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18/10/2009

Cartes de géographie : C’est peut-être le seul art dans lequel les derniers ouvrages sont toujours les meilleurs

 

"Je suis peu au fait des cabales de votre Paris et de votre Versailles " , c'est vrai pour moi qui ces temps -ci me détache nettement de l'actualité, au point, rendez-vous compte, de ne voir Kho lanta que dans la nuit de mardi à mercredi à des heures que connaisssent bien les parents de bébés affamés :

- 2h du mat

- j'ai des frissons

- bébé braille

- il monte le son

- j'me sens tout seul

- tout seul dans mon lit

- maman ravitaille du bout du sein

- le fruit de ses entrailles

- sacré gamin !

 

Sur l'air bien connu : http://www.dailymotion.com/video/x48f42_5-heures-du-mat-j...

avec mes excuses pour le décalage horaire, j'ai le jet lag !

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Et maintenant, sans transition , quelques "pauvres et inutiles vérités philosophiques" d'un modeste penseur du XVIIIème siècle qui me plaisent .

 

 

 

 

 

 

« A Nicolas-Claude Thiriot

 

                            M. Helvetius m’a envoyé son Esprit, mon ancien ami ; ainsi  vous voilà délivré du soin de me le faire parvenir : je ne veux point avoir double esprit comme Élisée. Je suis peu au fait des cabales de votre Paris et de votre Versailles .J’ignore ce qui a excité un si grand soulèvement contre un philosophe estimable qui (à l’exemple de saint Matthieu) a quitté la finance pour suivre la vérité [Helvétius était fermier général ; le privilège pour l’impression, accordé le 12 mai, était révoqué le 12 août, et le censeur J.-P. Tercier qui l’avait accordé avait été destitué . Le livre fut condamné par le Parlement le 6 février 1759 et brûlé le 10 février]. Il ne s’agit dans son livre que de ces pauvres et inutiles vérités philosophiques qui ne font tort à personne, qui sont lues par très peu de gens, et jugées par un plus petit nombre encore en connaissance de cause. Il y a tel homme dont la simple signature, mise au bas d’une pancarte mal écrite, fait plus de mal à une province que tous les livres des philosophes n’en pourront jamais causer. Cependant ce sont ces philosophes, incapables de nuire, qu’on persécute.

 

                            Je ne suis pas de son avis en bien des choses : il s’en faut de beaucoup ; et s’il m’avait consulté, je lui aurais conseillé de faire son livre autrement ; mais tel qu’il est, il y a beaucoup de bon, et je n’y vois rien de dangereux. On dira peut-être que j’ai les yeux gâtés.

 

                            Il faut qu’Helvétius ait quelques ennemis secrets qui aient dénoncé son livre aux sots, et qui aient animé les fanatiques. Dites-moi ce qui lui a attiré un tel orage. Il y a cent choses beaucoup plus fortes dans l’Esprit des lois, et surtout dans les Lettres persanes. Le proverbe est bien vrai qu’il n’y a qu’heur et malheur en ce monde.

 

                            Au lieu de me faire avoir cet Esprit, pourriez-vous avoir la charité de m’indiquer quelque bon atlas nouveau, bien fait, bien net, où mes vieux yeux vissent commodément le théâtre de la guerre, et des misères humaines. Je n’ai que d’anciennes cartes de géographie. C’est peut-être le seul art dans lequel les derniers ouvrages sont toujours les meilleurs. Il n’en est pas de même, à ce que je vois, des pièces de théâtre, des romans, des vers, des ouvrages de morale etc.

 

                            Je dicte ce rogaton, mon cher ami, parce que je suis un peu malade aujourd’hui. Mais j’ai toujours assez de force pour vous assurer de ma main que je vous aime de tout mon cœur.

 

                            V.

                            18 octobre 1758. »

16/10/2009

une plus grande souveraine nommée Mme du Châtelet me rappelle à Paris .

