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31/01/2012

Je souhaiterais que la part, qu'on nomme d'auteur, se partageât entre vous et ceux qui seront chargés des principaux rôles.

 

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 Costume "chinois" Made in France !

("il faut produire en France", comme ils disent ...

Message reçu , retour vers le futur  passé )

 

« A M. LEKAIN

Aux Délices, 4 juin [1755]

J'ai reçu, mon grand acteur, le dessin de la décoration chinoise 1. Comment voulez-vous que je renvoie un morceau dont je suis si content et qui vaut mieux que la pièce? Je veux le garder, le payer 2. Si la pièce, malgré sa faiblesse, peut réussir, on en aura un peu l'obligation aux décorateurs, aux tailleurs, beaucoup aux acteurs, et nulle à l'auteur. Je souhaiterais que la part, qu'on nomme d'auteur, se partageât entre vous et ceux qui seront chargés des principaux rôles.
Je vous prie de dire à Lambert que je lui ferai présent du privilège pour l'impression, et qu'il doit se charger d'empêcher qu'on n'imprime furtivement cet ouvrage, comme on imprima Rome sauvée 3, sur des copies faites aux représentations, tronquées et défigurées. C'est ainsi qu'on a imprimé presque tous mes pauvres ouvrages.
Je n'ai pas envoyé nos Chinois à Mme de Pompadour , il y en a une bonne raison, c'est qu'ils ne sont pas faits, vous n'en avez vu qu'une faible esquisse. J'enverrai dans quinze jours le tableau terminé, bon ou mauvais, à M. d'Argental.
Mme Denis vous fait ses compliments. Je vous embrasse de tout mon cœur. »

2 Il se servit de ce dessin pour jouer l'Orphelin aux Délices.

 

30/01/2012

Il y a bien des façons d'être malheureux

 

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Il y a quelques jours, Juppé et Hollande m'ont fait dormir debout !

Hier soir, Sarko m'a coupé les pattes !!

 

 

 

« A M. Antoine-Noé de POLIER de BOTTENS 1

Aux Délices, le 4 juin [1755]

Il y a bien des façons d'être malheureux, mon cher monsieur; plus belle est de l'être comme vous, par la générosité et la bonté de votre cœur, et de ne souffrir que pour les autres. La plus cruelle est de souffrir par soi-même, de devenir tous les jours inutile à la société, et de voir périr son âme en détail dans le délabrement du corps. Voilà mon état, monsieur, et voilà ce qui m'a empêché jusqu'ici de venir à Monrion. Si monsieur votre frère vous ressemblait, c'est une très-grande perte 2, et je vous assure que je la sens très-vivement. Le monde a besoin de gens comme vous.
Cette petite bagatelle dont vous me parlez a été imprimée sur d'assez mauvaises copies qui en ont couru 3; il n'y a pas grand mal. Un nommé Grasset 4, qui est actuellement à Lausanne, a été sur le point de me jouer un tour plus cruel. M. de Brenles a dû vous en instruire, et je suis persuadé que vous aurez en ce cas prêché la vertu à ce Grasset. On dit qu'il avait besoin de vos leçons. Je voudrais déjà être à Monrion, et vous y embrasser; mais je ne pourrai faire ce voyage, après lequel je soupire, qu'après le passage de M. le marquis de Paulmy . Ce n'est pas que mon âme républicaine veuille faire sa cour à des secrétaires d'État; mais je suis attaché à M. de Paulmy. Il a eu la bonté, dès qu'il a su mon séjour en Suisse, de m'envoyer des lettres de recommandation pour messieurs les avoyers de Berne 5.
Je serai encore plus aise de voir votre ami M. Bertrand 6, après quoi il ne me manquera plus que la consolation de venir vous dire combien je vous aime, de philosopher un peu avec vous, et de vous renouveler mon tendre et respectueux dévouement.
VOLTAIRE »

2 Son frère, Étienne est mort à Madrid en mai, sans laisser de postérité . C'était probablement un capitaine d'infanterie, gendre du général comte de Zastrow . Antoine-Noé faisait partie d'une fratrie de sept garçons .

