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07/01/2009

Marchez toujours en ricanant, mes frères

« A Jean Le Rond D’Alembert

 

         Mon cher et aimable philosophe, je vous salue, vous et les frères . La patience soit avec vous . Marchez toujours en ricanant, mes frères,  dans le chemin de la vérité . Frère Thimothée Thiriot saura que la Capilotade est achevée , et qu’elle forme un chant de Jeanne [ chant XVIII ] par voie de prophétie, ou à peu près . Dieu m’a fait la grâce de comprendre que, quand on veut rendre les gens ridicules et méprisables à la postérité, il faut les nicher dans quelque ouvrage qui aille à la postérité . Or le sujet de Jeanne étant cher à la nation, et l’auteur inspiré de Dieu ayant retouché et achevé ce saint ouvrage avec un zèle pur, il se flatte que nos derniers neveux siffleront les Fréron , les Hayer , les Caveirac [ l’abbé Novi de Caveirac en 1758 a publié l’Apologie de Louis XIV… sur la révocation de l’Edit de Nantes ], les Chaumé, les Gauchat, et tous les énergumènes et tous les fripons ennemis des frères .

         Vous savez d’ailleurs que je tâche de rendre service au genre humain, non en paroles, mais en œuvres, ayant forcé les frères jésuites mes voisins à rendre à six gebntilshommes, tous frères, tous officiers, tous en guenilles un domaine considérable que st Ignace avait usurpé sur eux .  Sachez encore pour votre édification que je m’occupe à faire aller un prêtre aux galères [ Ancian, curé de Moëns ]. J’espère, Dieu aidant, en venir à bout . Vous verrez paraître incessamment une petite lettre al signor Albergati Capacelli, senatore di Bologna la grassa . Je rends compte dans cette épître de l’état des lettres en France ; et surtout de l’insolence de ceux qui prétendent être meilleurs chrétiens que nous . Je leur prouve que nous sommes incomparables meilleurs chrétiens qu’eux . Je prie M. Albergati Capacelli d’instruire le pape que je ne suis ni janséniste, ni moliniste, ni d’aucune classe du parlement, mais catholique romain, sujet du Roi, attaché au Roi, et détestant tous ceux qui cabalent contre le Roi . Je me fais encenser tous les dimanches à ma paroisse . J’édifie tout le clergé ; et dans peu l’on verra bien autre chose . Levez les mains au ciel, mes frères .

         Voilà pour les faquins de persécuteurs de l’Eglise de Paris . Venons aux faquins de Genève . Les successeurs du Picard qui fit brûler Servet, les prédicants qui sont aujourd’hui servetiens, se sont avisés de faire une cabale très forte dans le couvent de Genève appelé ville, contre leurs concitoyens qui déshonoraient la religion de Calvin et les mœurs des usuriers et des contrebandiers de Genève au point de venir quelquefois jouer Alzire et Mérope dans le château de Tournay en France . Jean-Jacques Rousseau, homme fort sage et fort conséquent, avait écrit plusieurs lettres contre ce scandale à des diacres de l’Eglise de Genève, à mon marchand de clous, à mon cordonnier . Enfin on a fait promettre à quelques acteurs qu’ils renonceraient à Satan et à ses pompes . Je vous propose pour problème, de me dire si on est plus fou et plus sot à Genève qu’à Paris . Je vous ai déjà mandé que votre ami Nekre [ Necker ]a demandé pardon au consistoire, et a été privé de sa professorerie pour avoir couché avec une femme qui a le croupion pourri [Mme Vernes, épouse de marchand, belle-sœur du  prédicant  Jacob Vernes] et que le cocu qui lui a tiré un coup de pistolet a été condamné à garder sa chambre un mois . Nota bene qu’un assassin cocu est impuni, et que Servet a été brûlé à petit feu pour l’hypostase . Nota bene que le curé que je poursuis pour avoir assassiné un de mes amis chez une fille pendant la nuit, dit hardiment la messe ; voyez comme va le monde .

         Je vous prie, mon frère, de m’écrire quelque mot d’édification, de me mander de vos nouvelles et de celles des frères . Je vous embrasse .

         Urbis amatorem Fuscum salvere jubemus ruris amatores . [ à Fuscus amant de la ville nous envoyons notre salut, nous autres amants de la campagne . Horace ]

 

V.

