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10/11/2022

Si on laissait faire la Sorbonne, elle serait pire que les jésuites : on est environné de monstres

... Les étudiants du XXIè siècle sont-ils du même avis ?

Presque : https://diplomeo.com/avis-universite_sorbonne_nouvelle_pa...

 

 

 

« A Philippe-Charles-François-Joseph de Pavée, marquis de Villevielle 1

27è avril 1767 

Je prie mon digne chevalier de vouloir bien me mander dans quel endroit du Languedoc demeure le sieur de La Beaumelle. Je me réjouis avec mon brave chevalier de l’expulsion des jésuites. Le Japon commença par chasser ces fripons-là ; les Chinois ont imité le Japon ; la France et l’Espagne imitent les Chinois. Puisse-t-on exterminer de la terre tous les moines qui ne valent pas mieux que ces faquins de Loyola ! Si on laissait faire la Sorbonne, elle serait pire que les jésuites : on est environné de monstres.

On embrasse bien tendrement notre digne chevalier. On l’exhorte à combattre toujours, et à cacher ses marches aux ennemis. »

09/11/2022

Je n’ai pas eu un moment à perdre, et il est impossible d’y rien changer désormais

... et surtout ne perdons pas la face !" dit Emmanuel Macron en accueillant les réfugiés amenés par l'"Ocean Viking" . Cette bonne volonté est déjà relativisée par les déclarations de Darmanin : "deux tiers des migrants à bord du navire seront accueillis par neuf pays européens" https://www.francetvinfo.fr/societe/immigration/direct-ocean-viking-le-gouvernement-organise-l-evacuation-sanitaire-de-quatre-passagers-du-navire-de-sos-mediterranee_5468877.html

 

Rédigé le 10/11/2022 pour édition le 9/11

 

 

« A Henri-Louis Lekain

27 avril 1767

Vous me ferez un extrême plaisir, mon cher ami, d’essayer une ou deux représentations des Scythes, à votre retour de Grenoble, suivant la leçon nouvelle ci-jointe. Engagez M. Molé à se prêter à mes désirs. Je serais au désespoir de nuire à sa santé ; mais il joue dans le comique, et son rôle dans les Scythes est bien moins violent que plusieurs rôles de comédie. Je m’en tiendrai même à une seule représentation. Elle vous attirera certainement beaucoup de monde, en annonçant qu’elle sera donnée suivant une nouvelle édition qu’on a reçue de Genève.

J’ai à vous demander pardon, mon cher ami, de vous avoir fait un rôle dont le fond n’est pas aussi intéressant que celui d’Indatire ; il n’a pas ce tragique fier et terrible de Ninias, d’Oreste, et de quelques rôles dans lesquels j’ai servi heureusement vos grands talents. C’est un très jeune homme amoureux comme un fou, fier, sensible, empressé, emporté, qui ne doit mettre dans l’exécution de son personnage aucune de ces pauses, lesquelles font ailleurs un très bel effet. Il doit surtout couper la parole à Obéide avec un empressement plein de douleur et d’amour. Je ne doute pas que vous n’ayez réparé par cet art, que vous entendez si bien, le peu de convenance qui se trouve peut-être entre ce personnage et le caractère dominant de votre jeu.

J’ai envoyé à M. d’Argental deux exemplaires pareils à celui que je vous envoie. J’ai été dans la nécessité absolue de m’en tenir à cette édition, parce que l’on réimprime actuellement la pièce en plusieurs endroits, et qu’on la traduit en italien et en hollandais. Je n’ai pas eu un moment à perdre, et il est impossible d’y rien changer désormais sans faire du tort aux traducteurs et aux éditeurs.

Je vous embrasse de tout mon cœur. Si vous avez de l’amitié pour moi, faites ce que je vous demande. Il vous sera bien aisé de faire porter sur les rôles les changements que vous trouverez à la main dans l’exemplaire ci-joint. 

V.»

08/11/2022

si vous y perdez, je suis prêt à vous dédommager

... Prix Goncourt – 3 novembre 2022 Vivre vite, Brigitte Giraud (Flammarion) Prix Renaudot – 3 novembre 2022 Performance, Simon Liberati (Grasset) Prix Décembre – 26 octobre 2022 Quand tu écouteras cette chanson, Lola Lafon (Stock) Prix Fémina – 7 novembre 2022 Un chien à ma table, Claudie Hunzinger (Grasset)

Est-il un auteur/une auteure qui dise cela à son éditeur ? Même pas en rêve de libraire .

