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22/12/2019

Je leur réponds à tous , et vous croyez bien que ce n’est pas pour leur  dire des choses qui leur déplaisent

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

2è novembre 1764

Les neiges sont sur nos montagnes, et me voilà redevenu aveugle ; Dieu soit béni !

Mon divin ange me parle de Mlle Doligny 1 et de Mlle de Luzy 2 ; je le supplie de mander quels rôles il faut donner à l’une et à l’autre : j’exécuterai vos ordres sur-le-champ. En attendant, elles peuvent apprendre ceux que vous leur destinez.

M. le maréchal de Richelieu aura peut-être oublié qu’il m’a écrit que je pouvais disposer de tous ces rôles ; mais heureusement j’ai sa lettre, ainsi que des preuves convaincantes que le Testament politique n’est point du cardinal de Richelieu. Je brave M. le maréchal, et madame la duchesse d’Aiguillon, et M. de Foncemagne 3, et le dépôt des Affaires étrangères. Je leur réponds à tous 4, et vous croyez bien que ce n’est pas pour leur  dire des choses qui leur déplaisent. Ma réponse est bien respectueuse, bien flatteuse, mais, à mon gré, bien curieuse. J’espère qu’elle vous amusera, et que M. le duc de Praslin n’en sera pas mécontent. J’y dis un petit mot sur les livres qu’on impute à de pauvres innocents 5.

Au reste, mon cher ange, je n’ai point prétendu que M. le duc de Praslin débutât, dans une séance du Conseil Le Portatif n’est pas de V. ; mais il est indubitable, il est démontré, que le Portatif est de plusieurs mains ; et si vous en doutez, je vous enverrai l’original de Messie avec la lettre de l’auteur, tous deux de la même écriture. Alors, étant convaincu de la vérité, vous la ferez mieux valoir  et M le duc de Praslin, convaincu par ses yeux, serait plus en droit de dire dans l’occasion : V. n’a point fait le Portatif ; il est de plusieurs mains.

Je sais qu’on fait actuellement une très belle édition de ce Portatif en Hollande, revue, corrigée, et terriblement augmentée. C’est un ouvrage très édifiant, et qui sera fort utile aux âmes bien nées.

Au reste, que peut-on dire à V. quand V. n’a donné cet ouvrage à personne, et quand il a crié le premier au voleur, comme Arlequin dévaliseur de maisons ? V. est intact, V. s’enveloppe dans son innocence 6. V. reprendra les Roués en considération, quand il pourra avoir au moins la moitié d’un œil. V. remercie tendrement son ange pour notre gendre  , lequel est assigné à comparoir au Grand-Conseil, et à plaider contre les religieux corsaires de Malte. Nous sommes très disposés à en passer par ce que M. l’ambassadeur de Malte voudra. Je suis persuadé que l’ordre dépenserait beaucoup d’argent à cette affaire, et y gagnerait très peu de chose. V. remercie surtout pour la grande affaire des dîmes, dans laquelle heureusement son nom ne sera point prononcé , ce nom fait un assez mauvais effet quand il s’agit de la sainte Église.

Sub umbra alarum tuarum. »

1 Louise-Adélaïde de Berthon de Maisonneuve, appelée Louise Doligny a fait ses débuts à la Comédie-Française le 3 mai 1763, et est sociétaire depuis le10 avril 1764. Voir : https://www.comedie-francaise.fr/fr/artiste/mlle-doligny#

2 Dorothée Luzy a fait ses débuts le 26 mai 1763 et est aussi reçue le 10 avril 1764 . Voir : https://www.comedie-francaise.fr/fr/artiste/mlle-luzy#

3 Foncemagne, éditeur de l'ouvrage est soutenu dans son entreprise par Anne-Charlotte de Crussol-Florensac, duchesse d'Aiguillon : voir la lettre qu'il lui adresse à ce propos en 1761 ; l'ouvrage fut publié sous le titre Maximes d’État ou Testament politique d’Armand du Plessis, cardinal de Richelieu, 1764, et comporte un essai de Foncemagne sur l’authenticité du document. Voir : https://books.google.fr/books?id=8hnWqJsGDJIC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52507326d/f9.image

4 Sous le titre Doutes nouveaux sur le testament attribué au cardinal de Richelieu, daté Genève 1765, paru en novembre 1764 . Voir : https://books.google.fr/books?id=8jAHAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

5 Vers la fin des Doutes nouveaux …, page 64, V* écrit : « Jamais on ne parla à Louis XIII du Testament politique attribué au cardinal de Richelieu, et on parle quelquefois à Louis XV et à sa cour d'écrits qu'on m'attribue, et auxquels je n'ai pas la moindre part . ».

6 Odes, III, xxiv, 54-55, d'Horace .

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