5 De fin 1748 à fin 1751, le marquis de Paulmy a été ambassadeur en Suisse . Il viendra aux Délices l'été 1755 .

6 Voir lettre du 31 décembre 1754 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/10/31/puisque-les-hommes-sont-assez-barbares-pour-punir-de-mort-la.html

Élie Bertrand, né en 1712 à Orbe, petite ville du canton de Vaud. Il commença par être pasteur dans un village, et habita pendant quelque temps Boudry, ville où naquit Marat en 1744. Cette année même, Bertrand fut nommé prédicateur à Berne. On a de lui des sermons et plusieurs ouvrages. Bertrand était conseiller privé du roi Stanislas, et membre des Académies de Berlin et de Lyon.
Voltaire dut entrer en relations avec ce savant quelques années avant 1755. (CL.)

 

29/01/2012

de deux maux il faut éviter le pire et le plus grand des maux est la crainte

 

Quand on rit on ne trouve rien mauvais ...!

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« A M. le comte d'ARGENTAL

Aux Délices attristées, 4 juin [1755]

Mon divin ange, nos cinq actes; notre Idamé, notre Gengis 1, iront bien mal tant que je serai dans les angoisses de la crainte qu'on n'imprime ce malheureux vieux rogaton 2 si défiguré, si imparfait, si tronqué, si désespérant. Je voudrais du moins que vous en eussiez un exemplaire au net, bien complet, bien corrigé, bien gai (puisqu'il fut autrefois si gai), bien honnête, ou moins malhonnête. Je voudrais que M. de Thibouville 3 l'eût de cette façon. Je voudrais vous l'envoyer, soit par M. de Chauvelin 4, soit par quelque autre voie, telle qu'il vous plairait. Il me semble que la seule ressource est de faire un peu connaître la véritable copie, pour étouffer l'autre. Encore une fois, de deux maux il faut éviter le pire et le plus grand des maux est la crainte. Non, il y en a un encore plus grand, c'est de voir mes amis offensés par des rapsodies qui courent sous mon nom. Votre dernière lettre à Mme Denis, et toutes celles que nous recevons, nous confirment le danger. Je suis réduit à souhaiter que cette plaisanterie de trente années soit connue, toute opposée qu'elle est aujourd'hui à mon âge et à ma situation. Elle n'est guère que plaisanterie, et, quand on rit, on ne trouve rien mauvais. Adieu, mon divin ange, je suis entre l'enclume et le marteau, entre la Chine et Grisbourdon 5; et je me mets en tremblant sous les ailes de mes anges. »

1 Personnages de L'Orphelin de la Chine .

2 La Pucelle.

3 Henri Lambert d'Herbigny, marquis de Thibouville : http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri-Lambert_de_Thibouville

4 François-Claude-Bernard-Louis de Chauvelin : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Claude_Chauvelin

5 Personnage peu recommandable de La Pucelle, le cordelier Grisbourdon tentera de violer celle-ci .

Voir : http://books.google.fr/books?id=VC4HAAAAQAAJ&pg=PA237&lpg=PA237&dq=grisbourdon+la+pucelle+voltaire&source=bl&ots=HVCpSGvMwP&sig=iZ27B3PF21DSUoAtOY8JcSAYtfM&hl=fr&sa=X&ei=pX4lT9KJD8nr8QOU75nHBw&ved=0CCYQ6AEwAQ#v=onepage&q=grisbourdon%20&f=false

 

Songez que, quand on falsifie mes ouvrages, c'est votre bien qu'on vole

 http://zwitt.over-blog.com/categorie-10703492.html

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« A M. THIERIOT

Aux Délices, le 28 mai [1755]

