01/10/2013
je lui parle avec la franchise allemande
... Dit Angela .
Et alors François se mit au garde-à-vous .
Et démarra au pas de l'oie avant d'esquisser une bourrée . Elle voulait (re)voir sa Normandie : http://www.youtube.com/watch?v=UoMYQeDnSz0
« A Caroline-Louise de Hesse-Darmstadt, margravine de Baden-Durlach
Madame, je n'arrive que d'aujourd'hui à Strasbourg ayant été jusqu'ici dans une campagne voisine . Mon premier devoir est de présenter à Vos Altesses sérénissimes mon respect , ma reconnaissance et mes regrets . On ne m'avait point trompé , madame, quand on m'avait dit qu'un voyageur qui cherche à voir ce qu'il y a de plus estimable sur la terre devait venir vous faire sa cour . Un botaniste peut s'extasier dans votre jardin des trois mille plantes exotiques, un amateur de l'architecture peut admirer votre palais 2 où le goût l'emporte sur la magnificence, Votre Altesse sérénissime doit deviner malgré sa modestie ce que pensent les amateurs de la peinture quand ils voient de certains pastels ; et moi surtout, madame, je suis touché plus qu'un autre des grâces de ce bel art, puisque ma maison sera ornée d'un ouvrage qui ferait honneur à Lieutard . Que Vos Altesses sérénissimes me permettent en parlant de tableaux 3 de leur donner avis qu'il y a dans Strasbourg six grands Vandermeulen et un Vandik de la plus grande beauté . Ils appartenaient au défunt prêteur Klinglin et je suis persuadé qu'on les aura pour le tiers de leur valeur . Ils pourraient un jour orner une salle de votre palais et ils sont véritablement dignes d'un prince .
Je viens vite, madame, à ce qui m'a touché davantage, à ce qui restera pour jamais gravé dans mon cœur, c'est la bonté dont Vos Altesses sérénissimes ont daigné me combler, c'est cette politesse si noble et si aisée, c'est le charme de votre conversation, le goût qui règne dans tout ce que vous faites et dans tout ce que vous dites . Votre Altesse sérénissime doit sentir dans le fond de 4 que je lui parle avec la franchise allemande et si elle n'en convient pas je lui déclare que personne au monde ne sera de son avis .
Je reçois, madame, dans ce moment sa lettre pour M. d'Hermenches qu'un gentilhomme de sa cour me rend de sa part . Je vais rendre M. d'Hermenches heureux .
Je suis avec le plus profond respect
Madame
de Vos altesses sérénissimes
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire .
Un voyageur peut être sans cachet ; il cachette comme il peut . »
1Charlotte-Louise de Hesse-Darmstadt, mariée, en 1751, à Charles-Frédéric de Bade-Dourlach morte le 8 avril 1783.
Elle répondra le 17 août 1758 .
« De madame la margrave de BADE-DOURLACH A Carlsruhe, le 17 août.
Monsieur, je viens de recevoir la lettre très-obligeante que vous venez de m'écrire. Si j'avais pu vous prouver dans toute son étendue la considération que j'ai pour vous, j'oserais alors me flatter, monsieur, de mériter votre estime. La reconnaissance que vous me devriez me tiendrait lieu de mérite, et, à quelque prix que je me visse assurée de votre amitié, cela me suffirait toujours pour me rendre trop heureuse.
Votre pastel est en train. Jamais je n'ai travaillé avec plus de plaisir. Je m'abandonne à l'idée charmante que cela vous empêchera d'oublier une personne qui vous est acquise. C'est peut-être une illusion, mais ne me l'ôtez point, monsieur, j'en suis trop charmée.
J'ai rendu compte au margrave [Né en 1728, mort le 10 juin 1811. ] de la justice que vous rendez à nos sentiments pour vous, et des politesses que vous me dites à ce sujet; il en est pénétré. J'aurais bien voulu que vous fussiez revenu sur vos pas pour connaître par vous-même l'effet que votre départ faisait sur nous. Nos regrets exprimaient notre admiration et notre estime. Enfin, monsieur, vous êtes bien fêté parmi nous; et comme vous avez si bien su développer le cœur de Zaïre, pourquoi ignoreriez-vous le mien? Permettez que je vous renvoie à cette connaissance, pour vous faire comprendre quels sont les sentiments d'estime et de considération avec lesquels j'ai l'honneur d'être, pour toute ma vie, monsieur, votre très-affectionnée servante,
CAROLINE, margrave de BADE-DOURLACH.
P. S. N'oubliez pas, monsieur, de revenir chez nous. Le margrave et moi, nous vous en sollicitons. Vous savez bien qu'une écolière vous attend . »
2 Le château de Karlsruhe commencé en 1751 est surtout remarquable par sa tour octogonale .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Karlsruhe
3 Voir lettre du même jour à la comtesse de Lutzelbourg : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/30/j-ai-vu-aussi-un-vandeik-van-dyck-qui-vaut-tous-les-vanderme.html
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