25/01/2011
Un homme qui se tiendrait dans l'attitude qu'on me donne, et qui rirait comme on me fait rire, serait trop ridicule.
« A Dominique Vivant Denon
Vivant, baron Denon
A Ferney le 24 janvier 1776
Je suis bien loin, Monsieur, de croire que vous ayez voulu faire une caricature i dans le goût des plaisanteries de M. Huber.
J'ai actuellement chez moi le meilleur sculpteur de Rome ii, à qui ma famille a montré votre estampe : il a pensé comme pensent tous ceux qui l'ont vue . On l'a prié d'écrire ce qu'il fallait pour la corriger : je vous envoie sa décision.
Il court dans Paris une autre estampe , qu'on appelle mon Déjeuner ; on dit que c'est encore une plaisanterie de M. Huber . J'avoue que tout cela est assez désagréable . Un homme qui se tiendrait dans l'attitude qu'on me donne, et qui rirait comme on me fait rire, serait trop ridicule.
Vous m'auriez fait plaisir si vous aviez pu corriger l'ouvrage qui a révolté ici tout le monde ; et s'il en était encore temps, ma famille vous aurait beaucoup d'obligation . Je n'en suis pas moins sensible à votre bonté, et je n'en estime pas moins vos talents . Je vous supplie de ne rien imputer à une fausse délicatesse de ma part. Je sais bien que vous m'avez fait beaucoup d'honneur ; mais je vous prie de pardonner à mes parents et à mes amis, qui ont cru qu'on avait voulu me tourner en ridicule.
Je suis honteux de vous fatiguer de nos représentations. Soyez très persuadé du respect et de l'attachement qu'aura toujours pour vous votre vieux confrère iii.
Voltaire. »
i Vivant Denon avait vu Voltaire à Ferney et lui avait envoyé son portrait le 5 décembre 1775, reçu le 20 décembre . V* lui avait alors demandé de ne pas le laisser courir : « Je ne sais pourquoi vous m'avez dessiné en singe estropié, avec une tête penchée et une épaule quatre fois plus haute que l'autre. Fréron et Clément s'égaieront trop sur cette caricature » et lui envoie une boîte faite dans on voisinage où il verrait « une posture honnête et décente et un ressemblance parfaite ». Vivant Denon répondit : « Je suis... désolé de l'impression que vous a faite mon ouvrage . Mais ... ici ... chacun se l'arrache, et ceux qui ont l'honneur de vous connaitre assurent que c'est ce qui a été fait de plus ressemblant. »
Vivant Denon : http://www.inha.fr/spip.php?article2281
Voir : Appendix pages 255 et suivantes : http://books.google.fr/books?id=oL4KiwiHlDQC&pg=PA259...
Vivant Denon sera possesseur d'un reliquaire où entre autres choses on trouvera la moitié d'une dent de Voltaire, classée sous le N° 1379 du catalogue : « Description des objets qui composent le cabinet de feu M. Le Baron V.Denon : Estampes et ouvrages à figures »
ii Poncet . Le 10 janvier, Mme Pallatin écrit : « Je trouvai chez moi le sculpteur du pape qui a été envoyé par (dit-il)des cardinaux pour sculpter notre ami.
Poncet réalisera un buste de V* qui figure au château de V* à Ferney ; V* ne le vit pas, car la sculpture arrivera au château alors que V* est parti à Paris en 1778.
iii Vivant Denon est gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, comme V*, et avait argué de ce titre pour se faire recevoir à Ferney.
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