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15/10/2009

un grand homme qui n’avait de défaut que d’être femme

D'ici la réouverture du château de Volti au printemps, devrait paraître un ouvrage de la collection Itinéraires du Patrimoine descriptif d'icelui château .

Je sais que le texte est le fruit du labeur d'un voltairien engagé et les photos d'un photographe (tiens, comme c'est curieux ! James ! un photographe-des photos, Derrick n'aurait pas pu déduire mieux .- Je mets Derrick pour faire plaisir à quelqu'un qui en est fan au point de le regarder pendant le travail et qui ne me lira sans doute jamais ! -).

Photographe attentif, attentionné, perfectionniste et qui s'est donné un mal de chien pour donner des documents d'excellente qualité . Il a fini son reportage avec une bise noire (c'est un vent de chez nous , qui vient de Suisse sans déclaration en douane ) à décoller les pixels .

bise noire.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme Volti, et grâce à lui, moi aussi, j'ai trouvé un grand homme en jupon (non, ce n'est pas Jean-Paul Gaulthier, bien qu'il me plaise énormément !!... -dans son domaine de créateur évidemment !- qu'alliez -vous penser ? ).

Si Dieu veut que nous restions amis vingt-cinq ans, je le veux aussi . Elle a toutes les vertus d'un honnête homme (comme moi  :-))  ) et celles d'un' honnêt' femm' , comme elle seule le peut.

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

                            Sire,

                            Je viens de faire un effort dans l’état affreux où je  suis pour écrire à M. d’Argens [Frédéric écrivait le 16 septembre : « Vous avez bien affligé  le pauvre d’Argens en lui imputant des choses qu’il n’a jamais faites. Je ne sais où vous avez pu trouver des choses offensantes dans ses livres, où vous êtes loué à chaque page. »]. J’en ferai bien un autre pour me mettre aux pieds de Votre majesté.

 

                            J’ai perdu un ami de vingt-cinq années [Emilie du Châtelet], un grand homme qui n’avait de  défaut que d’être femme, et que tout Paris regrette et honore. On ne lui a peut-être pas rendu justice pendant sa vie, et vous n’avez peut-être pas jugé d’elle comme vous auriez fait si elle avait eu l’honneur d’être connue de Votre Majesté. Mais une femme qui a été capable de traduire Neuton et Virgile, et qui avait  toutes les vertus d’un honnête homme aura sans doute part à vos regrets.

 

                            L’état où je suis  depuis un mois ne me laisse guère d’espérance de vous revoir jamais, mais je vous dirai hardiment que si vous connaissiez mieux mon cœur, vous pourriez avoir aussi la bonté de regretter un homme qui certainement dans Votre Majesté n’avait aimé que votre personne.

 

                            Vous êtes roi, et par conséquent vous êtes accoutumé à vous défier des hommes. Vous avez pensé par ma dernière lettre, ou que je cherchais  une défaite pour ne pas venir à votre cour, ou que je cherchais un prétexte pour vous demander une légère faveur [le 31 août, il a écrit à Frédéric que le roi Stanislas chez qui il séjournait, était irrité d’être « traité un peu légèrement » dans un passage de l’Antimachiavel ; d’autre part que d’Argens avait imprimé que V* « étai(t) très mal dans (la) cour » de Frédéric. En  conséquence, il demandait à celui-ci de lui  « envoyer une demi-aune de ruban noir », c'est-à-dire l’ordre du mérite prussien : ainsi on «  ne pourrait l’empêcher de courir … remercier » ; « le souverain de Lunéville a besoin de ce prétexte pour n’être pas fâché … de ce voyage » . Frédéric avait répondu le 4 septembre que l’ordre pour le mérite est un ordre militaire qui ne peut se donner à des étrangers et qu’il s’étonnait qu’un philosophe comme V* pensât à de telles bagatelles, et d’autre part qu’il «  serait bien singulier que le roi Stanislas qui n’a jamais abusé de son pouvoir s’en avisât pour (le ) tyranniser ».]. Encore une fois vous ne me connaissez pas. Je vous ai dit la vérité, et la vérité la plus connue à Lunéville. Le roi de Pologne Stanislas est sensiblement affligé, et je vous conjure, Sire, de sa part et en son nom de permettre une nouvelle édition de l'Antimachiavel où l’on adoucira ce que vous avez dit de Charles XII et de lui. Il vous en sera très obligé. C’est le meilleur prince qui soit au monde, c’est le plus passionné de vos admirateurs et j’ose croire que Votre Majesté aura cette condescendance pour sa  sensibilité qui est extrême.

