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17/11/2022

On s’est imaginé assez ridiculement que je suis en France, et je m’aperçois en effet que j’y suis parce que je manque de tout

... France, pays de Cocagne, qu'es-tu devenue ?

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« A Jean Le Rond d'Alembert

3è mai 1767

M. Necker qui part dans l’instant, mon cher et véritable philosophe, vous rendra une Lettre au conseiller 1. Messieurs de la poste en ont butiné deux, selon leur louable coutume. Ces messieurs de la poste aux lettres deviendront des gens très lettrés ; ils se forment une belle bibliothèque de tous les livres qu’ils saisissent. Chaque pays, comme vous voyez, a son inquisition ; vous n’êtes pas plus tôt délivré des renards que vous tombez dans la main des loups 2.

Votre Lettre au conseiller devrait exciter le monde à faire une battue. Ne voudriez-vous point ajouter à l’histoire de la Destruction quelque chose concernant l’Espagne, en retranchant le dernier chapitre touchant le serment que devaient prêter les jésuites, chapitre devenu inutile par les précautions que l’on a prises en France contre ces pauvres diables dignes aujourd’hui de pitié ?

L’imbécile et ignorant libraire qui s’est chargé de votre seconde édition ne l’aura pas achevée sitôt. Je n’ai de lui aucune nouvelle ; toute communication est interrompue entre Genève et la France. On s’est imaginé assez ridiculement que je suis en France, et je m’aperçois en effet que j’y suis parce que je manque de tout. Je ne sais comment on fera pour faire passer dans votre monarchie française la Lettre au conseiller. Il n’est plus permis de lire, et il n’y a que les auteurs du Journal chrétien et Fréron qui aient la liberté d’écrire.

Vous verrez par les deux petites pièces ci-jointes 3 qu’on ne rogne pas les ongles de si près dans les pays étrangers. L’exemple que donne l’impératrice de Russie est unique dans ce monde. Elle a envoyé quarante mille Russes prêcher la tolérance 4 la baïonnette au bout du fusil. Vous m’avouerez qu’il était bien plaisant que les évêques polonais accordassent des privilèges à trois cents synagogues, et ne voulussent pas souffrir l’Église grecque.

Bonsoir mon cher philosophe  car il faut que M. Necker parte . Souvenez-vous, je vous en prie, que je n’ai aucune part aux Anecdotes sur Bélisaire . On m’accuse de tout ; voyez la malice ! »

1 C’est l’écrit de d’Alembert. La (première) Lettre à M*** , conseiller au Parlement de *** pour servir de supplément à l'ouvrage qui a pour titre Sur la destruction des jésuites en France, publiée en 1767 ; la suggestion de V*d’évoquer les affaires des jésuites d’Espagne aboutit à la publication de la Seconde Lettre à M. *** […] sur l'édit du roi d'Espagne pour l'expulsion des jésuites, datée du 15 juillet 1767.

2 L'opposition entre loups ( jansénistes ) et renards (jésuites) revient plusieurs fois à l'époque sous la plume de V*. on la trouve déjà dans le Pot-pourri .

3 La Lettre sur les panégyriques et la Seconde anecdote sur Bélisaire .

4 Entrée des Russes en Pologne. Voyez l’Essai sur les dissensions des Églises de Pologne, dans les Fragments sur l’histoire. : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/461

16/11/2022

heureux d'être chaque jour aux pieds de mon héros, s'occupant du bonheur de son peuple

... Macron ? que nenni ! Seul mon père est un héros, il n'exige aucune génuflexion, lui  .

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

2 mai 1767 1

[…] Je rends grâce à V. M. de ce qu'elle a daigné m’envoyer par M. de Catt la réponse qu'elle a faite à Marmontel sur sa Poétique 2. Que de leçons elle nous donne ! Votre digne Suisse 3 m'a écrit une lettre charmante . Il s'estime heureux d'avoir vu ces grandes scènes où V. M. a joué si supérieurement son rôle . Pour moi, je l'estime plus heureux d'être chaque jour aux pieds de mon héros, s'occupant du bonheur de son peuple . »

1 Edition Œuvres posthumes de Frédéric le Grand, 1788 , qui place cette lettre à la fin d'une lettre de V* à Frédéric du 1er juillet 1772, tout en laissant subsister sa date exacte . L'erreur a été signalée dans les Œuvres de Frédéric .

Voir page 393 : https://books.google.fr/books?id=kjoUAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=snippet&q=catt&f=false

2 Sur la poétique de Marmontel, voir lettre du 2 mars 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/03/01/est-il-vrai-que-la-popeliniere-a-eu-l-avantage-de-mourir-coc.html

La lettre de Frédéric à Marmontel n'est pas connue .

3 Catt ; sa lettre n'est pas connue .

15/11/2022

ne vous mêlez point de querelles théologiques

... Est-il plausible qu'un quelconque dieu existe et qu'on lui soit soumis ?

