en savoir autant que mon faquin de laquais . Cela n'est-il pas abominable que ces drôles-là aient un plaisir que je ne peux avoir ? En un mot si sans vous commettre vous pouvez faire qu'on ait quelque soin de cette malheureuse enfant, Dieu vous bénira et Mme Denis qui est fort embarrassée vous aura grande obligation . »
3 Belles cerises à queue courte .http://www.saveursparisidf.com/site-grand-public/decouvrir-les-produits/connaitre-les-produits-inventaire-du-cnac/fruits-et-legumes/categorie/fruits-ete/produit/la-cerise-de-montmorency/
4 Gosses pêches très rouges , à chair blanche : http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%AAche_%28fruit%29
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04/03/2013
On forme souvent des vœux qui nous seraient préjudiciables s'ils s'accomplissaient; aussi n'en fais-je plus. Si quelque chose au monde peut contenter mes désirs, c'est la paix
... Je comprends , au vu de ces écrits, l'assiduité de Voltaire auprès de cette margravine .
« De Sophie-Frédérique-Wilhelmine de Prusse, margrave de Baireuth.
Le 2 janvier [1758], car, grâce au ciel, nous avons fini la plus funeste des années.
Vous me dites tant de choses obligeantes sur celle qui court, que c'est un sujet de reconnaissance de plus pour moi. Je vous souhaite tout ce qui peut vous rendre parfaitement heureux. Pour ce qui me regarde, j'abandonne mon sort à la destinée. On forme souvent des vœux qui nous seraient préjudiciables s'ils s'accomplissaient; aussi n'en fais-je plus. Si quelque chose au monde peut contenter mes désirs, c'est la paix. Je pense comme vous sur la guerre; nous avons un tiers qui pense certainement comme nous, mais peut-on toujours, suivre sa façon de penser? Ne faut-il pas se soumettre à bien des préjugés établis depuis que le monde existe? L'homme court après le clinquant de la réputation, chacun la cherche dans son métier et dans ses talents on veut s'immortaliser. Ne faut-il pas chercher cette gloire chimérique dans les idées, vraies ou fausses, que l'esprit de l'homme s'en fait? Démocrite avait bien raison de rire de la folie humaine. Je vois une hypocrite 1, d'un côté, courant les processions et implorant les saints, occupée à brouiller toute l'Europe, et à la priver de ses habitants. Je vois, de l'autre côté, un philosophe 2 faire couler (quoique avec regret) des flots de sang humain. Je vois un peuple avare 3 conjuré à la perte des mortels, pour accumuler ses richesses. Mais baste ! je pourrais trop voir, et cela n'est pas nécessaire. Il faut vous contenter, pour cette fois, de mon verbiage et de mes réflexions, car je n'ai point de nouvelles depuis la dernière lettre que vous avez reçue de moi.
Ce que vous me proposez est un peu scabreux; je m'explique sur ce sujet dans la lettre 4 que je vous adresse. J'en reviens à ma vieille phrase, que l'on est sourd dans votre patrie. Si je pouvais vous parler, vous jugeriez peut-être différemment que vous ne faites. Le roi est dans le cas d'Orphée 5, si sa bonne fortune ne le tire d'affaire. I1 souhaite la paix, mais il y a bien des mais. Si elle ne se fait avant le printemps, toute l'Allemagne sera ruinée et désolée. L'état où elle se trouve déjà est affreux. Quelque conduite sage qu'on tienne, on ne peut se mettre à l'abri des violences et du pillage. Je ne finirais point si je vous faisais un détail des malheurs qui l'accablent. C'est une honte que, dans un siècle policé, on en agisse avec tant de cruauté. Le roi n'en souffre point. Malgré tout ce qu'on en dit, le peuple saxon l'aime, mais la noblesse le hait, parce qu'elle est privée des pensions et des appointements qu'elle retirait. On débite contre lui des calomnies atroces. Peut-on y ajouter foi ? elles viennent de ses ennemis. L'envie a persécuté tous les grands hommes; il faut y joindre l'animosité. Que n'est-on sourd quand elle lance ses traits empoisonnés?. Encore une fois, il faut que je finisse, car je m'aperçois que je bavarde trop. Soyez persuadé de toute mon estime, et que je serai toute ma vie la véritable amie du frère Suisse.
WILHELMINE. »
5 Des femmes, par excès d'amour, mirent Orphée en pièces; la Pompadour, Élisabeth et Marie-Thérèse, par un excès contraire, en eussent fait autant de Frédéric, prince très- peu soucieux du sexe féminin, et qui, de plus, composait des vers contre elles. Voyez sa lettre du 18 mai 1759, à Voltaire; il s'y compare aussi à Orphée, en songeant au sort que lui réservaient ses trois illustrissimes ennemies. (Clogenson.)
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nous vous souhaitons bonne année et bonne vinée
... Ah ! l'heureux temps où on se dispensait d'avertissements infantilisants, comme "l'abus d'alcool est dangereux" et "fumer nuit gravement à la santé" . Je vous défie de trouver quelqu'un qui se soit abstenu de se saoûler ou de fumer au seul avertissement d'une étiquette . Tant qu'il y aura des toubibs alcoolos et fumeurs, je pense que ces avis seront aussi vains que ceux des dermato et coiffeurs chauves qui veulent vous vendre des remèdes pour la repousse des tifs .
« . A M. le conseiller Antoine-Jean-Gabriel LE BAULT
A Lausanne, 3 janvier [1758].
Vos bouteilles, monsieur, sont arrivées; je n'ai d'autre chagrin que de ne les pas boire avec vous. J'en ai deux paniers à Lausanne, et les deux autres sont, je crois, à Genève. M. Cathala ou M. Tronchin vous feront toucher ce que je vous dois, mais ils ne pourront vous témoigner ma reconnaissance.
On dit Breslau repris par le roi de Prusse; il y a trois mois qu'il m'écrivait qu'il voulait mourir, et que je le consolais 1. A présent il renverse tout devant lui. Mais il ne boit pas de si bon vin de Bourgogne que moi. Mme Denis et moi, nous vous souhaitons bonne année et bonne vinée, à vous, monsieur, et à Mme Le Bault.
Recevez la respectueuse reconnaissance du Suisse
VOLTAIRE. »
1 Voir lettre à Frédéric II du 15 octobre 1757 ( ?) : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/08/26/du-haut-rang-ou-vous-etes-vous-ne-pouvez-guere-voir-qu-elle.html
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