Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/01/2021

je ne désapprouve pas qu’on dise bénédicité , mais je souhaite qu’on s’en tienne là, parce que si l’on va plus loin, on ne s’entend plus ; l’assemblée devient cohue et on dispute à chaque service

... Bénédicité à la scout : "Ego sum pauper" : oui, surtout en esprit :

Benedicite ! Pauperibus saturabuntur…
Que vienne votre Bénédiction,
Et que les pauvres en soient rassasiés. 

Ridicule , à en pleurer ! Rassasiés ? les pauvres en ont même une indigestion . Ô religieux de tout poil comment faites-vous pour trouver des âneries pareilles ?

On peut, heureusement, parfois trouver un poil d'humour catho : https://fr.calameo.com/read/00292724462ae09cdaf3c

 

 

 

« A Henri-Jean-Baptiste Fabry de Moncault, comte d'Autrey 1

6è septembre 1765

Ce n’est donc plus le temps, monsieur, où les Pythagore voyageaient pour aller enseigner les pauvres Indiens 2 ; vous préférez votre campagne à mes masures. Soyez bien persuadé que je mourrai très affligé de ne vous avoir point vu. J’ai eu l’honneur de passer quelque temps de ma vie avec madame votre mère 3 dont vous avez tout l’esprit avec beaucoup plus de philosophie.

Si j’avais pu vous posséder cet automne, vous auriez trouvé chez moi un philosophe 4 qui vous aurait tenu tête, et qui mérite de se battre avec vous . Pour moi, je vous aurais écouté l’un et l’autre, et je ne me serais point battu . J’aurais tâché seulement de vous faire une bonne chère plus simple que délicate. Il y a des nourritures fort anciennes et fort bonnes, dont tous les sages de l’antiquité se sont toujours bien trouvés. Vous les aimez, et j’en mangerais volontiers avec vous ; mais j’avoue que mon estomac ne s’accommode point de la nouvelle cuisine. Je ne puis souffrir un ris de veau qui nage dans une sauce salée, laquelle s’élève quinze lignes au-dessus de ce petit ris de veau. Je ne puis manger d’un hachis composé de coq d'Inde, de lièvre, et de lapin, qu’on veut me faire prendre pour une seule viande . Je n’aime ni le pigeon à la crapaudine, ni le pain qui n’a pas de croûte. Je bois du vin modérément, et je trouve fort étranges les gens qui mangent sans boire, et qui ne savent pas même ce qu’ils mangent.

Je ne vous dissimulerai pas même que je n’aime point du tout, qu’on se parle à l’oreille, quand on est à table, et qu’on dise ce qu’on a fait hier à son voisin, qui ne s’en soucie guère ou qui en abuse ; je ne désapprouve pas qu’on dise bénédicité , mais je souhaite qu’on s’en tienne là, parce que si l’on va plus loin, on ne s’entend plus ; l’assemblée devient cohue et on dispute à chaque service.

Quant aux cuisiniers, je ne saurais supporter l’essence de jambon, ni l’excès des morilles, des champignons, et de poivre et de muscade, avec lesquels ils déguisent des mets très sains en eux-mêmes, et que je ne voudrais pas seulement qu’on lardât.

Il y a des gens qui vous mettent sur la table un grand surtout 5 où il est défendu de toucher ; cela m’a paru très incivil ; on ne doit servir un plat à son hôte que pour qu’il en mange ; et il est fort injuste de se brouiller avec lui, parce qu’il aura entamé un cédrat qu’on lui aura présenté . Et puis, quand on s’est brouillé pour un cédrat, il faut se raccommoder et faire une paix plâtrée 6, souvent pire que l’inimitié déclarée.

Je veux que le pain soit cuit au four, et jamais dans un privé. Vous auriez des figues au fruit, mais dans la saison.7

Un souper sans apprêts, tel que je le propose, fait espérer un sommeil fort doux et fort plein, qui ne sera troublé par aucun songe désagréable.

Voilà, monsieur, comme je désirerais d’avoir l’honneur de manger avec vous. Je suis un peu malade à présent ; je n’ai pas grand appétit, mais vous m’en donneriez et vous me feriez trouver plus de goût à mes simples aliments.

Madame Denis est très sensible à l’honneur de votre souvenir. Elle est entièrement à mon régime. C’est d’ailleurs une fort bonne actrice ; vous en auriez été content dans une assez mauvaise pièce à la grecque, intitulée Oreste, et vous l’auriez écoutée avec plaisir, même à côté de mademoiselle Clairon.

Conservez-moi au moins vos bontés, si vous me refuser votre présence réelle.

V. »

2Ceci fait penser à l'Aventure indienne et suggère que ce qui suit a une valeur symbolique . Tous les détails culinaires suivants peuvent être interprétés comme des symboles de l'Eucharistie, du déisme et athéisme (antiquité et « nouvelle cuisine » ), confession, etc . dont V* se moque . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Aventure_indienne

3 Marie-Thérèse Fleuriau d'Armenonville : voir https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=marie+therese&n=fleuriau+d+armenonville

Elle est mentionnée dans une lettre du 23 octobre 1734 de la marquise Emilie du Châtelet au comte de Forcalquier : https://www.ader-paris.fr/lot/103637/12608654?npp=50&offset=50&

4 Damilaville ; le 6 août 1765, Cramer écrit à Grimm : « Je pense tout le bien possible de la personne qui va venir ici [...] mais je vous avoue que je ne suis pas content de voir que l'on abuse des passions d'un homme dont on se fait l'apôtre et dont on se dit l'ami ; que l'on échauffe sa tête sur le point qui la rend plus inflammable, tandis que nous ne pouvons pas suffire ici à jeter de l'eau dessus ; en un mot qu'on l'excite à faire des folies dangereuses, et qu'on lui en fasse faire tous les jours . Il est bien déplorable, il est bien abominable qu'un homme pour qui la nature et la fortune Se sont épuisées [...] passe sa vie à faire des sottises, à les replâtrer, à les nier, à s'en vanter, et finisse toujours par mourir de peur ... »

5 « Grande pièce de vaisselle qui couvre le milieu d'une table pendant le repas et que laquelle on met des fleurs, des fruits, etc. »

6 Expression employée par Mme de Sévigné : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62940272/texteBrut, lettre XXXVI .

Plâtrer ici c'est « revêtir d'un apparence spécieuse », comme on le trouve chez le Tartuffe de Molière :  « Sous le dehors plâtré d'un zèle spécieux. », Ac. I, sc. 5, vers 360, http://www.toutmoliere.net/img/pdf/tartuffe.pdf

7 Ce paragraphe et les deux suivants sont à interpréter à la façon du « catéchisme du Japonais » du Dictionnaire philosophique . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Cat%C3%A9chisme_du_Japonais