 

 

« A Jean-Benjamin Laborde

1er mai 1767

Notre Chabanon arrive ; il a la plus grande opinion de mon Orphée 1 de Versailles. Il nous a trouvés dans un grand embarras. Si mon Orphée trouve des épines dans ce meilleur des mondes, nous y trouvons des loups et des tigres. La boite de Pandore est inépuisable. J’espère que votre belle musique adoucira les mœurs.

J’ai trouvé enfin la brochure que vous demandez 2 ; je vous l’envoie, sachant bien qu’on peut tout confier à un homme aussi sage que vous. Ces petites plaisanteries des huguenots n’ébranlent pas votre religion ; elles n’ont jamais dérangé la mienne. J’ai été toujours bon sujet et bon catholique, et j’espère mourir dans ce sentiment.

Je suis bien fâché que M. Marmontel ait prétendu qu’il pouvait y avoir de la vertu chez les rois et chez des philosophes qui n’étaient pas catholiques. J’espère que la Sorbonne, qui est le concile perpétuel des Gaules, préviendra le scandale qu’une telle opinion peut donner. On dit que le révérend père Bonhomme, cordelier, prépare une censure admirable de cette hérésie 3. Vous qui cultivez avec succès un des plus beaux arts, vous ne vous mêlez point de querelles théologiques ; vous vous bornez à faire le charme de nos oreilles et celui de la société.

Que dites-vous de notre chevalier qui va faire l’éducation d’une mademoiselle de Provenchères ?4 On m’écrit qu’elle est charmante, et la vraie fille d’une mère qui l’était 5. Notre chevalier n’est pas un trop mauvais précepteur. Croyez-vous qu’il lui permette de mettre du rouge ? Pensez-vous que l’esprit qu’on donne 6 à la jeune enfant dégénère entre ses mains ? Faites passer la brochure à ce chevalier, et dites-lui combien je l’aime. »

1 La Borde lui-même. (G.Avenel.)

2 La Seconde anecdote sur Bélisaire .

3 Sans doute les Questions de Zapata.( selon Georges Avenel .)

5 Pétronille d'Avignon, femme de Guillaume Pavée de Provenchères ; Voir : https://www.geneanet.org/fonds/bibliotheque/?go=1&nom...=

6 L'édition Besterman omet le mot donne.

14/11/2022

Vous avez fait un bien joli voyage dans une terre inconnue qui est trop connue

...Merci des people à Raphaël de Casabianca : voir https://www.france.tv/france-2/rendez-vous-en-terre-inconnue/  

Ou alors Macron et Bidden en Chine ? Beaucoup moins fun !

 

 

« A Charles Bordes

[avril-mai 1767]

L'éditeur de votre charmante prose vous recommande mon cher confrère ses très médiocres vers . Voici un petit changement qui m'a paru absolument nécessaire dans l'édition des Scythes . Si vous avez de l'indulgence pour ce petit morceau, je vous prie de n'en avoir point pour l'imprimeur et de vouloir bien faire recommander à Périsse 1 promptitude et exactitude .

Vous avez fait un bien joli voyage dans une terre inconnue qui est trop connue . Je voudrais bien que vous en faisiez un autre dans un pays plus voisin où vous seriez assurément plus fêté . »

13/11/2022

comme je sais que vous aimez les belles-lettres

...  Je ne crois pas me tromper en vous conseillant de lire Voltaire .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

29 avril [1767]

Monsieur, comme je sais que vous aimez les belles-lettres, je crois ne pas vous importuner en vous dépêchant les deux brochures ci-jointes 1 qui ne se débitent pas encore dans la ville de Lyon, mais que je me suis procurées par le canal d'un de mes amis qui est fort au fait de la littérature .

On dit que M. de Voltaire, par le conseil des médecins va quitter le pays de Gex . C'est en effet un climat trop dur pour sa vieillesse, et pour une santé aussi faible que la sienne . L'air de la Saône est beaucoup plus favorable . Mais je plains beaucoup les environs de Ferney, qui vont retomber dans leur ancienne misère, si M. de Voltaire viens en effet s’établir ici .

J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec tous les sentiments que je vous ai voués, etc.

Boursier. »

1 L'une doit être la Lettre sur les panégyriques, l'autre les Homélies prononcées à Londres , voir : https://books.google.fr/books?id=T6FbAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

12/11/2022

Si j'avais de la santé et de la jeunesse je ne serais pas toujours si éloigné de la seule personne de l'univers qui ait pris les armes pour que les hommes fussent libres

... Non ! non, il n'est évidemment pas question de Poutine . Voltaire était encore plein d'idéalisation de la Grande Catherine, qui a fait progresser l'empire russe moins benoitement que le croyait le patriarche . Elle a été un chef de guerre pour l'accroissement de l'empire et championne des annexions bien avant Vladimir, ce qui en aucun cas ne peut excuser ce dernier . Son seul grand mérite est d'avoir réorganisé l'administration de son empire sans toutefois réussir à le sortir complètement de la féodalité . La Russie est une bête à problèmes de toute éternité , et Vladimir est son poison . 