Vous me disiez, dans votre dernière lettre, mon cher et ancien ami, que je devrais bien vous envoyer quelques chants de la Pucelle. Je vous assure que je vous ferai tenir, de grand cœur, tout ce que j'en ai fait. Ne m'en ayez pas d'obligation , je suis intéressé à remettre le véritable ouvrage entre vos mains. Les lambeaux défigurés qui courent dans Paris achèvent de me désespérer. On s'est avisé de remplir les lacunes de toutes les grossièretés qui peuvent déshonorer un ouvrage. On y a ajouté des personnalités odieuses et ridicules contre moi, contre mes amis, et contre des personnes très-respectables 1. C'est un nouveau brigandage introduit depuis peu dans la littérature, ou plutôt dans la librairie. La Beaumelle 2 est le premier, je crois, qui ait osé faire imprimer l'ouvrage d'un homme, de son vivant, avec des commentaires chargés d'injures et de calomnies. Ce malheureux Érostrate du Siècle de Louis XIV a trouvé le secret de changer, pour quinze ducats, en un libelle abominable un livre entrepris pour la gloire de la nation. On en a fait à peu près autant des matériaux de l'Histoire générale, et enfin on traite de même ce petit poème fait il y a environ vingt-cinq ans. On fait une gueuse abominable de cette Pucelle, qui n'avait qu'une gaieté innocente. Corbi prétend qu'un nommé Grasset a acheté mille écus un de ces détestables exemplaires 3. Je sais quel est ce Grasset; il n'est point du tout en état de donner mille écus. Corbi ferait à la fois une très-mauvaise action et un très-mauvais marché d'imprimer cette détestable rapsodie. Les morceaux qu'on m'a envoyés sont faits par la canaille et pour la canaille. Si vous rencontrez Corbi, dites-lui qu'on le trompe bien indignement. Songez que, quand on falsifie mes ouvrages, c'est votre bien qu'on vole, et que vous devriez venir ici arranger votre héritage. »

2 Laurent Angliviel de La Beaumelle critiqua et mis au jours des erreurs de V* dans Le Siècle de Louis XIV ; il donnera aussi une édition subreptice de La Pucelle de Voltaire en 14 chants . http://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Angliviel_de_La_Beaumelle

 

27/01/2012

Je vous prie de donner à M. de Thibouville cet âne honnête

 

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Honnête, sans aucun doute !

Patient, remarquablement !

Qui a dû trop entendre d'histoires à dormir debout !(débat Hollande-Juppé !!)

 

 

 

« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, près de Genève, 28 mai [1755]

Pardon, mon cher ange, nous ne savons pas précisément la demeure de Corbi 1, et nous vous supplions de lui faire tenir cette lettre. Il est très-certain que Grasset n'est qu'un prête-nom, que c'est à Paris qu'on a fabriqué les additions à cet ancien poème; que c'est à Paris qu'elles courent, et qu'on veut les imprimer, que des protecteurs de Corbi les ont eues, que Corbi ne les a obtenues que par eux, et que, en un mot, Corbi peut faire beaucoup de mal en les publiant, et beaucoup de bien en s'opposant à l'édition.
Vous devez avoir reçu un paquet par M. Bouret2. Je vous prie de donner à M. de Thibouville cet âne honnête 3, en attendant que je sois en état de refaire la fin du quatrième acte et le commencement du cinquième. La pièce tomberait dans l'état où elle est. Il faut qu'elle soit digne de votre goût et de votre amitié; mais, pour cela, il me faut santé et repos d'esprit. Je n'ai ni l'un ni l'autre.
Si vous avez quelques gros paquets à me faire tenir, je vous prie de les adresser chez M. Bouret.

Le vieux Hibou des Alpes»

1 Voir lettres précédentes, à Grasset et à Richelieu .

2 Intendant ou fermier général des postes, auquel est adressée une lettre du 13 août 1768. V* le nommera « le bienfaisant Bouret » pour les services rendus .

3 Allusion au Chant de l'Ane de la Pucelle dont circule une version scabreuse .Le paquet est L'Orphelin de la Chine .

 

un peu de gaze sied bien, même à un âne.

 

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 Gaze sur le Jura...

... Pluie sur le petit âne

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« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.

Aux Délices, 26 mai [1755]

Est-il possible, monseigneur, que votre santé soit si longtemps à revenir ? Comment avez-vous pu soutenir tant de douleurs et tant de privations ? A quoi donc avez-vous passé le temps, dans ce désœuvrement si triste et si étranger pour vous ? Une tragédie chinoise ne vaut pas la belle porcelaine de la Chine. Vous vous connaissez à merveille à ces deux curiosités-là, et vous avez dû bien sentir que la tragédie n'était point encore digne de paraître sous vos auspices. Ces cinq magots de la Chine ne sont encore ni cuits ni peints comme je le voudrais. Il faut attendre l'année de votre consulat 1 pour les présenter, et employer beaucoup de temps pour les finir.

