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24/02/2010

quelques justes haussent les épaules et se taisent

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Pierre_Bayle_by_Louis_Ferdinand_Elle.jpg

 http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Bayle_(philosophe)

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

             Je ne vous écris point de ma main, mon cher et respectable ami. On dit que vous êtes malade comme moi ; jugez de mes inquiétudes. Voici le temps de profiter des voies du salut que le clergé ouvre à tous les fidèles. Si vous avez un Bayle dans votre bibliothèque, je vous prie de me l’envoyer par la poste afin que je le fasse brûler, comme de raison, dans la place publique de la capitale des Hottentots où j’ai l’honneur d’être. On fait ici de ces sacrifices assez communément, mais on ne peut reprocher en cela à nos sauvages d’immoler leurs semblables comme font les autres anthropophages. Des révérends pères jésuites fanatiques ont fait incendier ici sept exemplaires de Bayle[f1]  , et un avocat général[f2]  de ce qu’on appelle le Conseil souverain d’Alsace a jeté le sien tout le premier dans les flammes, pour donner l’exemple, dans le temps que d’autres jésuites plus adroits font imprimer Bayle à Trévoux[f3]   pour leur profit . Je cours le risque d’être brûlé moi qui vous parle, avec la belle Histoire de Jean Néaulme[f4] . Nous avons un évêque de Porentru (qui eût cru qu’un Porentru fût évêque de Colmar !). Ce Porentru[f5]  est grand chasseur, est grand buveur de son métier, et gouverne son diocèse par des jésuites allemands[f6]  qui sont aussi despotiques parmi nos sauvages des bords du Rhin qu’ils le sont au Paraguay[f7] . Vous voyez quels progrès la raison a faits dans les provinces ; il y a plus d’une ville gouvernée ainsi ; quelques justes haussent les épaules et se taisent. J’avais choisi cette ville comme un asile sûr dans lequel je pourrais surtout trouver des secours pour les Annales de l’empire[f8] , et j’en ai trouvé pour mon salut plus que je ne voulais. Je suis près d’être excommunié solidairement avec Jean Néaulme. Je suis sans mon lit, et je ne vois pas que je puisse être enseveli en terre sainte. J’aurai la destinée de votre chère Adrienne[f9] , mais vous ne m’en aimerez pas moins. Je vous prie, mon cher ange, de dire à ma nièce qu’elle prend très mal son temps pour m’écrire des choses cruelles[f10] . Je vous ai présenté il y a quelque temps[f11]  une petite requête pour avoir un correspondant moitié belles-lettres et nouvelles, moitié affaires qui soit homme à aller chez mon procureur, chez mon notaire, et chez les libraires, et qui moyennant une rétribution que vous auriez bien voulu régler, serait mon petit correspondant. J’ai grand peur que ce ne soit que votre maladie qui vous ait empêché de me faire réponse.

 

             Portez-vous bien, je vous en prie, si vous voulez que j’aie du courage. J’en ai grand besoin. Jean Néaulme m’a achevé. Jeanne d’Arc viendra à son tour[f12] . Tout cela est un peu embarrassant avec des cheveux blancs, des coliques, et un peu d’hydropisie et de scorbut. Deux personnes[f13]  de ce pays-ci se sont tuées ces jours passés ; elles avaient pourtant moins de détresses que moi ; mais l’espérance de vous revoir un jour me fait encore supporter la vie. Je vous embrasse tendrement, mon cher ange. Je vous supplie encore une fois de faire des reproches à ma nièce d’avoir déchiré mes blessures d’une main qui devait les fermer.

 

             V.

A Colmar 24 février [1754]. »

 Bayle_dico.jpg

 

 

 

 

 


 [f1]Le 3 mars (à d’Argens), il dit que un « jésuite nommé Aubert » est responsable de cet autodafé qui eût lieu il y a 4 ans (à d’Argenson le 20 février), il y a 5 ans (à d’Argental le 3 mars).

 [f2]George Isaac Müller

 [f3]1734

 [f4]Sur cette édition « pirate » de son Histoire universelle, cf. lettres des 5 et 17 février à Mme Denis et 10 mars à d’Argental.

 [f5]Porentru(y) est un nom de lieu (Jura suisse). Ici, c’est Rinck von Baldenstein, prince évêque de Bâle qui résidait dans un château à Porentruy, Colmar faisant partie de ce même évêché.

 [f6]Le 14 février, V* demande à d’Argenson d’intervenir : « Un missionnaire jésuite nommé Ménar (Mérat) est venu prêcher à Colmar. Et il s’est avisé de me désigner un peu fortement dans ses sermons … (Il) a poussé son zèle jusqu’à écrire … à l’évêque de Porentru qui a Colmar dans son diocèse. Ce digne prince de l’empire a écrit après boire au procureur d’Alsace, et ce procureur général après boire a résolu de déférer à son parlement le livre de la prétendue Histoire universelle. »

A la duchesse de Saxe-Gotha, v* décrit le 27 ce qu’on lui reproche: « les vérités que la loi de l’histoire (l’)a forcé de dire sur les papes ».

Il aura aussi des démêlés avec le père jésuite Menoux cf. lettre du 26 mars à la duchesse de Lutzelbourg.

 [f7]En contribuant à l’armement d’un navire nommé le Pascal, V* plaisantera sur la part qu’il prend à l’expédition des Espagnols contre les jésuites du Paraguay

 [f8]Il se félicitera de l’aide obtenue de professeur d’histoire Schoepflin et de l’avocat Sébastien Dupont.

 [f9]Adrienne Lecouvreur, dont d’Argental fut amoureux.

 [f10]Voir lettre du 10 mars à d’Argental

 [f11]Le 7 février.

 [f12]Lettre du 27 janvier, il soupçonne toujours que « le libraire du roi de Prusse qui a imprimé cette … Histoire universelle imprimera bientôt La Pucelle. »

 [f13]Sans doute Decker, beau-frère de Schoepflin qui imprime Les Annales de l’empire, et « une fille de dix-huit ans  à qui les jésuites avaient tourné la tête, et qui pour se défaire d’eux est allée dans l’autre monde. » lettre du 3 mars à Mme du Deffand.

 

 

 

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