24/09/2010
Cela me fait saigner le cœur, car je suis très bon Français
Dédicace à M. Brise-Heurtafaux Tunoulé : http://www.deezer.com/listen-6621297
Chelon-Apollinaire et les peuples bohémiens ! qu'ajouter ?
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
A Bruxelles, ce 24 septembre [1742]
Mon cher ange de lumière a donc vu des maldisants qui prétendent avoir vu mon Mahomet imprimé à Meaux [i]. Il y des gens qui voient d'une étrange manière. Non, ne le croyez pas. Mahomet vous appartient et je ne dispose pas ainsi de votre bien. Je compte venir dans votre petit ciel les derniers jours d'octobre. Les poules au riz ne sont bonnes que là . Toute la Flandre ne vaut pas le nid de mes deux anges .
Savez-vous que je suis tout au mieux avec
Le vieillard vénérable à qui les destinées
Ont de l'heureux Nestor accordé les années ?[ii]
Il m'écrit de grandes lettres ; dans lesquelles même il daigne avoir beaucoup d'esprit. On dit que nos affaires vont très bien par delà le Danube ; mais le grand point est qu'il y ait à Paris beaucoup de bonnes tragédies et de bons opéras. Le roi de Prusse donne un bel exemple à mes chers compatriotes ; il fait bâtir une salle d'opéra, dont les quatre faces seront sur le modèle des portiques du Panthéon, et à Paris vous savez qu'on entre dans une vilaine salle par un vilain égout [iii]. Cela me fait saigner le cœur, car je suis très bon Français.
Je vous ai écrit une grande lettre à Lyon, toute pleine de vieilles nouvelles. Elle était adressée à l'archevêché [iv]. Je soupçonne qu'elle ne vous est pas parvenue, et qu'une lettre de moi n'est pas faite pour arriver dans le lieu saint. Du moins M. de Pont-de Veyle n'en dit mot dans celle qu'il a écrite à Mme du Châtelet. Cette du Châtelet vous fait les plus tendres compliments . Mme d'Argental sait avec quel respectueux dévouement je lui suis attaché comme à vous pour toute ma vie.
V. »
i Éditions pirates de Mahomet (imprimées à Paris sous l'adresse de Bruxelles); cf. lettre à Missy du 20 octobre.
ii Le cardinal de Fleury, comme va le noter d'Argental dans la marge de la lettre. Les deux vers sont une adaptation des vers de l'Ode sur les affaires du temps faite le 3 juin de l'année 1742, envoyée par V* à César de Missy le 24 novembre 1742.
iii La Comédie-française était encore dans l'actuelle Rue de l'Ancienne Comédie ; le Panthéon est celui de Rome.
iv D'Argental est le neveu du cardinal de Tencin, archevêque de Lyon.
05:01 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.