 

Rédigé le 10/11/2022 pour parution le8/11 .

 

« A Jacques Lacombe, Libraire

Quai de Conti

à Paris

Si vous aviez pu , monsieur, conserver les planches comme vous m'en aviez flatté, je vous causerais moins d'embarras . Mais je vous demande en grâce de me sacrifier ce qui peut vous rester de votre première édition et d'en faire une autre en petit caractère avec des réglets et une très grand marge . Elle ne contiendra probablement que cinq feuilles tout au plus in-8° . J'en prendrai deux cents exemplaires pour les cent écus que vous deviez donner à Lekain ; et je me charge encore une fois de lui donner ces cent écus de ma bourse .

Je vous prie de prendre chez M. d'Argental l'exemplaire corrigé que je viens de lui envoyer . Il y a environ une douzaine de lignes, tout au plus, à porter de cet exemplaire sur le vôtre . Il y a la valeur de quatre-vingt-six vers de corrigés dans toute la pièce . Voyez si vous voulez me faire ce plaisir . On en fait de nouvelles éditions en plusieurs endroits . Vous pouvez aisément tirer cinq cents exemplaires de la nouvelle que je vous demande et, si vous y perdez, je suis prêt à vous dédommager .

Vous m'aviez parlé il y a quelques mois de certains petits chapitres 1 . Il me semble que vous n'avez plus cette idée . Un petit recueil de contes serait peut-être plus aisé à faire . Zadig, Candide, Memnon, Le Bramin et la vieille, La Fée Urgèle etc. pourraient faire deux volumes que vous vendriez bien si je ne me trompe 2 . Mais actuellement je vous demande une nouvelle édition des Scythes . J'attends cela de votre amitié . Il me sera plus flatteur d'être imprimé par vous que par les éditeurs hollandais et par ceux des provinces .

Je finis selon ma coutume par les sentiments de l’amitié, sans formules inutiles .

V.

27è avril 1767. »

2 Ce projet d'un recueil de contes aurait été intéressant, dans la mesure où il aurait permis de voir comment V* concevait le genre, qu'elles limites il lui donnait, etc. Il ne se réalisa pas . On voit seulement ici que V* est disposé à joindre les contes en vers, comme La Fée Urgèle, aux contes en prose .

07/11/2022

Je ne conçois pas, encore une fois, comment ce qui intéresse à la lecture pourrait ne point intéresser au théâtre

... Qui lit encore du théâtre ?

 

Rédigé le 10/11/2022 pour édition le 7/11.

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

27 avril 1767

Je reçois la lettre du 21 d'avril, toute de la main de mon ange. Il doit être bien sûr que je pèse toutes ses raisons; mais je conjure tous les anges du monde, en comptant M. de Thibouville, d'examiner les miennes. J'ai toujours voulu faire d'Obéide une femme qui croit dompter sa passion secrète pour Athamare, qui sacrifie tout à son père, et je n'ai point voulu déshonorer ce sacrifice par la moindre contrainte. Elle s'impose elle-même un joug qu'elle ne puisse jamais secouer; elle se punit elle-même, en épousant Indatire, des sentiments secrets qu'elle éprouve encore pour Athamare, et qu'elle veut étouffer. Athamare est marié; Obéide ne doit pas concevoir la moindre espérance qu'elle puisse être un jour sa femme. Elle doit dérober à tout le monde et à elle-même le penchant criminel et honteux qu'elle sent pour un prince qui n'a persécuté son père que parce qu'il n'a pu déshonorer la fille. Voilà sa situation, voilà son caractère.

Une froide scène entre son père et elle, au premier acte, pour l'engager à se marier avec Indatire, ne serait qu'une malheureuse répétition de la scène d'Argire et d'Aménaïde dans Tancrède, au premier acte. Il est bien plus beau, bien plus théâtral, qu'Obéide prenne d'elle-même sa résolution, puisqu'elle a déjà pris d'elle-même la résolution de fuir Athamare, et de suivre son père dans des déserts. Ce serait avilir ce caractère si neuf et si noble que de la forcer, de quelque manière que ce fût, à épouser Indatire ce serait faire une petite fille d'une héroïne respectable. Un monologue serait pire encore; cela est bon pour Alzire. Mais lorsque, dans son indignation contre Athamare, dans la certitude de ne pouvoir jamais être à lui, dans le plaisir consolant de se livrer à toutes les volontés de son père, dans l'impossibilité où elle croit être de jamais sortir de la Scythie, dans l'opiniâtreté de courage avec laquelle elle s'est fait une nouvelle patrie, elle a conclu ce mariage, qui semble devoir la rendre moins malheureuse, tout à coup elle revoit Athamare, elle le revoit souverain, maître de sa main, et mettant sa couronne à ses pieds alors son âme est déchirée et si tout cela n'est pas théâtral, neuf et touchant, j'avoue que je n'ai aucune connaissance du théâtre, ni du cœur humain.