Note rédigée le 23 août 2011 pour parution le 16 octobre 2009

 

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http://www.youtube.com/watch?v=fNabASQ1N5k

 

« A Pierre-Louis Moreau de Maupertuis

membre de toutes les académies de l'Europe

chez M. Moreau de Maupertuis

rue Sainte Anne à Paris

 

A Brunswik 16 octobre 1743

 

J'ai reçu dans mes courses la lettre où mon cher aplatisseur de ce globe 1 daigne se souvenir de moi avec tant d'amitié . Est-il possible que je ne vous aurai jamais vu que comme un météore toujours brillant et toujours fuyant de moi ? n'aurai-je pas la consolation de vous embrasser à Paris ? J'ai fait tous vos compliments à vos amis de Berlin, c'est-à-dire toute la cour, et particulièrement à M. de Valori, vous êtes là comme ailleurs aimé et regretté ; on m'a mené à l'académie de Berlin, où le médecin Eller a fait des expériences par lesquelles il fait croire qu'il change l'eau en air élastique . Mais j'ai été encore plus frappé de l'opéra de Titus 2, qui est un chef-d’œuvre de musique . C'est, sans vanité, une galanterie que le roi m'a faite, ou plutôt à lui ; il a voulu que je l'admirasse dans sa gloire . Sa salle d'opéra est la plus belle de l'Europe . Charlottembourg est un séjour délicieux, Frédéric en fait les honneurs et le roi n'en sait rien . Le roi n'a pas encore fait tout ce qu'il voulait . Mais sa cour, quand il veut bien avoir une cour, respire la magnificence et le plaisir . On vit à Potsdam comme dans le château d'un seigneur français qui a de l'esprit, en dépit du grand bataillon des gardes, qui me paraît le plus terrible bataillon de ce monde . Jordan ressemble toujours à Ragotin 3, mais c'est Ragotin bon garçon et discret avec seize cents écus d'Allemagne de pension . D'Argens est chambellan avec une clé d'or à sa poche, et cent louis dedans payés par mois . Chazot, ce Chazot que vous avez vu maudissant la destinée doit la bénir ; il est major, et a un gros escadron qui lui vaut environ seize mille livres au moins par an . Il l'a bien mérité, ayant sauvé le bagage du roi à la dernière bataille 4. Je pourrais dans ma sphère pacifique jouir aussi des bontés du roi de Prusse, mais vous savez qu'une plus grande souveraine nommée Mme du Châtelet me rappelle à Paris . Je suis comme ces Grecs qui renonçaient à la cour du grand roi pour venir être honnis par le peuple d'Athènes .

 

J'ai passé quelques jours à Bareith . Son Altesse Royale m'a bien parlé de vous 5. Bareith est une retraite délicieuse où on jouit de tout ce qu’une cour a d'agréable sans les incommodités de la grandeur . Brunswik où je suis a une autre espèce de charmes . C'est un voyage céleste où je passe de planète en planète pour revoir enfin ce tumultueux Paris où je serai très malheureux si je ne vois pas l'unique Maupertuis que j'admire et que j'aime pour toute ma vie .

 

V. »


2 Tito Vespasiano, ovvero la Clemenza di Tito, musique de J. A .de Hasse, livret de Metastasio . Dans ses Mémoires, V* écrira qu'il était « mis en musique par le roi lui-même aidé de son compositeur »

http://www.youtube.com/watch?v=fNabASQ1N5k

4 A Chotusitz .

5 Wilhelmine, sœur de Frédéric II, margravine de Bayreuth.

Afin que nous puissions tous être à vos pieds.

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Avant toute chose :
tous mes voeux pour LoveVoltaire et son blog
magnifique
par le contenu et la présentation http://www.monsieurdevoltaire.com/ qui fête aujourd'hui sa première année .
Allez-y, sans hésitation ni murmure, appréciez et suivez son travail de passionné(e) de V*.
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Et qu'il brille encore longtemps !!!

 

 

 

 

 

« A Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de La Tude Clairon

 

                            Belle Melpomène, ma main ne répondra pas à la lettre dont vous m’honorez, parce qu’elle est un peu impotente ; mais mon cœur, qui ne l’est pas, y répondra.

 

                            Raisonnons ensemble, raisonnons.

 

                            Les monologues qui ne sont pas des combats de passions ne peuvent jamais remuer l’âme et la transporter. Un monologue qui n’est et ne peut être que la continuation des mêmes idées et des mêmes sentiments, n’est qu’une pièce nécessaire à l’édifice ; et tout ce qu’on lui demande c’est de ne pas refroidir. Le mieux, sans contredit, dans votre monologue du second acte, est qu’il soit court. On peut faire venir Fanie, et finir par une situation attendrissante. Je tâcherai d’ailleurs de fortifier ce petit morceau ainsi que bien d’autres. On a été forcé de donner Tancrède avant que j’y pusse mettre la dernière main. Cette pièce ne m’a jamais coûté un mois. Vos talents ont sauvé mes défauts ; il est temps de me rendre moins indigne de vous.