 

 

« Au comte Alexandre Romanovitch Vorontsov

A Ferney, 28è avril 1767

Monsieur,

J'ai l'honneur de vous adresser deux exemplaires d'un petit ouvrage 1 qui m'arrive de Suisse . Il y est beaucoup question d'une personne très respectable 2 à laquelle vous êtes fort attaché . Au reste je ne connais pas l'auteur, mais celui qui m'envoie cet ouvrage me prie de m'informer si le directeur de la poste de Riga n'a point reçu deux paquets affranchis jusqu’à Nuremberg pour votre société économique . Je pense qu'il faut qu'ils parviennent francs de port à Pétersbourg ; j'ai écrit pour cela au directeur de la poste de Riga, et je lui ai mandé qu’il lui plût tirer sur moi une lettre de change à Genève . S'il était besoin des bons offices de Votre Excellence pour faire parvenir ces deux paquets à leur destination, je présume que vous me pardonnerez cette liberté .

Si j'avais de la santé et de la jeunesse je ne serais pas toujours si éloigné de la seule personne de l'univers qui ait pris les armes pour que les hommes fussent libres .

J’ai l'honneur d'être avec beaucoup de respect, monsieur, de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1 Lettre sur les panégyriques .

2 Catherine II .

11/11/2022

Me voilà donc engagé absolument à ne plus rien changer

... Et pourtant, rendez-vous compte : la banane ,- le fruit qui dépanne,- est radio-active ! Est-ce grâce à elle qu'on peut devenir un brillant sujet ? Que nenni : https://www.buzzwebzine.fr/experte-revele-banane-radioact...

Je ne changerai rien à mon régime .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

27 avril 1767

Après vous avoir écrit, mon cher ange, et vous avoir envoyé un exemplaire des Scythes corrigé à la main, je suis obligé de vous écrire encore. La nouvelle édition, à laquelle on travaille à Genève, sera achevée dans deux jours, et il a fallu envoyer la pièce telle qu’elle est en Hollande, pour prévenir l’édition qu’on y allait faire suivant celle de Paris. Me voilà donc engagé absolument à ne plus rien changer. On traduit cette pièce en italien et en hollandais. Les éditeurs et les traducteurs auraient trop de reproches à me faire si je les gênais par de nouveaux changements.

Je vous dirai encore que plus je réfléchis sur l’idée de la nécessité d’un mariage en Scythie, et sur l’addition d’un monologue au deuxième acte, plus je trouve ces additions entièrement opposées au tragique. Tout ce qui n’est pas de convenance est froid ; et ce monologue, dans lequel Obéide s’avouerait à elle-même son amour, tuerait entièrement son rôle ; il n’y aurait plus aucune gradation. Tout ce qu’elle dirait ensuite ne serait qu’une malheureuse répétition de ce qu’elle se serait déjà dit à elle-même. Je préfère à tous les monologues du monde ces quatre vers que vous et madame d’Argental m’avez conseillés :

Au parti que je prends je me suis condamnée

Va, si j’aime en secret les lieux où je suis née,

Mon cœur doit s’en punir ; il se doit imposer

Un frein qui le retienne et qu’il n’ose briser, etc.

 

En un mot, je vous conjure d’engager le premier gentilhomme de la chambre à exiger de Molé une ou deux représentations ; cela ne peut nuire à sa santé. Le rôle d’Indatire n’est point du tout violent, et il n’y a guère de principal rôle comique qui ne demande beaucoup plus d’action. Il serait fort triste et fort déplacé que Lacombe, à qui j’ai rendu service, refusât de sacrifier ce qui peut lui rester de son édition pour en faire une plus complète, surtout lorsqu’il ne lui en coûte que cent écus pour Lekain. Je pense bien donner à Lekain les cent autres écus, puisque, en d’autres occasions, je lui ai donné cinq ou six fois davantage.

J’envoie à Lekain, par cet ordinaire, un exemplaire conforme aux vôtres, à un ou deux vers près. J’ai oublié à la page 45 :

Ils vaincront avec moi. – Qui tourne ici ses pas ?

au lieu de :

Quel mortel tourne vers moi ses pas ?

Je crois aussi qu’à la page 73 il faut :

Connaissez dans quel sang vous plongerez mes mains.

au lieu de :

vous enfoncez mes mains 1.

Je me jette à vos pieds et je vous demande mille pardons de tant de tourments ; mais je vous supplie que je vous aie l’obligation de la représentation que je demande aux comédiens, et de l’édition que je demande à Lacombe, édition d’ailleurs dont je lui achèterai deux cents exemplaires, pour envoyer aux académies dont je suis, et dans les pays étrangers. Je me mets à vos pieds, mon cher ange, toujours honteux de mes importunités, et toujours le plus importun des hommes. »

1 Ici le texte ne fut pas corrigé ; ac. V, sc. 5 .