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30/01/2016

Un petit singe, ignorant indocile, Au sourcil noir, au long et noir habit, Plus noir encore et de cœur et d'esprit, Répand sur moi ses phrases et sa bile.

... Disent , -in petto-, Juppé, -à haute voix-, NKM, -mezzo voce- , Fillon.

L'identité du petit singe ne laissant aucun doute, j'en partage volontiers l'attribution avec vous . Comment est-ce Dieu possible d'avoir publié un auteur [à ce qu'il dit !] aussi  nul et aussi approximatif dans la relation du passé qu'il est minable dans les projets d'avenir .

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 http://www.dailymotion.com/video/xcexcm_le-politique-desc...

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Au château de Ferney en Bourgogne

par Genève 30è janvier 1761 1

Adorables anges, je demande grâce pour ce beau mot : s'il y sert Dieu c'est qu'il est exilé 2, car vous savez que d'ordinaire disgrâce engendre dévotion . Oui mort-D[...] je sers Dieu, car j'ai en horreur les jésuites et les jansénistes , car j'aime ma patrie, car je vais à la messe tous les dimanches, car j'établis des écoles, car je bâtis des églises, car je vais établir un hôpital, car il n'y a plus de pauvres chez moi, en dépit des commis des gabelles . Oui, je sers Dieu, je crois en Dieu et je veux qu'on le sache .

Vous n'êtes pas content du portrait du petit singe ? Eh bien en voici un autre :

 

Un petit singe, ignorant indocile,

Au sourcil noir, au long et noir habit,

Plus noir encore et de cœur et d'esprit,

Répand sur moi ses phrases et sa bile.

En grimaçant le monstre s'applaudit

D'être à la fois et Tersite et Zoïle.

Mais grâce au ciel il est un roi puissant,

Sage , éclairé etc.3

 

Le singe se reconnaitra s'il veut, je ne peux faire mieux pour quant à présent ; je n'ai que trois gardes ; si j'en avais davantage, je vous réponds que tous ces drôles s'en trouveraient mal . Il faut verser son sang pour servir ses amis, et pour se venger de ses ennemis, sans quoi on n'est pas digne d'être homme . Je mourrai en bravant tous ces ennemis du sens commun . S'ils ont le pouvoir (ce que je ne crois pas ) de me persécuter dans l'enceinte de quatre-vingt lieues de montagnes qui touchent au ciel, j'ai , Dieu merci, quarante-cinq mille livres de rente dans les pays étrangers ; et j'abandonnerai volontiers ce qui me reste en France pour aller mépriser ailleurs à mon aise, d'un souverain mépris, des bourgeois insolents 4, dont le roi est aussi mécontent que moi .

Pardonnez, mes divins anges à cet enthousiasme ; il est d'un cœur né sensible, et qui ne sait point haïr ne sait point aimer .

Venons à présent au tripot, et changeons de style .

