17/05/2021
Nous raisonnerons de tout cela quand j’aurai la force de raisonner ; il n’en faut pas pour vous aimer, cela ne coûte aucun effort
... Mam'zelle Wagnière, mes pensées vous accompagnent . Le château va rouvrir ses portes, qu'en dîtes-vous ?
« A Michel-Paul-Guy de Chabanon 1
Chez M. de La Chevalerie
à Lyon
A Ferney 31è janvier 1766
J’ai tardé bien longtemps à vous répondre, monsieur, mais j’ai dû craindre de ne vous répondre jamais . J’ai eu une fluxion sur la poitrine, sur les yeux, et sur les oreilles ; je ne parlais ni ne voyais. Le premier usage que je fais de la voix, qui m’est un peu revenue, est de dicter mes sentiments. Vous sentez combien je désire d’avoir l’honneur de vous voir dans ma retraite, tout indigne qu’elle est à présent de votre visite. Nous sommes presque à l’air par un froid affreux, mais nous trouverons de quoi vous mettre à couvert et vous chauffer. J’ai peur qu’étant avec M. et Mme de La Chabalerie, vous ne vous empressiez pas trop de les quitter pour nos déserts. Madame votre sœur mérite assurément la préférence sur moi ; mais, quand vous voudrez partager vos faveurs, j’en aurai toute la reconnaissance possible. Vous me trouverez peut-être encore bien malade , mais vous trouverez chez moi tout ce qui reste de la famille Corneille, père, fille, et petite-fille . Vous trouverez Mme Denis, ma nièce, qui récite des vers comme vous en faites, car je vous avertis qu’il y en a d’extrêmement beaux dans votre Virginie. Nous raisonnerons de tout cela quand j’aurai la force de raisonner ; il n’en faut pas pour vous aimer, cela ne coûte aucun effort. Je vous attends, et je vous recevrai comme je vous écris, sans cérémonie.
V. »
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