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02/10/2013

Il parait que le parti est pris d'armer toutes les aigles, tous les vautours, tous les faucons ...Moi, qui suis un pauvre vieux pigeon

... Je roucoule, je roucoule ! Comme dit le Portugais en faisant son créneau .

 La colombe de la paix va finir en sauteuse , entourée de petits pois dans cette volière de carnassiers .

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« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA

A Colmar, en Alsace, 14 août 1758 1

Madame, je reçus en partant de la cour palatine la lettre 2 par laquelle Votre Altesse sérénissime daignait m'apprendre que son affaire était presque finie avec le Genevois Labat, nouveau baron de Grandcour. Je suis sensiblement affligé que les descendants d'Albert le Dépravé 3 aient eu besoin du Genevois Labat. Mais je me tiens le plus heureux des hommes d'avoir reçu des ordres de Vos Altesses sérénissimes dans cette occasion. Si les horreurs de la guerre continuent, s'il y a quelque autre moyen de prouver mon zèle et mon attachement à la plus digne princesse que j'aie jamais vue, je serai toujours tout prêt tant que j'aurai un reste de vie. Si j'avais été en Angleterre ou en Hollande, je me serais vu à portée de procurer des sommes plus considérables, et probablement à un meilleur prix.

Je tremble toujours, madame, que la guerre n'approche de vos terres et ne ravage encore ce qui reste de Troie 4. Il parait que le parti est pris d'armer toutes les aigles, tous les vautours, tous les faucons contre l'aigle des anciens Alains et Vandales. Moi, qui suis un pauvre vieux pigeon, je m'en retourne à mon colombier, et je vais redoubler mes gémissements et mes vœux pour la paix publique. Il paraît qu'en général tous les peuples et beaucoup de princes sont bien las de cette guerre, où il y a tant à perdre et rien à gagner. Je ne sais, madame, aucune nouvelle depuis que j'ai quitté la cour palatine. S'il se passait quelque chose dans vos quartiers, je supplie Votre Altesse sérénissime de daigner m'en faire donner part. L'intérêt que je prends à tout ce qui arrive dans le voisinage de ses États autorise cette liberté. J'ai eu l'honneur de voir à Schwetzingen messeigneurs les princes de Mecklembourg 5, qui m'ont paru très-aimables et très bien élevés. Que vont-ils faire à Genève? Ce n'est pas là qu'ils apprendront le métier des armes, auquel ils se destinent. On ne connaît dans ce pays-là que des disputes très-paisibles de sociniens, disputes dont tout prince s'embarrasse fort peu. Je vais porter, madame, dans ce séjour tranquille mon respect pour Votre Altesse sérénissime, pour toute votre auguste maison, et mon éternel attachement.

Le Suisse V. »

1 Le même jour Maupertuis écrivait de Neuchâtel à Bernouilli : « Ce que vous me dites de l'attente de Voltaire à Bâle ne s'accorde point avec [ce] que M. Bertrand, ministre de Berne, qui a passé ici et qui est en grand commerce avec Voltaire nous a dit . Il nous assura que Voltaire devait se rendre de Mannheim à Paris,mais non pas pour y demeurer comme quelques autres le prétendaient […] [il] voulait me faire croire qu'il était venu exprès de Berne ici pour me voir, mais je ne crois pas si facilement , sachant surtout son intimité avec le plus malhonnête homme que je connaisse […] Le même Bertrand me dit que la comtesse de Bentinck était à Lausanne . C'est une espèce comme Voltaire, sa grande amie et bien digne de l'être. »

2 Du 5 juillet 1758 : « Je n'ai qu'un très petit instant à ma disposition que j'emploie avec plaisir à vous dire , monsieur, que j'ai reçu votre chère lettre du 27 de juillet et pour vous instruire que M. Le Bat [Labat] a répondu qu'il fait les choses galamment et que par conséquent notre affaire va être conclue et finie en peu de jours ... »

4 Andromaque, Ac. I, sc. II, Racine .

5 Charles, né en 1741, futur Charles II, duc puis Grand duc de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale ; Georges-Auguste ne en 1748 .

 

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