 

                            Je ne suis point du tout de votre avis, ma belle Melpomène, sur le petit ornement de la Grève que vous me proposez. Gardez-vous, je vous en conjure, de vouloir rendre la scène française dégoûtante et horrible, et contentez-vous du terrible. N’imitons pas ce qui rend les Anglais odieux. Jamais les Grecs qui entendaient si bien l’appareil du spectacle ne se sont avisés de cette invention de barbares. Quel mérite y a-t-il, s’il vous plait, à faire construire un échafaud par un menuisier ? En quoi cet échafaud se lie-t-il avec l’intrigue ? Il est beau, il est noble de suspendre des armes et des devises ; il en résulte qu’Orbassan voyant le bouclier de Tancrède sans armoiries, et sa cotte d’armes sans faveurs des belles, croit avoir bon marché de son adversaire ; on jette le gage de bataille, on le relève ; tout cela forme une action qui sert au nœud essentiel de la pièce. Mais faire paraître un échafaud pour le seul plaisir d’y mettre quelques valets de bourreau, c’est déshonorer le seul art par lequel les Français se distinguent, c’est immoler la décence à la barbarie ; croyez-en Boileau, qui dit :[d’après L’Art poétique]

Mais il est des objets que l’art judicieux

Doit offrir à l’oreille, et dérober aux yeux.

 

                            Ce grand homme en savait plus que les beaux esprits de nos jours.

 

                            J’ai crié trente ou quarante ans qu’on nous donnât du spectacle dans nos conversations en vers appelées tragédies. Mais je crierais bien davantage si on changeait la scène en place de Grève. Je vous conjure de repousser cette abominable tentation.

 

                            J’enverrai dans quelque temps Tancrède, quand j’aurai pu y travailler à loisir. Car figurez-vous que, dans ma retraite, c’est le loisir qui me manque. Fanime suivra de près [ex Zulime de 1739-1740, future Zulime représentée en 1761-1762]. Nous venons de l’essayer en présence de M. le duc de Villars, de l’intendant de Bourgogne [Le frère de son ennemi Omer Joly de Fleury, venu avec le fils même d’Omer . V* parle à presque tous ses correspondants de leur visite et de l’accueil qu’il leur a fait] et de celui du Languedoc [Jean-Emmanuel de Guignard, vicomte de Saint-Priest]. Il y avait une assemblée très choisie. Votre rôle est plus décent, et par conséquent plus attendrissant qu’il n’était ; vous y mourez d’une manière qu’on ne peut prévoir, et qui a fait un effet terrible, à ce qu’on dit. La pièce est prête. Je vais bientôt donner tous mes soins à Tancrède. Quand vous aurez donné la vie à ces deux pièces, je vous supplierai d’être malade, et de venir vous mettre entre les mains de Tronchin, afin que nous puissions tous être à vos pieds.

 

 

                            Voltaire

                            16 octobre 1760. »

 

 

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Régalez-vous !
Gâteau avec Chantilly, bien évidemment  ;-)

15/10/2009

un grand homme qui n’avait de défaut que d’être femme

D'ici la réouverture du château de Volti au printemps, devrait paraître un ouvrage de la collection Itinéraires du Patrimoine descriptif d'icelui château .

Je sais que le texte est le fruit du labeur d'un voltairien engagé et les photos d'un photographe (tiens, comme c'est curieux ! James ! un photographe-des photos, Derrick n'aurait pas pu déduire mieux .- Je mets Derrick pour faire plaisir à quelqu'un qui en est fan au point de le regarder pendant le travail et qui ne me lira sans doute jamais ! -).

Photographe attentif, attentionné, perfectionniste et qui s'est donné un mal de chien pour donner des documents d'excellente qualité . Il a fini son reportage avec une bise noire (c'est un vent de chez nous , qui vient de Suisse sans déclaration en douane ) à décoller les pixels .

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Comme Volti, et grâce à lui, moi aussi, j'ai trouvé un grand homme en jupon (non, ce n'est pas Jean-Paul Gaulthier, bien qu'il me plaise énormément !!... -dans son domaine de créateur évidemment !- qu'alliez -vous penser ? ).

Si Dieu veut que nous restions amis vingt-cinq ans, je le veux aussi . Elle a toutes les vertus d'un honnête homme (comme moi  :-))  ) et celles d'un' honnêt' femm' , comme elle seule le peut.

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

                            Sire,

                            Je viens de faire un effort dans l’état affreux où je  suis pour écrire à M. d’Argens [Frédéric écrivait le 16 septembre : « Vous avez bien affligé  le pauvre d’Argens en lui imputant des choses qu’il n’a jamais faites. Je ne sais où vous avez pu trouver des choses offensantes dans ses livres, où vous êtes loué à chaque page. »]. J’en ferai bien un autre pour me mettre aux pieds de Votre majesté.

