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26/10/2018

Mon cher frère et mes chers frères, vous avez bien raison de dire que les peuples du Nord l’emportent aujourd’hui sur ceux du Midi ; ils nous battent et ils nous instruisent

... Et il s'agit ici de choses plus importantes que le sacro-saint foot, religion quasi sectaire de nos jours et qui n'est qu'une pompe à fric pour quelques élus . Ô les beaux champions du monde que nous sommes, à l'heure où l'on apprend que le chômage vient encore d'augmenter sous nos cieux, augmenter peu, certes, mais c'est toujours trop . 

 https://www.touteleurope.eu/actualite/le-taux-de-chomage-...

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville ; Premier commis des

bureaux du vingtième

Quai Saint-Bernard

à Paris

4è novembre 1763

Mon cher frère et mes chers frères, vous avez bien raison de dire que les peuples du Nord l’emportent aujourd’hui sur ceux du Midi ; ils nous battent et ils nous instruisent. M. d’Alembert se trouve dans une position qui me paraît embarrassante . Le voilà entre l’impératrice de Russie et le roi de Prusse, et je le défie de me dire qui a le plus d’esprit des deux. Jean-Jacques, dans je ne sais lequel de ses ouvrages 1, avait dit que la Russie redeviendrait esclave, malheureuse, et barbare. L’impératrice l’a su ; elle me fait l’honneur de me mander que tant qu’elle vivra elle donnera très impoliment un démenti à Jean-Jacques 2. Ne trouvez-vous pas comme moi cet impoliment fort joli ? Sa lettre est charmante ; je ne doute pas qu’on n’en écrive à M. d’Alembert de plus spirituelles encore, attendu qu’elle sait très bien se proportionner.

Gardez-vous bien, je vous en supplie, de solliciter mademoiselle Clairon pour faire jouer Olympie . C’est assez qu’on la joue dans toute l’Europe, et qu’on la traduise dans plusieurs langues . On vient de la représenter à Amsterdam et à La Haye avec un succès semblable à celui de Mérope . On va la jouer à Pétersbourg. Laissez aux Parisiens l’opéra-comique et les réquisitoires. La France est au comble de la gloire, il faut lui laisser ses lauriers : le mandement du digne frère de Pompignan m’a paru un ouvrage digne du siècle. On m’a montré pourtant une petite réponse 3 d’un évêque son confrère ; il me paraît que ce confrère n’entre pas assez dans les détails ; apparemment qu’il les a respectés, et que l’évêque du Puy s’étant retiré dans le sanctuaire, on n’a pas voulu l’y souffleter.

Mes chers frères,

écr. l’inf .» 



2 A la suite des avances de V* (voir lettre du 4 juillet 1763 à Pictet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/06/23/j-ai-peut-etre-mieux-rencontre-quand-j-ai-dit-que-si-jamais-6061660.html ) , Catherine lui a envoyé la première lettre de leur correspondance dont voici le texte d'après le manuscrit original ; noter que les lettres de Catherine ont été publiées pour la première fois dans l'édition de Kehl : « J'ai mis sous les vers du portrait de Pierre le Grand que monsieur de Voltaire a envoyé par M. de Balk, Que Dieu le veuille . J'ai commis un péché mortel en recevant la lettre adressée au géant , j'ai quitté un tas de suppliques, j'ai retardé la fortune de plusieurs personnes, tant j'étais avide de la lire, je n'en ai pas même eu de repentir, il n'y a point de casuiste dans mes vastes États , je n'en étais pas bien fâchée jusqu'ici, mais voyant le besoin d'être ramenée à mon devoir, je trouvai qu'il n'y avait pas de meilleur moyen que de céder au tourbillon qui m'emportait à prendre la plume pour prier monsieur de V[oltaire] très sérieusement de ne plus me louer avant que je l'aie mérité . Sa réputation et la mienne y sont intéressées . Il dira qu'il ne tient qu'à moi de m'en rendre digne, mais en vérité, dans l'immensité de la Russie, un an n'est qu'un jour, comme mille ans le sont devant le Seigneur . Voilà mon excuse de n'avoir pas fait encore tout le bien que j'aurai dû . Je répondrai à la prophétie de Jean-Jacques Rousseau en lui donnant j'espère aussi longtemps que je vivrai fort impoliment un démenti . Voilà mon intention, reste à voir les effets ; j'aurai envie de dire Priez Dieu pour moi après cela . J'ai reçu aussi avec beaucoup de reconnaissance le second tome de Pierre le Grand . Si dans le temps qu'elle [sic] fut commencée j'avais été ce que je suis, j’aurais fourni bien d'autres mémoires . Il est vrai qu'on ne peut assez s’étonner du génie de ce grand homme ; je m'en vais faire imprimer ses lettres originales que j'ai ordonné de ramasser de toutes parts . Il s'y peint . Ce qu'il avait de plus beau dans son caractère, c'est que, quelque colérique qu'il fût, la vérité avait toujours sur lui un ascendant infaillible, et pour cela seul il mériterait que je pense une statue . Comme ceci ne sera point admiré, ni publié par conséquent, j'ajouterai fort naturellement que le papier pomponné m'a fait un plaisir sensibles ; c'est la première fois de ma vie que je regrette de ne point faire des vers, pour répondre à ceux-là . Je me réduirai donc à dire en prose que j'ai les plus grandes obligations à l'auteur . Depuis que je disposai de mon temps jusqu'en 1746 je ne lisais que des romans . Par hasard me tombèrent en mains ses ouvrages, je ne pouvais cesser de les lire, et je ne voulais plus d'aucun livre qui ne fût aussi bien écrit, et où il y eût autant à profiter . Mais où les trouver ? Je recommençais donc de nouveau, et je tâchai de trouver des livres au moins qui m’instruisissent de tout ce que ses ouvrages m'avaient donné la plus vive envie de savoir . Cependant je retournai toujours à ce premier moteur de mon goût et de mon plus cher amusement, et assurément si j'ai quelques connaissances, c’est là lu seul que je les dois . Mais puisqu'il défend par respect de me dire qu'il baise mon billet , il faut par bienséance lui laisser ignorer que j'ai de l'enthousiasme pour ses ouvrages . Je lis à présent l'Histoire générale . Je voudrais savoir presque chaque page par cœur, en attendant les œuvres du grand Corneille pour lesquelles j'espère que la lettre de change est expédiée. » Cette lettre est datée approximativement de septembre 1763 ; voir aussi la lettre du 14 novembre 1763 à F.-P. Pictet .

3 Instruction pastorale de l'humble évêque d'Alétopolis : https://fr.wikisource.org/wiki/Instruction_pastorale/%C3%...

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