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27/01/2019

mon curé qui s'enivre tous les jours pourra boire plus que moi à votre santé

... Je n'en dirai pas plus . Son zèle à célébrer l'eucharistie vient sans doute de la qualité du vin offert par les paroissiens , enfin, je le suppose .

Tchin tchin !

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« A Jean-Philippe Fyot de La Marche

Aux Délices, près de Genève,

le 20 janvier 1764

Monsieur,

Comme M. le duc de Praslin n'avait encore point reçu de réponse de vous le 12 de ce mois, j'ai présumé que vous ne pouviez pas répondre avant que d'avoir trouvé les moyens les plus convenables de tarir enfin la source de tous les procès qui subsistent depuis deux cents ans au sujet des terres possédées autrefois dans le pays de Gex par les ducs de Savoie, le canton de Berne et la république de Genève . Il est triste que nos rois depuis Charles IX n'aient pas fait enregistrer leurs traités au parlement de Dijon : cette précaution aurait prévenu toutes les difficultés qui nous désolent ; mais aujourd’hui il n'est guère praticable que l'on fasse enregistrer des traités dont le dernier est fait il y a cent ans, et dont le premier a plus de deux cents années . J'espère , monsieur, que les bontés dont vous honorez Mme Denis et moi, ne permettront pas que nous perdions tout l'avantage et tout l'agrément que ces mêmes traités nous assurent dans notre terre de Ferney .

Nous vous présentons nos très humbles remerciements de la grâce que vous nous avez faite de nous donner des délais ; et nous vous supplions de vouloir bien agréer que M. le duc de Praslin se serve de la voie du Conseil pour arranger cette affaire, qui est en effet une affaire d’État, attendu les promesses faites en dernier lieu par le roi aux républiques de Berne et de Genève .

Permettez encore, monsieur, que j'aie l'honneur de vous dire que, si nous étions obligés de plaider au parlement pour les droits de Ferney, M. le président De Brosses serait le moment d'après obligé de soutenir le même procès ; il se trouve précisément dans le même cas que moi, au sujet de la terre de Tournay, dont je n'ai que l'usufruit et dont il est le propriétaire . Le curé de Tournay n'attend que la première audience où l'on plaiderait la cause de Ferney, pour redemander la dîme que M. De Brosses partage avec la République de Genève, et par un usage funeste que les parlements n'ont point encore aboli, les décisions d'un concile de Latran sur les dîmes, et ce qu'on appelle le droit commun, l'emporteraient sur les traités faits par les souverains ; le président De Brosses perdrait le plus beau de ses droits . Oserais-je , monsieur, vous supplier de lui communiquer cette lettre ? Il s'agit de ses intérêts comme des miens . J’ai eu le malheur qu'un chicaneur de l'antre de Gex 1 a persuadé à M. De Brosses que je dégradais son bois de Tournay . Monsieur son frère le bailli 2 a été témoin, lorsqu'il est venu dans le pays, que , non seulement je n'ai rien dégradé, mais que j'ai même planté dans ce bois et que je n'y ai pas seulement pris jusqu'à présent une seule branche pour me chauffer ; j'ai embelli et amélioré sa terre , j'y ai dépensé plus d'un tiers au-delà de nos conventions, quoiqu’elle ne me rapporte qu'environ douze cents livres de rente, au lieu des trois mille cinq cents pour lesquelles elle m'a été donnée dans le contrat . Si M. le président De Brosses avait pu être instruit de toutes ces vérités, il aurait eu plus de confiance en moi et j'aurais eu le plaisir de rendre sa terre de Tournay la plus agréable de la province ? C'est à quoi j'avais mis toute mon application, et tous ceux qui ont vu Tournay peuvent lui en rendre témoignage . Quoi qu'il en soit, monsieur,son intérêt est évidemment joint au mien dans l'affaire des dîmes ; je me mets entièrement entre vos mains ; j'attends tout de votre protection : mon curé qui s'enivre tous les jours pourra boire plus que moi à votre santé ; mais il n'aura jamais autant de reconnaissance et d'attachement que j'en ai pour vous .

Je suis avec un profond respect, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

 

Une fluxion que j'ai depuis six mois sur les yeux, et qui me menace de la perte de la vue, me prive de l'honneur de vous écrire de ma main. »

1 Girod .

2 Claude-Charles De Brosses, grand bailli de Gex . Sur l'affaire du bois, voir lettre du 22 janvier 1761 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/01/22/rien-n-est-si-bon-que-la-messe-mais-les-assassins-ne-doivent-5748368.html et correspondance ultérieure .

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