 

                            J’ai perdu un ami de vingt-cinq années [Emilie du Châtelet], un grand homme qui n’avait de  défaut que d’être femme, et que tout Paris regrette et honore. On ne lui a peut-être pas rendu justice pendant sa vie, et vous n’avez peut-être pas jugé d’elle comme vous auriez fait si elle avait eu l’honneur d’être connue de Votre Majesté. Mais une femme qui a été capable de traduire Neuton et Virgile, et qui avait  toutes les vertus d’un honnête homme aura sans doute part à vos regrets.

 

                            L’état où je suis  depuis un mois ne me laisse guère d’espérance de vous revoir jamais, mais je vous dirai hardiment que si vous connaissiez mieux mon cœur, vous pourriez avoir aussi la bonté de regretter un homme qui certainement dans Votre Majesté n’avait aimé que votre personne.

 

                            Vous êtes roi, et par conséquent vous êtes accoutumé à vous défier des hommes. Vous avez pensé par ma dernière lettre, ou que je cherchais  une défaite pour ne pas venir à votre cour, ou que je cherchais un prétexte pour vous demander une légère faveur [le 31 août, il a écrit à Frédéric que le roi Stanislas chez qui il séjournait, était irrité d’être « traité un peu légèrement » dans un passage de l’Antimachiavel ; d’autre part que d’Argens avait imprimé que V* « étai(t) très mal dans (la) cour » de Frédéric. En  conséquence, il demandait à celui-ci de lui  « envoyer une demi-aune de ruban noir », c'est-à-dire l’ordre du mérite prussien : ainsi on «  ne pourrait l’empêcher de courir … remercier » ; « le souverain de Lunéville a besoin de ce prétexte pour n’être pas fâché … de ce voyage » . Frédéric avait répondu le 4 septembre que l’ordre pour le mérite est un ordre militaire qui ne peut se donner à des étrangers et qu’il s’étonnait qu’un philosophe comme V* pensât à de telles bagatelles, et d’autre part qu’il «  serait bien singulier que le roi Stanislas qui n’a jamais abusé de son pouvoir s’en avisât pour (le ) tyranniser ».]. Encore une fois vous ne me connaissez pas. Je vous ai dit la vérité, et la vérité la plus connue à Lunéville. Le roi de Pologne Stanislas est sensiblement affligé, et je vous conjure, Sire, de sa part et en son nom de permettre une nouvelle édition de l'Antimachiavel où l’on adoucira ce que vous avez dit de Charles XII et de lui. Il vous en sera très obligé. C’est le meilleur prince qui soit au monde, c’est le plus passionné de vos admirateurs et j’ose croire que Votre Majesté aura cette condescendance pour sa  sensibilité qui est extrême.

 

                            Il est encore très vrai que je n’aurais jamais pu le quitter pour venir vous faire ma cour dans le temps que vous l’affligiez et qu’il se plaignait de vous. J’imaginai le moyen que je proposai à Votre Majesté. Je crus et je crois encore ce moyen très décent et très convenable. J’ajoute encore que j’aurai dû attendre que Votre Majesté daignât me prévenir elle-même sur la chose dont je prenais la liberté de lui parler. Cette faveur était d’autant plus à sa place que j’ose vous répéter encore ce que je mande à M. d’Argens. Oui, Sire, M. d’Argens a constaté, relevé le bruit qui a couru que vous me retiriez vos bonnes grâces. Oui, il l’a imprimé. Je vous ai allégué cette raison, qu’il aurait dû appuyer lui-même. Il devait vous dire : « Sire, rien n’est plus vrai, ce bruit a couru, j’en ai parlé ; voici l’endroit de mon livre où je l’ai dit [dans les Lettres philosophiques et critiques par mademoiselle Co… avec les réponses de Mr. Ar…  La Haye 1744, où V*  « paraît sous le nom d’Euripide »] ; et il sera digne de la bonté de Votre Majesté de faire cesser ce bruit en appelant pour quelque temps à votre cour un homme qui m’aime et qui vous adore, et en l’honorant d’une marque de votre protection. »

 

                            Mais au lieu de lire attentivement l’endroit de ma lettre à Votre Majesté, où je le citais, au lieu de prendre cette occasion de m’appeler auprès de vous, il me fait un quiproquo où l’on n’entend rien, il me parle de libelles, de querelles d’auteurs, il dit que je me suis plaint à votre Majesté qu’il ait dit de moi des choses injurieuses, en un mot il se trompe et il me gronde et il a tort, car il sait bien, ce que je vous ai dit dans ma lettre [Le 31 août V* écrit : « Il a plu à mon cher Isaac Onis, fort aimable chambellan de Votre Majesté et que j’aime de tout mon cœur, d’imprimer que j’étais très mal dans votre cour. Je ne sais trop sur quoi fondé, mais la chose est moulée, et je le pardonne de tout mon cœur à un homme que je regarde comme le meilleur enfant du monde ; »], que je l’aime de tout mon cœur.