Au chateau de Ferney, pays de Gex

6 janvier 1761"

 

 

Pour l'épiphanie, hier le 6, j'avais trouvé et transcrit cette lettre qui malheureusement n' a pas été enregistrée suite à une coupure avec le serveur de ces sacrés nom d'une pipe de tonnerre de bonsoir de Neuf-SFR . Ce n'est pas la première fois et ils commencent à me courir sur les haricots ; je ne pense pas être le seul dans ce cas , hélas .

Décidément, en ce début 1761 le Patriarche est en forme et tire sur tout ce qui bouge dans le mauvais sens . Savoir si on est plus fou et plus sot à Genève qu'à Paris, en temps que frontalier permanent et parisien occasionnel, je leur accorde un match nul, je les maudits ou les félicite selon les circonstances . Coté sot et fou, je dirais plutot bas de plafond et forts en gueule .

"une femme qui a le croupion pourri " : alors là, mesdames, je vous laisse juges de la force de l'image ; nous venons de passer les fêtes et quelques dindes et autres volailles ont péri sur l'autel de notre gourmandise, aucun croupion pourri, je l'espère, n'a été sous vos yeux et votre fourchette . M. Nekre qu'allâtes-vous faire en cette galère ? Levons les mains au ciel, mes frères bloggers !!

06/01/2009

critiques, vous serez embeurrés !

"A Jacques Lacombe, libraire, rue Christine à Paris

Vous serez bien étonné , Monsieur, que j'aie besoin du recueil de L"Année Littéraire [ de son ennemi Fréron ]; mais je vous donne ma parole d'honneur de le brûler en présence de témoins dès que j'en aurai fait usage. Il s'agit du mot critique  dans le nouveau dictionnaire encyclopédique qu'on prépare [ Fréron figurera dans les Questions sur l'Encyclopédie ]; et comme on rend dans cet ouvrage une justrice très impartiale aux bons et aux méchants esprits, aux savants et aux ignorants, aux honnêtes gens et aux coquins, on ne peut s'empêcher d'y mettre Fréron, quoique son nom n'ait jamais été enregistré qu'au Châtelet et au Fort -l'Evêque.

Vous avez sans doute dans votre grenier les vieux paquets que  je vous demande . Donnez-moi, je vous en prie, la préférence sur les beurrières . Ayez la bonté de me faire tenir le ballot par les rouliers de Bourgogne, il me parviendre sûrement.

Je vous souhaite la bonne année, et j'ai l'honneur d'être avec le plus vif intérêt qu'on puisse prendre à vous, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire

5 janvier 1770"

voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Lacombe_%281724-1811...

Voltaire est moins agressif que nous le sommes aujourd'hui, les mauvais écrits étaient destinés aux beurrières (j'ai aussi connu la belle époque où l'on emballait le poisson et les frites dans du papier journal ), de nos jours on aurait tendance à évoquer les torchons, via le verbe du premier groupe qui s'y rapporte . Fréron doit beaucoup à l'illustre Voltaire, n'est-ce pas ?

12/12/2008

je suis un peu maître chez moi

« A Claude – Adrien Helvetius

helvetius claude adrien.jpg

 

 

Mon cher philosophe, il y a longtemps que je voulais vous écrire. La chose qui me manque le plus c’est le loisir. Vous savez que ce La Serre volume sur volume incessamment desserre [vers attribués à Boileau]. J’ai eu beaucoup de besogne. Vous êtes un grand seigneur qui affermez vos terres. Moi je les laboure moi-même comme Cincinnatus, de façon que j’ai rarement un moment à moi. J’ai lu une héroïde d’un disciple de Socrate dans laquelle j’ai vu des vers admirables. J’en fais mon compliment à l’auteur sans le nommer [Marmontel ?]. La pièce est roide. Bernard de Fontenelle n’eut jamais osé ni pu en faire autant. Le parti des sages ne laisse pas d’être considérable, et assez fier. Je vous le répète, mes frères, si vous vous tenez tous par la main vous donnerez la loi. Rien n’est plus méprisable que ceux qui vous jugent. Vous  ne devez voir que vos disciples.

