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20/09/2019

j’ai toujours souhaité que vous ne prissiez les armes que contre nos ennemis, je persiste dans ces sentiments

... Messieurs et mesdames les Gilets Jaunes qui persistez dans vos âneries et  gesticulations, stériles pour le moins, destructrices trop souvent .

 

 

«  A Charles Palissot de Montenoy, etc.

à Argenteuil

par Paris

26è juillet 1764 1

Votre lettre, monsieur, est pleine de goût et de raison . Vous connaissez votre siècle, et vous le peignez très bien. Les sentiments que vous voulez bien me témoigner me flattent d’autant plus qu’ils partent d’un esprit très éclairé. Vous méritiez d’être l’ami de tous les philosophes, au lieu d’écrire contre les philosophes. Je vous répète encore que j’aurais voulu surtout que vous eussiez épargné M. Diderot . Il a été persécuté et malheureux. C’est une raison qui devrait le rendre cher à tous les gens de lettres.

M. de Marmontel s’est trouvé dans le même cas. C’est contre les délateurs et les hypocrites qu’il faut s’élever, et non pas contre les opprimés. Je pardonne à Guillaume Vadé et à Jérôme Carré de s’être un peu moqués des ennemis de la raison et des lettres . Je trouve même fort bon que quand un évêque 2 fait un libelle impertinent sous le nom d’Instruction pastorale, on tourne monseigneur en ridicule ; mais nous ne devons pas déchirer nos frères. Il me paraît affreux que des gens de la même communion s’acharnent les uns contre les autres. Le sort des gens de lettres est bien cruel : ils se battent ensemble avec les fers dont ils sont chargés 3, ce sont des damnés qui se donnent des coups de griffes. Maître Aliboron, dit Fréron, a commencé ce beau combat. Je veux bien que tous les oiseaux donnent des coups de bec à ce hibou, mais je ne voudrais pas qu’ils s’arrachassent les plumes en fondant sur la bête.

Le Crevier dont vous avez parlé est un cuistre fanatique, qui a écrit un livre impertinent contre le président de Montesquieu 4. Tous les gens de bien vous auraient embrassé, si vous n’aviez frappé que de telles canailles. Je ne sais pas comment vous vous tirerez de tout cela, car vous voilà brouillé avec les philosophes et les anti-philosophes. J’ai toujours rendu justice à vos talents ; j’ai toujours souhaité que vous ne prissiez les armes que contre nos ennemis, je persiste dans ces sentiments, et je vous prie de me croire très sincèrement, monsieur, votre très humble et obéissant serviteur

V. »

1 L'édition Œuvres de M. Palissot, 1788, supprime la date et ajoute quelques lignes inventées à la fin ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/08/correspondance-annee-1764-partie-26.html

2 Lefranc de Pompignan .

3 Souvenir du Poème sur la Loi naturelle, III, 112-114 :

Je crois voir des forçats dans un cachot funeste,

Se pouvant secourir, l'un sur l'autre acharnés

Combattre avec les fers dont ils sont enchaînés !