 

                            Mais vous, Sire, avez-vous raison avec moi ? Vous êtes un très grand roi, vous avez donné la paix dans Dresde, votre nom sera grand dans tous les siècles. Mais toute votre gloire et toute votre puissance ne vous mettent pas en droit d’affliger un cœur qui est tout à vous. Quand je me porterais aussi bien que je me porte mal, quand je serais à dix lieues de vos Etats, je ne ferai pas un pas pour aller à la cour d’un  grand homme qui ne m’aimerait point, et qui ne m’enverrait chercher que comme un souverain. Mais si vous me reconnaissiez et si vous aviez pour moi une vraie bonté, j’irais me mettre à vos pieds à Pékin. Je suis sensible, Sire,  et je ne  suis que cela. J’ai peut-être deux jours à vivre, je les passerai à vous admirer, mais à déplorer l’injustice que vous faites à une âme qui était si dévouée à la vôtre, et qui vous aime toujours, comme M. de Fénelon aimait Dieu, pour lui-même. Il ne faut pas que Dieu rebute celui qui lui offre un encens si rare.

 

                            V.

 

Croyez encore, s’il vous plait, que je n’ai pas besoin des petites vanités, et que je ne cherchais que vous seul.

 

                            A Paris ce 15 octobre 1749. »

14/10/2009

les étrennes mignonnes du président

Ne me dites rien !

Le titre de ma note vous laissait espérer autre chose ? Avouez et vous serez déja à moitié pardonné (seulement à moitié, pas de marchandage inutile ! ).

Autre chose, disais-je !

Ah ! oui , la nomination, pour compétence -prévisible , indiscutable et  inéluctable, bien sûr !-, d'un gosse de riche que certains aimeraient placer assez haut pour que le papa reconnaissant fasse un gentil renvoi d'ascenceur ( les amis de mon parti sont mes amis, votez pour moi !).

Les noirceurs de la politique prennent parfois des aspects assez grotesques avec pour emblême (éphémère ) un jeune chevelu (cheveux longs et idées courtes ? )

http://www.youtube.com/watch?v=L0tVWmlRWQY&hl=fr ).

 

J'avais pourtant dans ma charte du blogger, art. 22 ter après le déluge, :"Tu ne jugeras pas les individus (humains) sur leur caractères physiques". Tant pis, toute règle a ses exceptions et j'ai un fils qui cherche du travail honnêtement. Celà vous convient-il ?

 

Par contre, j'ai toujours eu une sympathie particulière pour un chevelu génial qui bien diplômé (lui ! ), ingénieur de bonne qualité, intelligent a mené une vie qui ne doit rien au super-piston :

http://www.youtube.com/watch?v=n3z4sTKn-f0&feature=re...

Chantez et éclatez-vous !

 

Popocatepetl.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

"Il y a une bénédiction sur la poste" :  je crains que cette citation paraisse une provocation en ce moment ; il est vrai que ça date de 256 ans et que pour une fois Volti appréciais l'exactitude de la remise du courrier (ce qui n'était pas le cas trop souvent ).

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Marie-Louise Denis

 

                            Numéro 7, 8 et 9 arrivent tout à la fois, ma chère enfant. L’aventure de Mme Daurade [= Mme Denis] me perce le cœur. Cherier [= V*] m’écrit qu’il se faisait mille chimères agréables . Un instant a tout détruit. Que cette perte prématurée serve au moins à resserrer les nœuds qui unissent leurs cœurs et qu’ils se tiennent lieu l’un à l’autre de ce qu’ils ont perdu.

 

                            Quant à la terre dont vous me parlez [Mme Denis avait proposé à V* de vivre dans la maison de La Curne de Sainte-Pallaye, près d’Auxerre], votre volonté soit faite. Vous voulez donc , ma chère enfant, avoir soin de mes vieux jours. J’ai bien peur que vous n’ayez à faire à un méchant malade . Le bout de mes doigts et le bout de mes pieds  me font de la peine. Je ne sais ce qui se passe à ces deux bouts, mais je serai bientôt à bout, et je verrai le bout des choses . Ma chère enfant, tout me plaira avec vous , et j’attendrai alors très doucement la fin de cette plate carrière.

