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15/12/2018

s’il me vient quelque bonne pensée, je la soumettrai à votre hiérarchie

... NB. -- Note remise en ligne le 25/12 pour le 15/12/2018 suite à suppression de la première édition par je ne sais qui .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Jeudi au soir 15è décembre 1763

Je reçois une lettre céleste et bien consolante de mes anges, du 8 Décembre. Je ne me plains plus, je ne crains plus ; mais je n’ai plus de quakres. Il faudrait engager quelque honnête libraire à imprimer ce salutaire ouvrage à Paris.

Je rêverai à Olympie. Je demande quinze jours ou trois semaines ; car actuellement je suis surchargé, et les yeux me font beaucoup de mal.

J’avertis par avance que maman 1 n’est point de l’avis de M. de Thibouville ; mais je prierai Dieu qu’il m’inspire, et s’il me vient quelque bonne pensée, je la soumettrai à votre hiérarchie.

Songeons d’abord aux conjurés et aux roués. Je commence à n’être pas si mécontent de cette besogne, et je crois que si mademoiselle Dumesnil jouait bien Fulvie, et mademoiselle Clairon pathétiquement Julie, la pièce pourrait faire assez d’effet. Cependant j’ai toujours sur le cœur l’ordre qu’on donne à Julie, au 4è acte, d’aller prier Dieu dans sa chambre : c’est un défaut irrémédiable. Mais où n’y a-t-il pas des défauts ! Peut-être cet endroit défectueux rebutera Mlle Clairon ; elle aimera mieux le rôle de Fulvie ; en ce cas, Julie serait, je crois, à Mlle Dubois, et cet arrangement vaudrait peut-être bien l’autre.

Je suis enchanté que l’affaire de la Gazette littéraire soit terminée 2 ; mais je crains bien d’être inutile à cette entreprise . Il faut lire plusieurs livres, et je deviens aveugle . Heureusement un aveugle peut faire des tragédies ; et, si les Roués ne me découragent pas, vous entendrez parler de moi l’année prochaine.

Laissons là Icile, je vous en supplie ; c’est un point sur un i. Ne me parlez point d’une engelure, quand le renvoi de Julie dans sa chambre me donne la fièvre double tierce.

Le Corneille est entièrement fini depuis longtemps ; on l’aura probablement sur la fin de Janvier. La petite-nièce à Pierre avance dans sa grossesse, tantôt chantant, tantôt souffrant. Notre petite famille est composée d’elle, de son mari, d’une sœur, et d’un jésuite . Voilà un plaisant assemblage ; c’est une colonie à faire pouffer de rire. Je souhaite que celle de M. le duc de Choiseul, à la Guyane 3 (qui est, ne vous déplaise, le pays d’Eldorado), soit aussi unie et aussi gaie. La nôtre se met toujours à l’ombre de vos ailes, et je vous adore du culte d’hyperdulie ; et si les Roués réussissent, j’irai jusqu’à latrie 4. Mettez-moi, je vous en conjure, aux pieds de M. le duc de Praslin pour l’année prochaine, et pour toutes celles où je pourrai exister.

J'écrirai à M. de Thibouville incessamment. »

1 Mme Denis .

2 Les auteurs du Journal des Savants , protégés par le duc de Choiseul s'opposaient à la publication de la Gazette littéraire protégée par le duc de Praslin , opposition surmontée par celui-ci .

3 Sur ces projets de Choiseul concernant la Guyane, voir lettre du 6 décembre 1763 aux d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/11/29/ce-prince-reste-la-pendant-cinq-actes-comme-un-grand-nigaud-6109034.html

4 Sur le culte de latrie, « dulie = culte de respect et d'honneur, par opposition au culte de latrie, qu'on rend à Dieu seul. », dulie qui donne « aduler » et latrie qui donne « idolâtrie ». Voir lettre du 1er octobre 1760 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/10/01/n-b-il-n-y-a-que-moi-dans-le-monde-qui-joue-bien-les-peres-5969699.htm

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