12/02/2010
nous pourrons avoir incessamment le plaisir de nous ruiner à votre parlement
Il est des rencontres qui laissent au fond de soi un rappel de l'enfance, la joie de créer avec ce qui nous tombe sous la main. Le gaillard entre les mains de qui je vais vous laisser va vous étonner, et le mot est faible . Original ? oui, et je crois même unique au monde !
Et nous avons la chance de l'avoir tout près
« A Claude-Philippe Fyot de La Marche
ancien premier Président de Bourgogne
chez M. de Pont de Veyle
rue du Faubourg Saint-Antoine numéro quatorze [indication de numéro rare à cette époque]
à Paris
12è février [1763] à Ferney
Comme je deviens un tant soit peu aveugle, Monsieur, permettez que j’aie l’honneur de vous écrire par mon clerc. Nous marions demain Mlle Corneille à un Bourguignon fort joli, officier des dragons de son métier, et fils d’un maître des comptes [de Dôle]. Mes anges M. et Mme d’Argental ont si bien fait par toutes leurs bontés, ont tellement suppléé à notre ignorance d’une publication de ban qui devait se faire à Paris, que rien ne nous retarde plus. Un enfant, qu’on dit plus aveugle que moi, et qui est beaucoup plus puissant [Cupidon ! ], se mêle de la cérémonie. Nous avons signé le contrat de mariage ; j’ai usé de la permission que vous m’avez donnée, d’assigner à Mlle Corneille désormais Mme Dupuits, vingt mille livres sur la plus belle terre de Bourgogne. Comme il faut que je fasse apparoir, et que j’annexe au contrat que ces vingt mille livres m’appartiennent, j’ai recours à vos bontés [V* essayait depuis quelque temps mais en vain de faire faire par son vieil ami, une reconnaissance de dettes en bonne et due forme ; il saisit donc l’occasion du contrat].
On nous flatte dans nos déserts que nous pourrons avoir incessamment le plaisir de nous ruiner à votre parlement. Si Mme la comtesse de Pimbêche avait été bourguignonne, elle serait morte de chagrin ces deux années-ci [La comtesse de Pimbèche est la plaideuse invétérée dans les Plaideurs de Racine, ; or, le parlement de Bourgogne, en conflit avec le roi, refusait de juger les procès ].
Je crois qu’on débusquera à la fin les jésuites nos voisins [ceux d’Ornex, à qui V* veut faire rendre la terre qu’ils ont enlevée aux jeunes frères de Crassier] que vous connaissez ; il y en a un pourtant qui fait notre mariage demain à minuit [père Adam]. Je pense qu’il ne leur restera bientôt pour tout bien que les sacrements [La Compagnie a déjà été dissoute par le parlement de Paris et les parlements de province] ; on les lapide au bout de soixante et dix ans avec les pierres de Port-Royal [quelques jours plus tard, V* raconte à Damilaville, et le 25 février aux d’Argental, qu’il « y avait chez (lui), ces jours passés » deux ou trois jésuites « avec une nombreuse compagnie » et qu’on « joua une parade » : il s’était « établi premier président » et avait jugé les jésuites ; la sentence se terminait par : « La cour vous condamne à être lapidés sur le tombeau d’Arnaud avec les pierres de Port-Royal. »].
Conservez-moi vos bontés et agréez mon tendre respect.
V. »
05:58 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fyot, pont de veyle, dupuits, jésuite
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