Je vous répète que, si quelques-unes de vos belles dames de Paris ont trouvé qu'Obéide épousait trop légèrement Indatire, c'est qu'elles ont elles-mêmes jugé trop légèrement; c'est qu'elles ont trop écouté les règles ordinaires du roman, qui veulent qu'une héroïne ne fasse jamais d'infidélité à ce qu'elle aime. Elles n'ont pas démêlé, dans le tapage des premières représentations, qu'Obéide devait détester Athamare, et ne jamais espérer d'être à lui puisqu'il était marié. Elles ont apparemment imaginé qu'Obéide devait savoir qu'Athamare était veuf ce qu'elle ne peut certainement avoir deviné. Il faut laisser à ces très mauvaises critiques le temps de s'évanouir, comme aux critiques de Mèrope, de Zaïre, de Tancrède, et de toutes les autres pièces qui sont restées au théâtre.

Je vois trop évidemment, et je sens avec trop de force, combien je gâterais tout mon ouvrage, pour que je puisse travailler sur un plan si contraire au mien. Je ne conçois pas, encore une fois, comment ce qui intéresse à la lecture pourrait ne point intéresser au théâtre. Je ne dis pas assurément qu'Obéide doive toujours pleurer au contraire, j'ai dit qu'elle devait avoir presque toujours une douleur concentrée, douleur qui vaut bien les larmes, mais qui demande une actrice consommée. J'ai marqué les endroits où elle doit pleurer, et où Mme de La Harpe pleure. C'est à ces vers :

D'une pitié bien juste elle sera frappée,

En voyant de mes pleurs une lettre trempée, etc.

 

Laisse dans ces déserts ta fidèle Obéide.

Ah!... c'est pour mon malheur. ..



Ah! fatal Athamare!

Quel démon t'a conduit dans ce séjour barbare ?

Que t'a fait Obéide ?

etc.

A l'égard des détails, vous les trouverez tout comme vous les désirez.

On veut qu'Athamare soit moins criminel, et moi, je voudrais qu'il fût cent fois plus coupable.

Venons maintenant à ce qui m'est essentiel pour de très fortes raisons : c'est de donner incessamment deux représentations avec tous les changements, qui sont très considérables, de n'annoncer que ces deux représentations, qui probablement vaudront deux bonnes chambrées aux comédiens. Je vous demande en grâce de me procurer cette satisfaction c'est d'ailleurs le seul moyen de savoir à quoi m'en tenir. Je vous envoie un nouvel exemplaire où tout est corrigé, jusqu'aux virgules. Il servira aisément aux comédiens, je leur demande une répétition et deux représentations ce n'est pas trop, et ils me doivent cette complaisance.

J'ajoute encore que, quand cette pièce sera bien jouée (si elle peut l'être), elle doit faire beaucoup plus d'effet à Paris qu'à Fontainebleau. C'est auprès du parterre qu'Indatire doit réussir à la longue, et jamais à la cour.

Je sais bien qu'Athamare n'est point dans le caractère de Lekain, il lui faut du funeste, du pathétique, du terrible. Athamare est un jeune cheval échappé, amoureux comme un fou mais pourvu qu'il mette dans son rôle plus d'empressement qu'il n'y en a mis, tout ira bien, le quatrième et le cinquième acte doivent faire un très grand effet.

Enfin le plus grand plaisir que vous me puissiez faire, dans les circonstances où je me trouve, c'est de me procurer ces deux représentations. Je vous en conjure, mes chers anges quand cela ne servirait qu'à faire crever Fréron, ce serait une très bonne affaire.

