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19/06/2015

on va jusqu'à m'appeler l'oracle des philosophes, pour me faire brûler le premier.

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« A Nicolas-Claude Thieriot

à l'Arsenal

à Paris

rue Couture-sainte

Catherine chez un

médecin

Aux Délices 19 juin 1760

Vous devez, encore une fois, mon cher et ancien ami, avoir reçu ma réponse et mes remerciements, et la liste de mes besoins, par M. Darboulin, à qui je l'ai recommandée.
M. d'Alembert suppose toujours que j'ai tout vu; c'est une règle de fausse position. Je n'ai rien vu ; je n'ai point le Mémoire de M. Lefranc de Pompignan ; je demande l'Interprétation de la Nature 1, la Vie heureuse de l'infortuné La Mettrie, etc., etc. Je paierai tout loyalement .2
Je réitère mes sanglots sur la Vision; cette vision est celle de la ruine de Jérusalem. Voilà la philosophie perdue et en horreur aux yeux de ceux qui ne l'auraient pas persécutée. 0 ciel ! attaquer les femmes! insulter à la fille d'un Montmorency! à une femme expirante! Je suis réellement au désespoir.
M. d'Alembert croit m'apprendre que M. le duc de Choiseul protège Palissot et Fréron. Hélas! j'en sais plus que lui sur tout cela, et je peux répondre que M. le duc de Choiseul aurait protégé davantage les pauvres Socrates; et je vous prie de le lui dire.
Il m'écrit que les philosophes sont unis,3 et moi, je lui soutiens qu'il n'en est rien ; quand ils souperont deux fois par semaine ensemble, je le croirai. On cherche à les diviser; on va jusqu'à m'appeler l'oracle des philosophes, pour me faire brûler le premier. On ose dire, dans la Préface de Palissot, que je suis au- dessus d'eux; et moi je dis, j'écris qu'ils sont mes maîtres.
Quelle comparaison, bon Dieu! des lumières et des connaissances des d'Alembert et des Diderot avec mes faibles lueurs! Ce que j'ai au-dessus d'eux est de rire et de faire rire aux dépens de leurs ennemis; rien n'est si sain : c'est une ordonnance de Tronchin.
Écrivez-moi, mon ancien ami ; voyez Protagoras-d'Alembert, et venez aux Délices. »

1 Pensées sur l'interprétation de la nature. Cet ouvrage est de Diderot. Il parut au commencement de 1754

2 Cette dernière phrase est omise dans l'édition de Kehl et suivantes .

3 « Ce n'est pas l'union qui manque aux frères » écrit d'Alembert le 11 juin 1760, et le 16 juin 1760 : « 9° C'est très-bien fait au chef de recommander l'union aux frères; mais il faut que le chef reste à leur tête, et il ne faut pas que la crainte d'humilier des polissons protégés l'empêche de parler haut pour la bonne cause, sauf à ménager, s'il le veut, les protecteurs, qui au fond regardent leurs protégés comme des polissons. » ; voir page 420 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f434.texte.r=3764

 

 

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