Vous vous plaignez de n'avoir point Fanime . Quoi ! vous voulez donner tout de suite deux vieillards radoteurs qui grondent leurs filles ? N'avez-vous pas de honte ? Ne sentez-vous pas quelle prodigieuse différence il y a entre la fin de Tancrède et la fin de Fanime ? Attendez, vous dis-je, attendez Pâques fleuries . Je vous remercie bien humblement, bien tendrement, de toutes vos bontés charmantes, et de votre tasse pour la muse limonadière 5, et de la feuille de ce coquin de Fréron 6. Savez-vous bien que c'est là un libelle diffamatoire, personnel, et punissable ? Quoi ! il dira impunément que Mlle Corneille est élevée par un danseur de corde dans un bordel ! Quoi ! il empêchera une jeune personne qui a deux cents ans de noblesse, et qui porte le nom de Corneille, de se marier ! Quoi ! il outragera ma nièce qui seule prend soin de l'éducation de cette demoiselle ! Quoi ! il insultera le sieur L’Écluse, bourgeois de Paris, chirurgien-dentiste très estimé, qui, à la vérité, a fait une faute il y a trente ans, mais qui a une conduite très estimable, qui connait à peine Mlle Corneille, et qui depuis plus de quatre mois n'a mis le pied chez nous ! Il est à Genève où il exerce sa profession avec honneur, en attendant qu'il retourne en France où il est seigneur de paroisse . Mme Denis en écrit à monsieur le chancelier 7. Je vous prie d'en parler à M. le duc de Choiseul, à qui nous écrirons aussi . Il faut que mon procureur le poursuive criminellement au nom du père de Mlle Corneille ; c'est ce que je mande à M. Le Brun ; je vous supplie d'envoyer chercher le bonhomme, il a de l'honneur, il n'a qu'à signer un ordre au procureur . Je paierai bien volontiers tous les frais . Ce n'est pas vengeance ceci, ce n'est pas mauvaise humeur, c'est justice . Je ne veux point finir ma lettre par des idées tristes . Je vois d'ici Mlle Clairon enchanter tous les cœurs, et si les sifflets sont pour moi, les battements de mains sont pour elle . Je m'appelle Pancrace 8 mais je ne veux de ma vie gratter la porte d'aucun cabinet ; j'aimerais mieux gratter la terre . Mon seul malheur dans ce monde c'est de n'être pas dans votre cabinet pour manger avec vous du parmesan, pour boire, car j'aime à boire (comme vous savez) . Puissent les yeux de monsieur d'Argental ne pleurer qu'aux tragédies . Les miens pleurent d'une absence qu'un parti si triste, mais sagement pris, rend éternelle .

Une autre fois je vous parlerai du Droit du Seigneur, je ne peux vous parler aujourd'hui que des justes droits que vous avez sur mon âme .

Je suis malingre, j'ai dicté et peut-être avec mauvaise humeur . Excusez un vieillard vert .

V. »

 

1 L'édition de Kehl déforme cette lettre en y mêlant des fragments de la lettre du 28 janvier aux mêmes et en supprimant le passage sur Fréron et Mlle Corneille .

2 C'était à l'origine le dernier vers de l’Épître à Daphné .

3 Le texte finalement adopté pour le portrait de Omer Joly de Fleury dans l’Épître à Daphné est sensiblement différent de celui-ci : « Un petit singe, à face de Thersite,/ Au sourcil noir, à l’œil noir, au teint gris, / Bel esprit faux qui hait les bons esprits, / Fou sérieux que le bon sens irrite, / Écho des sots, trompette des pervers, / En prose dure insulte les beaux vers, / Poursuit le sage, et noircit le mérite. » ; http://www.theatre-classique.fr/pages/theorie/VOLTAIRE_EPITREDAPHNE.htm

4 Voir lettre du 16 décembre 1760 aux d'Argental .

6 Voir encore lettre du 14 janvier 1761 .

7 Lettre à Lamoignon, qui a certainement été rédigée par V* : « Ferney , 30 janvier [1761] / Monseigneur, je me joins au cri de la nation contre un homme qui la déshonore . Un nommé Fréron insulte toutes les familles ; il m'outrage personnellement, moi, Mlle Corneille, alliée de tout ce qu'il y a de plus grand en France, et portant un nom plus respectable que ses alliances . Je suis la veuve d'un gentilhomme mort au service du roi ; je prends soin de la vieillesse de mon oncle, qui a l'honneur d'être connu de vous . J'ai recueilli chez moi la petite-nièce du grand Corneille, et je me suis fait un honneur de présider à son éducation . Ce n'est pas au nommé Fréron, dont on tolère les impertinentes feuilles , sur des points de littérature, à oser entrer dans le secret des familles, à insulter la noblesse, et à noircir publiquement , de couleurs abominables, une bonne action qu'il est fait pour ignorer . Sa page 164 est un libelle diffamatoire ; nous en demandons justice, moi, Mlle Corneille, mon oncle, et un autre citoyen, tous également outragés . Si cette insolence n'était pas réprimée, il n'y aurait plus de familles en sûreté . J'ai l'honneur »   etc.

8 Ce mot est pris ici au sens de chicaneur, querelleur ; V* l'utilise encore plus péjorativement dans l’Épître à Daphné, 47 .

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