 

                            Je m’occuperai en attendant de cette histoire [les Annales de l’Histoire] malgré le malheur qui m’arrive d’être prévenu [le 5, il parlait à sa nièce de « deux personnes qui travaillaient chacune de leur côté au même ouvrage » : Pfeffel et « un nommé Richer », Adrien Richer auteur d’un Nouvel Abrégé chronologique de l’histoire des empereurs, qu’il confond, avec Henri Richer, auteur de Fables (Paris 1729 et 1748)]. Elle n’et pas tout à fait dans le goût du président Hénault [« … dans le goût » du Nouvel abrégé chronologique de l’histoire de France du président Hénault]. Elle est plus suivie, plus liée, et je crois que le fond en est plus grand et plus intéressant . Ce que d’Alembert appelle les étrennes mignonnes du président est fait pour être consulté, mais il est impossible de lire cet ouvrage de suite. Je voudrais avoir son exactitude en y mettant un peu plus d’art et d’éloquence et nourrir l’esprit avec la mémoire . Je vous supplie encore de m’envoyer contresigné sous enveloppe de Shoefling le jeune à Colmar tout ce qui est imprimé de cette nouvelle histoire chronologique  d’Allemagne [Il s’agit de M.P.S.D.A.D.S.P.L.R.D.P.E.D.S., Abrégé chronologique de l’histoire et du droit public en Allemagne, de Christian Friedrich Pfeffel von Kriegelstein] chez le libraire Hérissant, rue Saint-Jacques. Cet ouvrage paraîtra peut-être dans un mois, et vous pouvez m’en procurer les prémices par M . de Malesherbes.

 

                            Je prévois que puisque le bruit se répand que je travaille sur le même sujet on s’imaginera d’abord que ce livre imprimé chez Hérissant est de moi . On me fera trop d’honneur. Je vous ai déjà mandé qu’il est un jeune homme qui a été secrétaire du comte de Loos [= le comte Christian Loss, ambassadeur du roi de Pologne] . Il se nomme Fefell, il est de Colmar, et je l’y ai vu en dernier lieu à son passage . Cet homme n’a pas la mine d’être un Tite-Live, mais il pourrait bien être un président Hénault [ le 9 octobre , il écrivait : son histoire « doit être exacte et bien faite » … « l’auteur est élève de M. Schoefling »]. En un mot , envoyez-moi, je vous prie, sa besogne . Je mérite cette petite bonté de M. de Malesherbes puisque voici le testament que je vous confie pour lui.Vous ne souffrirez pas sans doute qu’on en prenne jamais de copie . On travaille toujours à l’exemplaire que vous m’avez demandé . Ce sera un peu plus long [S’agit-il de la réécriture des Lettres de Prusse ? C’était Mme Denis qui avait « conseillé » une œuvre vengeresse, écrivait-il le 3 septembre].La lettre du moine m’ été envoyée telle que vous l’avez lue [Est-ce Frédéric, moine de « l’abbaye » de Potsdam ? Il s’agirait alors de la fameuse lettre rassurante du 23 août 1750]. Je n’y prends ni n’y mets, et je m’en lave les mains .

 

                            Ecrivez-moi toujours à M. Shoefling le jeune sans autre cérémonie . Il sait bien qu’il faut rendre les lettres . Il y a une bénédiction sur la poste puisque les lettres me sont rendues dans mes montagnes . Les déserts de la Thébaïde n’approchent pas de l’endroit où je suis . Je voudrais au moins y jouir d’un peu de santé, mais je n’en ai point, et j’ai pour toute consolation ma  patience .

 

                            Je crois que la tentative de nos deux belles princesses s’en ira en fumée [« La tentative » de médiation entre Frédéric et V* de la duchesse de Saxe-Gotha et de la margravine de Bayreuth ; la duchesse demandait à V* d’écrire une lettre ostensible qui devait être présentée au roi] .On exigeai de moi des démarches que je ne veux point faire . Tout ce qui me fâchera ce sera de mourir avant d’avoir vu Saint-Pierre de Rome et la ville souterraine . Mais si je meurs entre vos bras je serai consolé .

 

                            Je vous prie , ma chère enfant, d’envoyer ce billet à ce chien de lambin, de Lambert.

 

 

                            V.

                            Entre deux montagnes 14 octobre 1753 partira quand pourra.

 

13/10/2009

c’est dommage que je me sois adonné parfois au sérieux

"Mon cœur est tout gros" en caractères gras ! dans un corps mince .