J'aurai à M. de Thibouville une obligation que je ne puis exprimer, s'il engage les comédiens à me rendre la justice que je demande. Le rôle d'Indatire ne peut tuer Molé et il me tue s'il ne le joue pas. »

06/11/2022

Nous avons manqué d'ordre, et non pas de vertu. Sur nos frères mourants nous avons combattu

...Je fais des voeux pour que les Ukrainiens n'aient jamais à dire cela .

 

Rédigé le 10/11/2022 pour parution le6/11 .

 

« A Henri Rieu

[vers le 25 avril 1767]

Je vous prie, mon cher corsaire, de me rendre un petit service . On m'écrit pour savoir en quelle année à peu prés le sieur La Beaumelle fut proposant à Genève 1. Voulez-vous bien avoir la bonté de vous en faire informer . Je sais qu'il a prêché dans votre ville, et peut-être a-t-il en effet quelques talents pour la prédication . Vous ne vous mêlez guère, il est vrai, de ce qui concerne ces beaux talents-là , mais vous me feriez plaisir de vous faire informer soit par mademoiselle votre sœur, soit par votre ami l'oncle Colladon, de ce qu'on me demande, et de me mettre à portée de faire une réponse précise .

Votre libraire Pellet me ferait grand plaisir s'il pouvait avoir achevé dans la semaine où nous entrons .

Mme Denis vous fait mille compliments. Dites pour nous les choses les plus tendres à M. Hennin .

Bonjour, mon très cher corsaire ; j'ai la meilleure opinion du monde de votre entreprise .

V.

N. B. – Je ne sais si je vous ai donné ces vers qui doivent être à la page 58 de l'édition Cramer :

Le ciel nous rend justice, et le Scythe est vainqueur :

Tout l'art que ces Persans ont mis dans le carnage

Leur grand art de la guerre enfin cède au courage ;

Nous avons manqué d'ordre, et non pas de vertu.

Sur nos frères mourants nous avons combattu

La moitié des Persans à la mort est livrée etc. »

 

05/11/2022

alors nous parlerons de perruques

... Tenue correcte exigée . A l'Assemblée nationale . La même que pour accéder, de toute éternité, aux salles de jeux des casinos ! Pour les messieurs, actuellement . J'attends la première députée en crop top .

 

Rédigé le 10/11/2022 pour parution le 5/11 .

 

« A Jacob Vernes

Le 25 avril [1767] 1

Mon cher prêtre philosophe et citoyen, je vous envoie deux mémoires des Sirven.

Bénissez Dieu, mon cher huguenot, qui chasse partout les jésuites, et qui rend la Sorbonne ridicule . Il est vrai qu'il traite fort mal le pays de Gex, mais il faut lui pardonner le mal en faveur du bien . Je me suis mis, depuis longtemps, à rire de tout, ne pouvant faire mieux .

Rien ne vous empêche de venir chez nous en passant par Versoix, Gentoux, et Collex, alors nous parlerons de perruques .

Je vous donne ma bénédiction . »

1 Copie Beaumarchais-Kehl, édition de Kehl ; voir note de la lettre du 15 avril 1767 à Vernes : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/10/11/moi-j-ecris-pour-agir-6405883.html

04/11/2022

Il est bien dangereux, pour qui n'a nulle fortune, de n'avoir aucun talent décidé, ni aucun but réel, ni aucun moyen de mériter sa fortune par de vrais services

...Pap Ndiaye sera-t-il capable de contribuer à la réussite de la jeunesse ?

 

Rédigé le 10/11/2022 pour parution le 4/11 .

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

A Ferney, 25è avril 1767

J'ignore, monseigneur, si vous vous amusez encore des spectacles dans votre royaume de Guyenne. Je vous envoie à tout hasard cette nouvelle édition 1 et, en cas que vos occupations vous permettent de jeter les yeux sur cette pièce, la voici telle que nous la jouons sur le théâtre de Ferney.

Je ne sais par quelle heureuse fatalité nous sommes les seuls qui ayons des acteurs dignes des restes de ce beau siècle sur la fin duquel vous êtes né. Nous avons surtout, dans notre retraite de Scythes, un jeune homme nommé M. de La Harpe, dont je crois avoir déjà eu l'honneur de vous parler. Il a remporté deux prix cette année à votre Académie. Il est l'auteur du Comte de Wanvick, tragédie dans laquelle il y a de très beaux morceaux. C'est un jeune homme d'un rare mérite, et qui n'a absolument que ce mérite pour toute fortune. Il a une femme dont la figure est fort au-dessus de celle de M11e Clairon, qui a beaucoup plus d'esprit, et dont la voix est bien plus touchante. Je les ai tous deux chez moi depuis longtemps. Ce sont, à mon gré, les deux meilleurs acteurs que j'aie encore vus. Vous n'avez pas à la Comédie française une seule actrice qui puisse jouer les rôles que Mlle Lecouvreur rendait si intéressants et, hors Lekain, qui n'est excellent que dans Oreste et dans Sémiramis, vous n'avez pas un seul acteur à la Comédie.

