15/10/2010
moi je me suis fait libre
Note rédigée le 25 août 2011 pour mise en ligne le 15 octobre 2010 .
Même si je n'ai pas la liberté qu'une aisance matérielle peut donner, comme celle de Volti, je me suis moi aussi "fait libre" très simplement en employant deux petits mots : oui, non .
Utilisés selon votre goût, selon votre humeur, selon votre savoir ils vous ouvrent la porte à une réflexion sans tabous , et à vous d'en tirer les conclusions .
Sans oublier le " je ne sais pas" et son corollaire "je vais essayer de savoir" qui n'ont rien de honteux, au contraire .
Débarassez-vous de superstitions et de coutumes vides de sens, ne craignez pas d'être sans gourou, sans coach , sans carte de parti ni de syndicat, sans chien ni poisson rouge, sans parapluie , sans rubrique des chiens écrasés, sans Face book .
http://www.youtube.com/watch?v=I8JOl6zUS6Y
http://www.youtube.com/watch?v=bwnVaWlyi2Q
« A Jean Le Rond d'Alembert
15 octobre [1759]
Je trouve, mon cher philosophe, qu'un conseiller du parlement n'a rien de mieux à faire que d'aller en Italie . M. l'abbé de Saint-Non 1 m'a paru digne de ce voyage que vous vouliez faire . Si jamais l'envie vous en reprend, passez hardiment par Genève et seulement ne donnez plus sur nous la préférence à des prêtres sociniens 2. Vous êtes bien bon de songer s'ils existent . S'ils osaient, ils reconnaitraient Jésus-Christ pour Dieu s'ils pouvaient à ce prix assister à mes spectacles et être admis au petit théâtre que j’ai fait à Tournay tout près des Délices . Les Genevois se battent pour avoir des rôles . Vous avez daigné accabler ce fou de Jean-Jacques par des raisons 3, et moi je fais comme celui qui pour toute réponse à des arguments contre le mouvement se mit à marcher . Jean-Jacques démontre qu'un théâtre ne peut convenir à Genève, et moi j'en bâtis un 4. De meilleurs philosophes que Jean-Jacques écrivent sur la liberté, et moi je me suis fait libre . Si quelqu'un est en souci de savoir ce que je fais dans mes chaumières et s’il me dit que fais -tu là maraud ?5 Je lui réponds : je règne, et j’ajoute que je plains les esclaves . Votre pauvre Diderot s'est fait esclave des libraires et est devenu celui des fanatiques . Si j'avais un terme plus fort que celui du mépris et de l'exécration, je m'en servirais pour tout ce qui se passe à Paris . Vous êtes né, mon cher philosophe, dans le temps de Mme de La Raubière . Vous demanderez ce que c'est . Mme de La Raubière disait que c’était un foutu temps .
J'ai entendu parler d'un frère L’Arrivée, jésuite 6, qui confesse, dit-on, Mesdames, et qui est à la cour en grand crédit . On dit que c'est le plus pétulant idiot qui soit dans l’Église de Dieu . Ne trouvez-vous pas que le nom de L’Arrivée est celui d'un valet de comédie ? On dit que ce maroufle se mêle d'être persécuteur . Quand il s’agit de faire du mal les jansénistes, et les molinistes se réunissent, et tous les philosophes sont ou dispersés ou ennemis les uns des autres . Quels chiens de philosophes ! Ils ne valent pas mieux que nos flottes, nos armées et nos généraux .
Luc 7 se débat violemment mais Luc périra, je vous en réponds . C'est un autre fou dangereux, et c'est bien dommage .
Dulce mari magno 8etc. Je finirai ma vie en me moquant d'eux tous . Mais je voudrais m'en moquer avec vous . Je vous embrasse en Confucius, en Lucrèce, en Cicéron, en Julien , en Collins, en Hume, en Shafstburi, en Midleton, en Bolingbroke ; etc. , etc. »
1 Jean-Claude Richard de Saint-Non ; qui venait de passer chez V* avec un petit mot de d'Alembert .
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Richard_de_Saint-Non
2 Pendant son séjour d'août 1756, V* disait que d'Alembert avait dîné tous les jours avec des pasteurs « prêtres sociniens » ou « sociniens honteux » : allusion à la polémique qui suivit la parution de l'article « Genève » dans l'Encyclopédie en 1757 ;
voir lettre à d'Alembert du 8 janvier 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/08/je-vous-conjure-instamment-d-avoir-toujours-du-courage.html
voir lettre du 15 août 1759 à Ami Camp : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/14/un-huguenot-qui-fait-travailler-des-religieuses-je-ne-doute.html
5 Pièce de Marc-Antoine Le Grand, Le Roi de Cocagne, III, 7 : Le roi : « Que fais-tu là, maraut, sur mon trône ? » / Guillot : « Je règne »
7 Frédéric II ; voir lettre du 25 août 1759 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/08/24/7ee3c111bfab5da7b657b0c44a4d4b32.html
22:58 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.