Oubliez ceci ! it's a private joke !

 

Pour la première fois de ma vie, - et allez savoir peut-être la dernière -, j'ai vu une partie de "Questions au gouvernement" à l'Assemblée nationale ce jour .

Je me suis retrouvé avec l'ambiance des amphis de carabins de ma jeunesse (encore très proche , rassurez-vous ;-)) ou craignez-le ,vous qui voulez acheter en viager ) .

Autre chose qui m'a frappé, la quantité de têtes chenues enneigées.

Bien sûr, messieurs en costume et dames en tailleur de belle façon. Mme Guigou déposera sa belle écharpe rouge avant son intervention ; c'est dommage qu'elle n'assumât pas cette note de couleur, donc de gaîté ou de révolte (je ne suis pas dans la confidence  ! )

 

Vous êtes, ô gouttelettes

De mon sang espagnol,

Entre mille fauvettes

Un joyeux rossignol .

 

Je cite ces quelques vers de mémoire, je n'en sais plus l'auteur, je n'en garanti pas l'exactitude, ils me sont venus spontanément en voyant l'écharpe rouge de Mme Guigou qui est plutôt ici un rouge-gorge (Oh ! méandres de l'inconscient ! pourquoi ai-je un faible pour le rouge ?  ...).

 

 

fanime.jpg

 

Ah ! Mam'zelle Wagnière !

Savez-vous que vous êtes adorable ?

C'est bien vous ?

Dans le rôle de Fanime ?

Ah! je comprends mieux ...

 

 

 

« A  Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

                            Madame Scaliger ! Savez-vous bien que vous êtes adorable ? Des lettres de quatre pages ! des mémoires raisonnés ! des bontés de toute espèce ! Mon cœur est tout gros. J’aime mes anges à la folie. Quand je vous ai envoyé des bribes pour Tancrède, imaginez-vous, Madame, qu’on m’essayait un habit de théâtre pour Zopire, et un autre pour Zamti [Zopire dans Mahomet et Zamti dans L’Orphelin de la chine], qu’il fallait compter avec mes ouvriers, faire mes vendanges et mes répétitions. J’écrivais au courant de la plume, et un Tancrède sortait de la place. Cette place n’est pas tenable. Il y avait cent autres incongruités. Je m’en apercevais bien, je les corrigeais quand le courrier est parti. J’envoyais des mémoires à Clairon, je priais qu’on suspendît les représentations, qu’on me donnât du temps. Voilà qui est fait. Tout est fini. Plus de chevalerie. Vous aurez une nouvelle leçon quand vous voudrez. Pour moi je vais jouer le père de Fanime dans deux heures et je vous avertis que je vais faire pleurer. Fanime se tue ; il faut que je vous confie cette anecdote. Mais comment se tue-t-elle ? A mon gré de la manière la plus neuve, la plus touchante. Cette Fanime fait fondre en larmes. Du moins Madame Denis fait cet effet, car ne vous déplaise elle a la voix plus attendrissante que Clairon. Et moi, je vous répète que je vaux cent Sarrasin et que j’ai formé une troupe qui gagnerait fort bien sa vie. Ah ! si nous pouvions jouer devant madame Scaliger ! Mais vous a-t-on envoyé Pierre Ier ? Cela n’est pas si amusant qu’une tragédie. Que ferez-vous de la grande Permie et des Samoyèdes ? Il y a pourtant une préface à faire rire [Dans la préface de son Histoire de Pierre le Grand, il se moque en particulier du mémoire de de Guignes et de la conformité que celui-ci croit voir entre les Egyptiens et les Chinois qui seraient « une colonie égyptienne »]. Et j’ose vous répondre qu’elle vous divertira. Je crois que j’étais né plaisant, et que c’est dommage que je me sois adonné parfois au sérieux.

 

                   Je n’ai point vu les fréronades sur Tancrède [Le compte-rendu de Fréron dans L’Année littéraire qu’il demande incessamment à Thiriot le 27 octobre parce qu’il « y a une bonne âme » -(le prétendu Jérome Carré)- « qui se charge d’en faire un assez plaisant usage » ; le 29 il écrit à Grimm : « Fréron n’a –t-il pas trouvé quelques impiétés dans Tancrède ? »]. Mais je me trompe ou Jérôme Carré est plus plaisant que Fréron. Je me moque un peu du genre humain ; et je fais bien.

