30/06/2024
Le grand point est de voir les choses comme elles sont, d'oublier l'auteur, et de ne juger que l'ouvrage
... Ça , c'est la situation idéale , avec un auteur qui a un programme de gouvernement bénéfique à la majorité du peuple . Et non pas seulement une succession de dictats destructeurs promulgués par des partis extrêmistes . A tous ceux qui, aveuglément, veulent voter pour les dits partis détestables pour la seule raison qu'on "ne les a encore jamais essayés!", je dis "Essayez la roulette russe avec six balles dans le barillet !" pour voir si vous pouvez en réchapper . Allez-y, votez n'importe comment, partez en vacances, et profitez-en, ce seront peut-être les dernières .
« A Marie-Louise Denis
23è décembre 1768
En réponse à votre lettre du 16, ma chère nièce, vous saurez que vous avez dû recevoir Empereurs et Marseillais par l'ami Marin .
Vous devez avoir reçu aussi deux grands paillards pour le drame intitulé désormais Les Deux Frères . Trois actes entiers remplis d'adoucissements sont parvenus sans doute aux deux anges par M. le duc de Praslin . Un petit contraste entre les bons et les mauvais prêtres de l'Antiquité n'a pas été oublié . Il ne reste pas à présent le moindre prétexte à la malignité . Il faut que vous encouragiez Marin . S'il pouvait oublier un moment qu'on a nommé un autre que La Touche, il n'aurait nulle crainte . Mais sachant malheureusement que le diable a fait cette bonne œuvre, il voit sa griffe partout et j'ai peur même que les anges ne soient imbus de ce préjugé . Le grand point est de voir les choses comme elles sont, d'oublier l'auteur, et de ne juger que l'ouvrage .
Nous parlerons une autre fois du Duc de Bénévent . Ce petit duc doit céder à un empereur de Rome .
Il est fort difficile de trouver un A.B.C. . Cet ouvrage traduit de l'anglais par un nommé Chiniac 1 , a été imprimé à Bâle . Il y en a fort peu d'exemplaires à Genève. L'ouvrage me paraît beaucoup trop hardi pour la France, et je ne conçois pas comment on a pu en laisser entrer des exemplaires .
Au reste, il y a six ans que le livre est imprimé ; car le titre porte 1762 ; comment peut-on avoir l'injustice absurde de me l'imputer ? Vous sentez combien il est impossible de j'aie fait à la fois les Siècles de Louis XIV et de Louis XV, une tragédie, un tome tout entier à l'Histoire générale, et ce terrible A.B.C. L'homme le plus robuste ne pourrait suffire à tant d'ouvrages, et vous savez quelle est ma mauvaise santé dans un âge très avancé . La considération de cet âge doit fermer la bouche à mes calomniateurs ; et je suis persuadé que vous leur imposerez silence .
Je pleure amèrement Damilaville ; la nature avait fait cet homme-là pour moi . J'imaginais même qu'il viendrait se retirer à Ferney . Le voilà mort, il ne sera jamais remplacé. Si Diderot a toutes mes lettres ne serait-il pas honnête qu'il vous les remit entre les mains ?
Je suis fort fâché que le roi de Danemark ait été dans l'écurie de la Sorbonne . Pourquoi voir des ânes quand on a vu des chevaux d'Espagne ?
Le frère de la Présentation me paraît fort inutile . On est assez actuellement dans le goût de retrancher les cérémonies . Celle-ci surtout est très ridicule.
Le Châtelard devient un endroit charmant, mais la maison Racle devient plus invendable que jamais . Le séjour des troupes surtout est un obstacle invincible . Elles ont fait un mal irréparable à ce pauvre petit canton . Si elles reviennent, je pourrai bien m'en aller . Je ne sais ce que deviendra Versoix . Il a fallu que Racle donnât cinquante louis à un secrétaire de l'intendant ; Fabry qui n'oublie rien, en a voulu avoir aussi cinquante ; il a fallu les donner . Si tout se traite ainsi, il en coûtera des sommes immenses au patron, et rien de s'achèvera .
Le pain n'a jamais augmenté dans notre petit pays barbare, tout y est toujours sur le même pied, il faut toujours s'adresser à Genève pour se nourrir et se vêtir . La nature a voulu que ce canton fut pauvre et sot ; elle a été parfaitement obéie .
Vous ne me mandez point si votre sœur est revenue . Je n'ai point reçu encore la lettre de M. Dupuits . Je lui fais mille compliments ainsi qu'à sa chère petite femme . Je vous embrasse avec la plus vive et la plus inaltérable tendresse . »
1 Voir lettre du même jour à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/06/28/pourquoi-n-a-t-il-pas-ete-aussi-plaisant-qu-il-pouvait-l-etr-6504864.html
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