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01/06/2020

votre zèle est égal à votre raison . Je hais les tièdes

... Je vous le dis froidement .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

15è mars 1765 1

Que vous avez une belle âme ! mon cher frère . Au milieu des soins que vous donnez pour les Calas vous portez votre sensibilité sur les Sirven . Que n'avons-nous à la tête du gouvernement des cœurs comme le vôtre ! Par quel aveuglement funeste peut-on 2 souffrir encore un monstre qui depuis quinze cents ans déchire le genre humain, et qui abrutit les hommes quand il ne les dévore pas !

M. d'Argental doit recevoir dans quelques jours deux paquets de mort-au-rats, qui pourront au moins donner la colique à l'infâme . Il doit partager la drogue avec vous .

Je crois qu'en effet il ne sera pas mal de publier la lettre qu'un certain V. vous a écrite sur les Calas et sur les Sirven . Cela pourra préparer les esprits, et on verra ce qu'on pourra faire avec M. d'Argental . M. le premier président de Toulouse est très bien disposé . Il s'agira de voir si monsieur le vice-chancelier voudra qu'on ôte à ce parlement une affaire qui lui ressortit de plein droit . Les Sirven ont été condamnés à Castres ; s'ils vont à Toulouse n'est-il pas à craindre que des juges irrités ne fassent rouer, pendre, brûler ces pauvres Sirven, pour se venger de l'affront que la famille Calas leur a fait essuyer ? Je ferai un mémoire que je vous enverrai, mais ces Sirven sont bien moins instruits des procédures faites contre eux que ne l'étaient les Calas . Ils ne savent rien, sinon qu'ils ont été condamnés, et qu’ils ont perdu tout leur bien . D'ailleurs, n'étant jugés que par contumace, je ne vois pas comment on pourrait faire pour les soustraire à leurs juges naturels .

Le procédé de M. de Beaumont m'inspire de la vénération . Son nom d'Elie me fait soupçonner qu'il n'est pas d'une famille papiste , et la générosité de son âme me persuade qu'il est un de nos frères . Laissons d'ailleurs juger les Calas, ne troublons pas actuellement leur triomphe par une nouvelle guerre . Je me flatte bien que vous m'apprendrez le plein succès auquel je m'attends . On verra immédiatement après ce qu'on pourra faire pour les Sirven . Ce sera une belle époque pour la philosophie qu'elle seule ait secouru ceux qui expiraient sous le glaive du fanatisme . Remarquez, mon cher frère, qu'il n'y a pas eu un seul prêtre qui ait aidé les Calas, car Dieu merci l'abbé Mignot n'est pas prêtre .

Voulez-vous bien faire parvenir le petit billet ci-joint à la veuve Calas ?3

Adieu, mon cher frère, vous êtes un homme selon mon cœur ; votre zèle est égal à votre raison . Je hais les tièdes .

Qu'est-ce , je vous prie, que Le Pyrrhonien raisonnable du marquis d'Autrey 4, qui croit prouver géométriquement le péché originel ? Écr l'inf, écr l'inf vous dis-je . Je vous embrasse de toutes mes pauvres forces . »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais insère dans cette lettre une partie de celle du 22 mars 1765 (datée par erreur du 12 mars dans l'édition de Kehl ). La correction est faite par Georges Avenel, édition Moland , 1941.

2 Correction du texte de l'édition Besterman qui omet le on .

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