 

                            Mais avec cela comme mon cœur est sensible ! comme je suis pénétré de vos bontés ! comme j’aime mes anges ! Je les chéris autant que je déteste ce que vous savez. Mon aversion pour cette infamie [l’Infâme] ne fait que croitre et embellir. M. d’Argental est donc à la campagne ; comment peut-il faire pour ne pas sortir à cinq heures ![pour aller au spectacle] Comment va la santé de M. de Pont-de-Veyle ?[frère de d’Argental]

 

                            M. d’Argental m’a envoyé un quatrain de la muse limonadière [Charlotte Reynier – alias Mme Carré et Mme Bourette – qui tenait un café et écrivait des poèmes . Un recueil de se œuvres avait été publié en 1755 sous le titre de La Muse limonadière. Elle avait écrit un quatrain sur le succès de Tancrède imprimé dans Le Censeur hebdomadaire . Les d’Argental lui offrirent une tasse de la part de V* qui les remerciera le 30 janvier 1761.] . J’imagine qu’on pourrait lui donner une breloque pour les 36 livres de Mme de Courteilles. Quand mon cher ange reviendra-t-il ? Je suis à vos pieds, divine Scaliger.

 

 

                            Nous venons de jouer Fanime  -sa mort ne m’a pas paru si plaisante que je l’espérais – je souhaite seulement que Mlle Clairon joue Fanime aussi bien que Mme Denis.

 

                            Montigny [Fils de Jean-François Mignot de Montigny. Parent de Mme Denis et « commissaire nommé par le conseil pour examiner les sels de la Franche-Comté » ; on sait que V* voulait fonder une compagnie pour la vente du sel en pays de Gex ; cf lettre à De Brosses du 8 février 1760] qui arrive dit qu’il n’y a que notre troupe.

 

 

                            Voltaire

                            13 octobre 1760. »

12/10/2009

un éclat auquel elle ne s’attendait pas ; vous faites parler un Nègre

Lyonnais(es), gones , bougez-vous !

Evènement à ne pas louper !

Allez vite ici : plein les yeux et le plein d'humour en plus.

 

expo kala.jpg

 

 

 

 

 

Vous ne verrez plus la ville comme avant (mais faites gaffe quand même avant de traverser ) !

 

Vous ne pourrez pas le regretter , sinon je vous rembourse (sur la base d'une photocopie du ticket de bus certifiée par votre commissariat ).

http://www.flickr.com/photos/kala69

 

 

 

 

Aux rétrécis du bulbe qui osent encore affirmer que Volti est raciste, -qu'il méprise les Noirs,- et qui le font en tronquant ses écrits (castrateurs castrés que vous êtes ! ), au hasard d'une lecture, cette lettre qui vous renvoie dans les coulisses.

 

Voir ceci , lu et approuvé par Volti :

 

[PDF]

Doigny Du Ponceau (1750-1830). Discours d'un nègre à un Européen ...

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D'UN NEGRE A UN EUROPÉEN.  Tu viens de m'acheter : mais je n'ai pu me vendre. Dans tes fers, de moi feul tu me verras dépendre. Tu trahis la nature, ...
www.congoforum.be/upldocs/1775%20discours.pdf -

 

 

 

 

 

 

« A René-François Chauvin Doigny du Ponceau

 

                            La ville du Mans, Monsieur, n’avait point passé jusqu’ici pour être la ville des bons vers. Vous allez lui donner un éclat auquel elle ne s’attendait pas ; vous faites parler un Nègre [Dans le Discours d’un Nègre à un Européen –Paris 1775- qui a concouru pour le prix de poésie à l’Académie.] comme j’aurais voulu faire parler Zamore [dans Alzire ou les Américains] ; vous m’adressez des vers charmants, et l’Académie a dû être très contente de ceux que vous lui avez envoyés. Je suis fâché seulement que les habitants de la Pennsylvanie après avoir longtemps mérité vos éloges, démentent aujourd’hui leurs principes en levant des troupes contre leur mère patrie [le congrès de Philadelphie vient de nommer Washington commandant en chef des insurgés]; mais vos vers n’en sont pas moins bons. Ils étaient faits apparemment avant que la Pennsylvanie se fût ouvertement déclarée contre le parlement d’Angleterre. Ils méritent toujours l’éloge que vous leurs donnez d’avoir rendu la liberté à la plupart des Nègres qui servaient chez eux. Vous pensez et vous écrivez avec autant d’humanité que de force.

 

                            Agréez, M[onsieur], tous les sentiments d’estime et de reconnaissance avec lesquels un malade de quatre-vingt-deux ans a l’’honneur d’être votre très humble et très obéissant serviteur.

 

 

                            Voltaire

                            12 octobre 1775, à Ferney. »