Mais je suis actuellement très-incapable de cuire et de peindre. Ce maudit ouvrage d'une autre espèce 2, dont on vous a régalé pendant votre maladie, me rend bien malade. On m'en a envoyé des morceaux indignement falsifiés, qui font frémir le bon goût et la décence. Ces rapsodies courent; on veut les imprimer sous mon nom. L'avidité et la malignité se joignent pour me tuer. Je vous conjure de parler à ceux qui vous ont fait lire ces misères, ils sont à portée d'empêcher qu'on ne les publie. J'aurai l'honneur de vous faire tenir le véritable manuscrit; il vous amusera , il n'en vaut que mieux pour être plus décent; un peu de gaze sied bien, même à un âne. Un nommé Corbi est fort au fait de toute cette horreur 3. Si vous daignez l'envoyer chercher, il renoncera au projet d'imprimer quelque chose d'aussi détestable et de si dangereux, dans l'espérance de faire des profits plus honnêtes.

Mme Denis et moi, nous nous mettons entre vos mains, et nous espérons tout de vos bontés. »

1 Richelieu ne dut être d'année, ou de service, qu'en 1757, comme premier gentilhomme de la chambre; mais l'Orphelin fut joué le 20 août 1755.

2 La Pucelle . Voir lettres précédentes .

 

26/01/2012

il ne vous resterait, après avoir perdu votre argent, que la honte et le danger d'avoir imprimé un ouvrage scandaleux

 http://www.deezer.com/music/track/14529547

Mr Grasset François, Your heart is as black as the night  !

grasset25mai1755_895.JPG

 Et une belle version de I put a spell on you , juste pour rappeler des souvenirs de slows qu'on trouvait toujours trop courts :  http://www.deezer.com/music/track/14529548

C'était des hiers : Yesterdays :

http://www.deezer.com/music/track/14769765

Qui sont un seul Yesterday :

http://www.paroles-musique.com/paroles-The_Beatles-Yester...

 

 

« A M. GRASSET 1

Aux Délices, le 26 mai [1755]

On m'a renvoyé de Paris, monsieur, une lettre que vous avez écrite au sieur Corbi. Vous lui mandez que vous allez faire une édition d'un poème intitulé la Pucelle d'Orléans, dont vous me croyez l'auteur, et vous le priez de la débiter à Paris. On m'a envoyé, en même temps, des lambeaux du manuscrit que vous achetez. Je dois vous avertir que vous ne pouvez faire un plus mauvais marché; que ce manuscrit n'est point de moi; que c'est une infâme rapsodie aussi plate, aussi grossière qu'indécente; qu'elle a été fabriquée sur l'ancien plan d'un ouvrage que j'avais ébauché il y a trente ans, que c'est l'ouvrage d'un homme qui ne connaît ni la poésie, ni le bon sens, ni les mœurs, que vous n'en vendriez jamais cent exemplaires et qu'il ne vous resterait, après avoir perdu votre argent, que la honte et le danger d'avoir imprimé un ouvrage scandaleux. J'espère que vous profiterez de l'avis que je vous donne ; je serai d'ailleurs aussi empressé à vous rendre service qu'à vous instruire du mauvais marché qu'on vous propose. Si vous voulez m'informer de ce que vous savez sur cette affaire, comme je vous informe de ce que je sais positivement, vous me ferez un plaisir que je reconnaîtrai, étant tout à vous.
VOLTAIRE, gentilhomme ordinaire du roi. »

1 François Grasset,(1722-1789) né à Lausanne, où il fut libraire, est souvent nommé dans la Correspondance, de 1755 à 1760. Il se fit l'instrument des adversaires de V* par ses publications . Son frère cadet Gabriel, après avoir travaillé avec les frères Cramer, s'établit à son compte et publia V* qui le fit venir chez lui en 1763 . Quant à Corbi, digne correspondant de Grasset, son nom est écrit tantôt Corbo, Corbie, et tantôt Corbier, dans les lettres originales de Voltaire. C'était un facteur en librairie, à Paris. (CL.)