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04/04/2022

quelques hommes ont cru que la barbarie était un de leurs devoirs . On les a vus abuser de leur état jusqu'à se jouer de la vie de leurs semblables, en colorant leur inhumanité du nom de justice 

... Et dire que les Russes de Poutine ne sont pas les seuls à agir ainsi : monde effrayant . Et dire que dans le même temps , des extrémistes  français , candidats à la présidence, viennent prôner leurs haines superflues !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

2 Janvier 1767 1

Vous devez être actuellement bien instruit, mon cher et vertueux ami, du malheur qui m’est arrivé 2 . C’est une bombe qui m’est tombée sur la tête, mais elle n’écrasera ni mon innocence ni ma constance : je ne peux rien vous dire de nouveau là-dessus, parce que je n’ai encore aucune nouvelle.

J’ai éclairci tout avec le prince Galitzine : il n’y avait point de lettre de lui ; tout est parfaitement en règle ; et, dans quelque endroit que je sois, les Sirven auront de quoi faire leur voyage à Paris, et de quoi suivre leur procès. Vous pourrez, en attendant, envoyer copie du factum à Mme Denis, si M. de Beaumont ne le fait pas imprimer à Paris, mais sans doute M. de Beaumont le fera imprimer . C’est perdre ce procès-là que de ne pas donner au moins communication du factum aux personnes qui peuvent nous protéger .

Voilà pour les affaires de discussion, venons maintenant à celles de littérature 3.

Vous aurez les Scythes incessamment, à condition qu’ils ne seront point joués ; et la raison en est que la pièce est injouable avec les acteurs que nous avons.

On m’a envoyé de Paris une pièce très singulière, intitulée le Triumvirat ; mais ce qui m’a paru le plus mériter votre attention dans cet ouvrage, et celle de tous les gens qui pensent, c’est une histoire des proscriptions 4. Elles commencent par celles des Hébreux, et finissent par celles des Cévennes . Ce morceau m’a paru très curieux. Cette histoire finit par ces mots :

« Il est vrai qu'il n’est plus de nos jours de persécutions générales ; mais on voit quelquefois de cruelles atrocités . La société, la politesse, la raison inspirent des mœurs douces ; cependant quelques hommes ont cru que la barbarie était un de leurs devoirs . On les a vus abuser de leur état jusqu'à se jouer de la vie de leurs semblables, en colorant leur inhumanité du nom de justice ; ils ont été sanguinaires sans nécessité ; ce qui n'est pas même le caractère des animaux carnassiers . Toute dureté qui n'est pas nécessaire est un outrage au genre humain . Puissent ces réflexions satisfaire les âmes sensibles et adoucir les autres 5. »

Il me semble que la tragédie n’est faite que pour amener ce petit morceau . La pièce d’ailleurs n’est point convenable à notre théâtre 6, attendu qu’il y a trop peu d’amour.

Adieu, mon cher ami . Vous devinez le triste état dans lequel nous sommes, Mme Denis et moi. Nous attendons de vos nouvelles ; écrivez à Mme Denis, au lieu d’écrire à M. Souchay, et songez, quoi qu’il arrive, à écraser l’infâme »

1 Copie contemporaine Darmstadt B. qui dérive de La Correspondance littéraire ; l'édition de Kehl donne une lettre fortement mutilée ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/04/correspondance-annee-1767-1.html

2 L’aventure Lejeune et ses suites qui vont jusqu'à provoquer un froid avec d'Argental.

3 Depuis mais sans doute M. de Beaumont, ce passage omis sur la copie Beaumarchais-Kehl manque dans toutes les éditions .

4 L'essai «  Des conspirations contre les peuples ou les proscriptions » à la suite d'Octave ; voir : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/11

5 Depuis Cette affaire finit par ces mots, passage très abrégé puis biffé sur la copie Beaumarchais et manquant dans toutes les éditions .

6 C'est-à-dire au théâtre des « Welches ».

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