Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/11/2019

Mon cher frère, la tempête gronde de tous côtés

... Alors quel cap choisir ?

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

1er octobre 1764

Mon cher frère, la tempête gronde de tous côtés contre le Portatif . Quelle barbarie de m'attribuer un livre farci de citations de saint Jérôme, d'Ambroise, d'Augustin, de Clément d'Alexandrie, de Tatien, de Tertullien, d'Origène ! N'y a-t-il pas de l'absurdité de soupçonner un pauvre homme de lettres d'avoir seulement lu aucun de ces auteurs ? Le livre est reconnu pour être d'un nommé Dubut, petit apprenti théologien de Hollande . Hélas ! Je m'occupais tranquillement de la tragédie de Pierre le Cruel, dont j’avais déjà fait quatre actes, quand cette funeste nouvelle est venue troubler mon repos . J'ai jeté dans le feu et ce malheureux Portatif que je venais d'acheter, et la tragédie de Pierre, et tous mes papiers ; et j'ai bien résolu de ne me mêler que d'agriculture le reste de ma vie .

Je vous le dis, je vous le répète : ce maudit livre sera funeste aux frères si on persévère dans l’injustice de me l'attribuer . On sait comment la calomnie est faite . Voilà son style, dit-elle ; ne le reconnaissez-vous pas à ce tour, à cette phrase 1? Eh madame l'impudente ! Qui vous a dit que M. Dubut n'a pas le même style ? Est-il donc si rare de trouver deux auteurs qui écrivent à peu près dans le même goût ? Est-il donc permis de persécuter un pauvre innocent parce qu'on a cru reconnaître sa manière d'écrire ? La calomnie répond à cela qu’elle n'entend point raison, qu'il faut venger Pompignan et maître Aliboron, et qu'elle poursuivra les philosophes tant qu'elle pourra .

Opposez-donc, mon cher frère, votre éloquence à ses fureurs . En vérité tous les philosophes sont intéressés à repousser des accusations de cette nature . Interim écrasez l'infâme.

Voici un petit billet pour Protagoras . 2»

1 Ainsi Goldoni écrivait à Albergati , le 3 (selon le catalogue de la vente) ou le 30 (selon l'édition de Kehl) octobre, qu'il avait pu lire le livre qui courait secrètement, sans avoir encore pu l'acheter, et il ajoutait : Tout le monde le dit de Voltaire, et lui ne le reconnaît pas pour sien ; mais s'il n’est pas de lui il y a au monde un autre Voltaire que je ne connais pas . Celui qui l’a écrit n'a pas peur du diable .

Les commentaires sont fermés.