Si vous avez reçu un Pierre [Commentaires sur Corneille], ce n’est pas Simon Barjone. Ce n’est pas non plus le Pierre russe que je vous avais dépêché par la poste. Ce doit être un Pierre en feuilles que Robin mouton devait vous remettre. Je vous en ai envoyé deux reliés, un pour vous et l’autre pour M. Saurin. Il a plu à messieurs les intendants des postes de se départir des courtoisies qu’ils avaient ci-devant pour moi. Ils ont prétendu qu’on ne devait envoyer aucun livre relié. Douze exemplaires ont été perdus –c’est l’antre du lion. J’ignore même si un gros paquet a été rendu à M. Duclos.

De quelles tracasseries me parlez-vous ? Je n’en ai essuyé ni pu essuyer aucune. Est-ce de frère Menoux ?Ah ! rassurez-vous. Les jésuites ne peuvent me faire de mal, c’est moi qui ai l’honneur de leur en faire. Je m’occupe actuellement à déposséder les frères jésuites d’un domaine qu’ils ont acquis près de mon château [Ornex]. Ils l’avaient usurpé sur des orphelins et avaient obtenu lettres royaux pour avoir permission de garder la vigne de Naboth. Je les fais déguerpir mort-Dieu ; je leur fais rendre gorge, et la province me bénit. Je n’ai jamais eu un plaisir plus pur. Je suis un peu le maître chez moi par parenthèse.

Vous ai-je dit que le frère et le fils d’Omer sont venus chez moi et comme ils ont été reçus ? Vous ai-je dit que j’ai envoyé Pierre au roi, et qu’il l’a mieux reçu que le discours et le mémoire de Lefranc de Pompignan ? Vous ai-je dit que Mme de Pompadour et M. le duc de Choiseul m’honorent d’une protection très marquée . Croyez moi, croyez mes frères, notre petite école de philosophes n’est pas si déchirée. Il est vrai que nous ne sommes ni jésuites ni convulsionnaires, mais nous aimons le roi sans vouloir être ses tuteurs, et l’Etat sans vouloir le gouverner. Il peut savoir qu’il n’a point de sujets plus fidèles que nous, ni de plus capables de faire sentir le ridicule des cuistres qui voudraient renouveler les temps de la Fronde.

N’avez-vous pas bien ri du voyage de Pompignan à la cour avec Fréron, et de l’apostrophe de monsieur le dauphin : et l’ami Pompignan pense être quelque chose ? Voila à quoi les vers sont bons quelquefois. On les cite comme vous voyez dans les grandes occasions. J’ai vu un Oracle des anciens fidèles. Cela est hardi, adroit et savant. Je soupçonne l’abbé Mords-les [Morellet] d’avoir rendu ce petit service.

Dieu vous conserve dans la sainte union avec le petit nombre. Frappez et ne vous commettez pas. Aimons toujours le roi et détestons les fanatiques.

 

Voltaire

12 décembre 1760. »

 

Pour les connaisseurs, et je crois que vous l’êtes,

ce texte est bien sûr en fonte Helvetica ;-)

De « cher philosophe » à « cher philosophe », je trouve que le Patriarche distribue les bons points et , soupçonnant à juste titre des espionnages de ses écrits, fidèle à son style, est à mes yeux capable de dire encore une fois une chose et son contraire : le roi « n’a point de sujets plus fidèles que nous » alors que plus haut « Je vous le répète, mes frères, si vous vous tenez tous par la main vous donnerez la loi. Rien n’est plus méprisable que ceux qui vous jugent ».

J’aime aussi ce coté gamin qui « se  la pète » : «Je les fais déguerpir mort-Dieu ; je leur fais rendre gorge, et la province me bénit. Je n’ai jamais eu un plaisir plus pur. Je suis un peu le maître chez moi par parenthèse. », je lui trouve un coté Zorro qui me fait rigoler . Voltaire -Zorro  avec son fidèle écuyer le père Adam-Bernardo, couple d’enfer !

Autre couple d’enfer, Fréron et Lefranc de Pompignan que vous pourrez voir représenté entre autres sur le tableau dit « Le triomphe de Voltaire » au château de Voltaire . Il vaut son pesant de cacahuètes. Voir : http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://mr_sedivy.tr...

 

Après quelques récriminations contre la poste locale (Ferney) car à 13h toujours pas de courrier (donc pas de journal), je vois que ces ennuis ne datent pas d’aujourd’hui et je comprends que le facteur n’a peut-être pas de talents de dompteur pour collecter le courrier dans « l’antre du lion » ! Je n’ai pour ma part pas l’art d’attendrir et motiver nos préposés. Avez –vous une ou des recettes ?

Et bien sûr détestons les fanatiques.