13/10/2009
c’est dommage que je me sois adonné parfois au sérieux
"Mon cœur est tout gros" en caractères gras ! dans un corps mince .
Oubliez ceci ! it's a private joke !
Pour la première fois de ma vie, - et allez savoir peut-être la dernière -, j'ai vu une partie de "Questions au gouvernement" à l'Assemblée nationale ce jour .
Je me suis retrouvé avec l'ambiance des amphis de carabins de ma jeunesse (encore très proche , rassurez-vous ;-)) ou craignez-le ,vous qui voulez acheter en viager ) .
Autre chose qui m'a frappé, la quantité de têtes chenues enneigées.
Bien sûr, messieurs en costume et dames en tailleur de belle façon. Mme Guigou déposera sa belle écharpe rouge avant son intervention ; c'est dommage qu'elle n'assumât pas cette note de couleur, donc de gaîté ou de révolte (je ne suis pas dans la confidence ! )
Vous êtes, ô gouttelettes
De mon sang espagnol,
Entre mille fauvettes
Un joyeux rossignol .
Je cite ces quelques vers de mémoire, je n'en sais plus l'auteur, je n'en garanti pas l'exactitude, ils me sont venus spontanément en voyant l'écharpe rouge de Mme Guigou qui est plutôt ici un rouge-gorge (Oh ! méandres de l'inconscient ! pourquoi ai-je un faible pour le rouge ? ...).
Ah ! Mam'zelle Wagnière !
Savez-vous que vous êtes adorable ?
C'est bien vous ?
Dans le rôle de Fanime ?
Ah! je comprends mieux ...
« A Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental
Madame Scaliger ! Savez-vous bien que vous êtes adorable ? Des lettres de quatre pages ! des mémoires raisonnés ! des bontés de toute espèce ! Mon cœur est tout gros. J’aime mes anges à la folie. Quand je vous ai envoyé des bribes pour Tancrède, imaginez-vous, Madame, qu’on m’essayait un habit de théâtre pour Zopire, et un autre pour Zamti [Zopire dans Mahomet et Zamti dans L’Orphelin de la chine], qu’il fallait compter avec mes ouvriers, faire mes vendanges et mes répétitions. J’écrivais au courant de la plume, et un Tancrède sortait de la place. Cette place n’est pas tenable. Il y avait cent autres incongruités. Je m’en apercevais bien, je les corrigeais quand le courrier est parti. J’envoyais des mémoires à Clairon, je priais qu’on suspendît les représentations, qu’on me donnât du temps. Voilà qui est fait. Tout est fini. Plus de chevalerie. Vous aurez une nouvelle leçon quand vous voudrez. Pour moi je vais jouer le père de Fanime dans deux heures et je vous avertis que je vais faire pleurer. Fanime se tue ; il faut que je vous confie cette anecdote. Mais comment se tue-t-elle ? A mon gré de la manière la plus neuve, la plus touchante. Cette Fanime fait fondre en larmes. Du moins Madame Denis fait cet effet, car ne vous déplaise elle a la voix plus attendrissante que Clairon. Et moi, je vous répète que je vaux cent Sarrasin et que j’ai formé une troupe qui gagnerait fort bien sa vie. Ah ! si nous pouvions jouer devant madame Scaliger ! Mais vous a-t-on envoyé Pierre Ier ? Cela n’est pas si amusant qu’une tragédie. Que ferez-vous de la grande Permie et des Samoyèdes ? Il y a pourtant une préface à faire rire [Dans la préface de son Histoire de Pierre le Grand, il se moque en particulier du mémoire de de Guignes et de la conformité que celui-ci croit voir entre les Egyptiens et les Chinois qui seraient « une colonie égyptienne »]. Et j’ose vous répondre qu’elle vous divertira. Je crois que j’étais né plaisant, et que c’est dommage que je me sois adonné parfois au sérieux.
Je n’ai point vu les fréronades sur Tancrède [Le compte-rendu de Fréron dans L’Année littéraire qu’il demande incessamment à Thiriot le 27 octobre parce qu’il « y a une bonne âme » -(le prétendu Jérome Carré)- « qui se charge d’en faire un assez plaisant usage » ; le 29 il écrit à Grimm : « Fréron n’a –t-il pas trouvé quelques impiétés dans Tancrède ? »]. Mais je me trompe ou Jérôme Carré est plus plaisant que Fréron. Je me moque un peu du genre humain ; et je fais bien.
Mais avec cela comme mon cœur est sensible ! comme je suis pénétré de vos bontés ! comme j’aime mes anges ! Je les chéris autant que je déteste ce que vous savez. Mon aversion pour cette infamie [l’Infâme] ne fait que croitre et embellir. M. d’Argental est donc à la campagne ; comment peut-il faire pour ne pas sortir à cinq heures ![pour aller au spectacle] Comment va la santé de M. de Pont-de-Veyle ?[frère de d’Argental]
M. d’Argental m’a envoyé un quatrain de la muse limonadière [Charlotte Reynier – alias Mme Carré et Mme Bourette – qui tenait un café et écrivait des poèmes . Un recueil de se œuvres avait été publié en 1755 sous le titre de La Muse limonadière. Elle avait écrit un quatrain sur le succès de Tancrède imprimé dans Le Censeur hebdomadaire . Les d’Argental lui offrirent une tasse de la part de V* qui les remerciera le 30 janvier 1761.] . J’imagine qu’on pourrait lui donner une breloque pour les 36 livres de Mme de Courteilles. Quand mon cher ange reviendra-t-il ? Je suis à vos pieds, divine Scaliger.
Nous venons de jouer Fanime -sa mort ne m’a pas paru si plaisante que je l’espérais – je souhaite seulement que Mlle Clairon joue Fanime aussi bien que Mme Denis.
Montigny [Fils de Jean-François Mignot de Montigny. Parent de Mme Denis et « commissaire nommé par le conseil pour examiner les sels de la Franche-Comté » ; on sait que V* voulait fonder une compagnie pour la vente du sel en pays de Gex ; cf lettre à De Brosses du 8 février 1760] qui arrive dit qu’il n’y a que notre troupe.
Voltaire
13 octobre 1760. »
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