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07/06/2019

Nous manquons d'hommes presque en tous les genres . Si nous n'avons point de talents tâchons au moins d'avoir de la raison

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« A Etienne -Noël Damilaville

Aux Délices 7è mai 1764 1

Je suis encore obligé, mon cher frère, de vous écrire au sujet des anciennes craintes que j'avais eues de voir mon nom à la tête des œuvres posthumes de mon ami Guillaume Vadé . Renvoyez-moi, je vous prie, la lettre que je vous ai déjà redemandée 2 ; ma crainte était fort juste puisque j'avais entre les mains un exemplaire à la tête duquel mon nom se trouvait . M. Crommelin, qui est un ministre de paix, ne sèmera pas sans doute la zizanie , et je crois avoir fait assez de bien aux Cramer pour être en droit de compter sur leur reconnaissance . Je ne veux avoir pour ennemis que les fanatiques et les Fréron ; je veux ignorer l'auteur de la tracasserie qui a mandé à Gabriel Cramer que je me plaignais de lui dans les termes les plus violents . Il m'a communiqué copie de plusieurs lettres reçues de Paris, dans lesquelles il paraît un dessein formé de le détacher de moi, après que j’ai travaillé pour lui dix années entières, et que je lui ai fait présent de tous mes ouvrages . Le Corneille ne lui a pas été inutile . Je ne me repentirai jamais d'avoir contribué un peu à sa fortune, et à celle de sa famille, mais ils ne doivent point trouver mauvais que j'aie eu quelques alarmes de me trouver responsable en mon propre et privé nom des fadaises d’Antoine et de Guillaume Vadé . Non seulement je ne veux point répondre de ces fadaises, mais pour peu qu’elles indisposent le public, mon avis est qu'on les supprime entièrement ; et c'est sur quoi je demanderai vos bons offices .

Quant à l'édition qu'on veut faire des commentaires du Corneille détachés du texte 3, je crois que les libraires de Paris doivent me savoir quelque gré des mesures que je leur propose, uniquement pour leur faire plaisir . Je ne veux que le bien de la chose ; je donne tout gratis aux comédiens et aux libraires ; je fais quelquefois des ingrats, ce n'est pas la seule tribulation attachée à la littérature .

J'écrirai incessamment à M. le maréchal de Richelieu au sujet de ce comte d'Oliban . Je ne conçois pas cette rage de vouloir paraître en public quand on déplait au public . Ce n'est pas l'amour qu'il fallait peindre aveugle, c'est l'amour-propre .

Je ne sais aucune nouvelle du théâtre de Paris . On dit que Lekain est le seul homme qu'on puisse entendre . Nous manquons d'hommes presque en tous les genres . Si nous n'avons point de talents tâchons au moins d'avoir de la raison, et sur ce, mon cher frère, écr l'inf. »

1 L'édition de Kehl, à la suite de la copie Beaumarchais donne une version abrégée et déformée amalgamée avec des extraits de la lettre du 16 mai 1764, le tout étant placé sous la date du 11 mai 1764 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-16.html

3 Un Commentaire sur le théâtre de Pierre Corneille a été publié sous le format in-12, pour faire l'assortiment aux nombreuses éditions de Corneille dans ce format ; voir une lettre de Cramer à Panckoucke, sur ce sujet, du 17 décembre 1772 .

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