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15/05/2019

rien n’est plus honteux pour la nature humaine que de voir le fanatisme rassembler dans tous les temps sous ses drapeaux, faire marcher sous les mêmes lois, des sots et des furieux, tandis que le petit nombre des sages est toujours dispersé et désuni

... sans protection, sans ralliement, exposé sans cesse aux traits des méchants et à la haine des imbéciles."

Méchants et imbéciles ne sont pas des espèces en voie de disparition, mon cher Voltaire et ton constat se vérifie siècle après siècle , les progrès techniques étant même capables de multiplier ces défauts détestables à l'infini .

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« A Etienne-Noël Damilaville

16è avril 1764 aux Délices 1

Mon cher frère, mon cher philosophe, voici le temps arrivé où le fanatisme va triompher de la raison . Mais la philosophie ne serait pas philosophie si elle ne savait s’accommoder au temps. On reprochait aux jésuites la persécution et une morale relâchée : les jansénistes persécuteront bien davantage, et auront des mœurs intraitables ; il ne sera plus permis d’écrire, à peine le sera-t-il de penser. Les philosophes ne peuvent opposer la force à la force ; leurs armes sont le silence, la patience, l’amitié entre les frères. Plût à Dieu que je fusse avec vous à Paris, et que nous pussions parvenir à les réunir tous ! Plus on cherche à les écraser, plus ils doivent être unis ensemble. Je le répète, rien n’est plus honteux pour la nature humaine que de voir le fanatisme rassembler dans tous les temps sous ses drapeaux, faire marcher sous les mêmes lois, des sots et des furieux, tandis que le petit nombre des sages est toujours dispersé et désuni, sans protection, sans ralliement, exposé sans cesse aux traits des méchants et à la haine des imbéciles.

Je vous ai envoyé, mon cher frère, la réponse que j’ai faite à M. Marin 2 ; je vous ai supplié de la lui faire tenir, après l’avoir lue : il est même essentiel pour moi que M. de Sartine la voie. Frère Cramer a imprimé les Contes de Guillaume Vadé, qui sont très innocents, et y a joint quelques pièces étrangères qui pourraient alarmer les ennemis de la raison et fournir des armes aux persécuteurs. Je suis bien aise qu’on sache que je ne prends en aucune manière le parti de ces ouvrages, que je ne me mêle pas de faire entrer en France une feuille de papier imprimé, que je n’exige rien, que je ne veux rien. Je n’ai quitté la France que pour vivre en repos. Il faut me laisser perdre mes yeux et aller à la mort par la maladie, sans persécuter mes derniers jours.

Vous avez dû recevoir quarante huit exemplaires de Corneille . Il y en a 24 que probablement je remettrai à M. de Laleu . Mais je vous prierai de lui en donner d'abord 12 et de vouloir bien garder les 36 autres . Je vous demanderai en grâce d'en faire relier un pour M. Goldoni, vous donnerez les autres en feuilles . Je vous prierai seulement de donner un exemplaire à M. de La Harpe, et l'autre à M. Le Mierre . Je compte bien que M. Diderot sera le premier qui aura le sien, quoique le fardeau immense dont il est chargé ne lui laisse guère le temps de lire des remarques sur des vers .

Je ne vous parlerai point de frère Thieriot, il a mis l’indifférence à la place de la philosophie. Il me faut des cœurs plus sensibles ; le vôtre inspire bien de la chaleur au mien.

Permettez que je joigne ici une lettre pour M. de Laleu .

Ecr. l’inf. »

1 Copie par Wagnière ; l'édition de Kehl joint à la lettre du 26 mars 1764 le 3è paragraphe, à la suite d'un remaniement d'une copie contemporaine qui omet le paragraphe précédent la formule, absente des éditions ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-13.html

2 On n'a pas cette lettre .

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