 

                            Il est encore très vrai que je n’aurais jamais pu le quitter pour venir vous faire ma cour dans le temps que vous l’affligiez et qu’il se plaignait de vous. J’imaginai le moyen que je proposai à Votre Majesté. Je crus et je crois encore ce moyen très décent et très convenable. J’ajoute encore que j’aurai dû attendre que Votre Majesté daignât me prévenir elle-même sur la chose dont je prenais la liberté de lui parler. Cette faveur était d’autant plus à sa place que j’ose vous répéter encore ce que je mande à M. d’Argens. Oui, Sire, M. d’Argens a constaté, relevé le bruit qui a couru que vous me retiriez vos bonnes grâces. Oui, il l’a imprimé. Je vous ai allégué cette raison, qu’il aurait dû appuyer lui-même. Il devait vous dire : « Sire, rien n’est plus vrai, ce bruit a couru, j’en ai parlé ; voici l’endroit de mon livre où je l’ai dit [dans les Lettres philosophiques et critiques par mademoiselle Co… avec les réponses de Mr. Ar…  La Haye 1744, où V*  « paraît sous le nom d’Euripide »] ; et il sera digne de la bonté de Votre Majesté de faire cesser ce bruit en appelant pour quelque temps à votre cour un homme qui m’aime et qui vous adore, et en l’honorant d’une marque de votre protection. »

 

                            Mais au lieu de lire attentivement l’endroit de ma lettre à Votre Majesté, où je le citais, au lieu de prendre cette occasion de m’appeler auprès de vous, il me fait un quiproquo où l’on n’entend rien, il me parle de libelles, de querelles d’auteurs, il dit que je me suis plaint à votre Majesté qu’il ait dit de moi des choses injurieuses, en un mot il se trompe et il me gronde et il a tort, car il sait bien, ce que je vous ai dit dans ma lettre [Le 31 août V* écrit : « Il a plu à mon cher Isaac Onis, fort aimable chambellan de Votre Majesté et que j’aime de tout mon cœur, d’imprimer que j’étais très mal dans votre cour. Je ne sais trop sur quoi fondé, mais la chose est moulée, et je le pardonne de tout mon cœur à un homme que je regarde comme le meilleur enfant du monde ; »], que je l’aime de tout mon cœur.

 

                            Mais vous, Sire, avez-vous raison avec moi ? Vous êtes un très grand roi, vous avez donné la paix dans Dresde, votre nom sera grand dans tous les siècles. Mais toute votre gloire et toute votre puissance ne vous mettent pas en droit d’affliger un cœur qui est tout à vous. Quand je me porterais aussi bien que je me porte mal, quand je serais à dix lieues de vos Etats, je ne ferai pas un pas pour aller à la cour d’un  grand homme qui ne m’aimerait point, et qui ne m’enverrait chercher que comme un souverain. Mais si vous me reconnaissiez et si vous aviez pour moi une vraie bonté, j’irais me mettre à vos pieds à Pékin. Je suis sensible, Sire,  et je ne  suis que cela. J’ai peut-être deux jours à vivre, je les passerai à vous admirer, mais à déplorer l’injustice que vous faites à une âme qui était si dévouée à la vôtre, et qui vous aime toujours, comme M. de Fénelon aimait Dieu, pour lui-même. Il ne faut pas que Dieu rebute celui qui lui offre un encens si rare.

 

                            V.

 

Croyez encore, s’il vous plait, que je n’ai pas besoin des petites vanités, et que je ne cherchais que vous seul.

 

                            A Paris ce 15 octobre 1749. »

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