MIle Durancy joue, dit-on (et c'est la voix publique), avec toute l'intelligence et tout l'art imaginables. Elle est faite pour remplacer Mlle Dumesnil mais elle ne sait point pleurer, et par conséquent ne fera jamais répandre de larmes.

J'ai vu une trentaine d'acteurs de province qui sont venus dans ma Scytliie en divers temps il n'y en a pas un qui soit seulement capable de jouer un rôle de confident : ce sont des bateleurs faits uniquement pour l'opéra-comique. Tout dégénère en France furieusement, et cependant nous vivons encore sur notre crédit, et on se fait honneur de parler notre langue dans l'Europe.

Nous sommes toujours bloqués dans nos retraites couvertes de neiges. Nous n'avons plus aucune communication avec Genève, et malgré toutes les bontés de M. le. duc de Choiseul, dont j'ai le plus grand besoin, notre pays souffre infiniment. Nous ne pouvons ni vendre nos denrées, ni en acheter. Le pain vaut cinq sous la livre depuis très longtemps. Les saisons conspirent aussi contre nous; et enfin, n'ayant plus ni de quoi nous chauffer, ni de quoi manger, ni de quoi boire, je serai forcé de transporter mes petits pénates et toute ma famille auprès de Lyon, uniquement pour vivre. Je tâcherai d'y mener votre protégé 2, si je m'accommode du château qu'on me propose. Il aura plus de secours pour faire son Histoire du Dauphinè, dont il est toujours entêté, et qui ne sera pas extrêmement intéressante. Je ne sais trop à quoi vous le destinez, ni ce qu'il pourra devenir. Il est bien dangereux, pour qui n'a nulle fortune, de n'avoir aucun talent décidé, ni aucun but réel, ni aucun moyen de mériter sa fortune par de vrais services. Il a une aversion mortelle pour copier et pour faire la fonction de secrétaire, à laquelle je pensais que vous le destiniez. Il n'a point réformé sa main, et j'ai peur qu'il ne soit au nombre de tant de jeunes gens de Paris, qui prétendent à tout, sans être bons à rien. Il est bien loin d'avoir encore des idées nettes, et de se faire un plan régulier de conduite. Je lui recommande cent fois de se faire un caractère lisible pour vous être utile dans votre secrétairerie, de lire de bons livres pour se former le style, d'étudier surtout à fond l'histoire de la pairie et des parlements, d'avoir une teinture des lois, il pourrait par là vous rendre service, aussi bien qu'à M. le duc de Fronsac; mais il vole d'objet en objet, sans s'arrêter à aucun.

Il a fait venir de Paris, à grands frais, des bouquins que l'on ne voudrait pas ramasser. Il achète à Genève tous les libelles dignes de la canaille, et j'ai peur que ses fréquents voyages à Genève ne le gâtent beaucoup. Il est défendu à tous les Français d'y aller. Si vous le jugiez à propos, on prierait le commandant des troupes de ne le pas laisser passer.

J'ai peur encore que sa manière de se présenter et de parler ne soit un obstacle à une profession sérieuse et utile. C'est un grand malheur d'être abandonné à soi-même dans un âge où l'on a besoin de former son extérieur et son âme.

Je m'étonne comment M. le duc de Fronsac ne l'a pas pris pour voyager avec lui il aurait pu en faire un domestique utile. Il a de la bonté pour lui ; l'envie de plaire à un maître aurait pu fixer ce jeune homme. Vous avez daigné l'élever dans votre maison dès son enfance; ce voyage lui aurait fait plus de bien que dix ans de séjour auprès de moi. Il me voit très peu , je ne puis le réduire à aucune étude suivie.

Je vous ai rendu le compte le plus fidèle de tout . Je me recommande à vos bontés, et je vous supplie d'agréer mon respect et mon attachement inviolable.

V. »

 

1 Les Scythes .