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15/04/2011

je vous prie de me faire canoniser au plus vite : cela ne coûtera que cent mille écus

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L'amour vache ?

Auréoles sans taches :

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« A Frédéric II, roi de Prusse

 

A Ferney, 27 avril [1770]

 

Sire,

Quand vous étiez malade je l'étais bien aussi, et je faisais même tout comme vous de la prose et des vers, à cela près que mes vers et ma prose ne valaient pas grand-chose ; je conclus que j’étais fait pour vivre et mourir auprès de vous, et qu’il y a eu du malentendu si cela n'est pas arrivé .

 

Me voila capucin pendant que vous êtes jésuite i, c'est encore une raison de plus qui devait me retenir à Berlin ; cependant on dit que frère Ganganelli a condamné mes œuvres ii, ou du moins celles que les libraires vendent sous mon nom .

 

Je vais écrire à Sa Sainteté que je suis très bon catholique, et que je prends Votre Majesté pour mon répondant .

 

Je ne renonce point du tout à mon auréole ; et comme je suis près de mourir d'une fluxion de poitrine, je vous prie de me faire canoniser au plus vite : cela ne coûtera que cent mille écus iii; c'est marché donné .

 

Pour vous, Sire, quand il faudra vous canoniser, on s’adressera à Marc-Aurèle . Vos Dialogues iv sont tout à fait dans son goût comme dans ses principes : je ne sais rien de plus utile . Vous avez trouvé le secret d'être le défenseur, le législateur, l'historien et le précepteur de votre royaume ; tout cela est pourtant vrai ; je défie qu'on en dise autant de Moustapha . Vous devriez bien vous arranger pour attraper quelques dépouilles de ce gros cochon : ce serait rendre service au genre humain .

 

Pendant que l'empire russe et l'empire ottoman se choquent avec un fracas qui retentit jusqu'aux deux bouts du monde, la petite république de Genève est toujours sous les armes ; mon manoir est rempli d'émigrants qui s'y réfugient v. La ville de Jean Calvin n'est pas édifiante pour le moment présent .

 

Je n'ai jamais vu tant de neige et tant de sottises . Je ne verrai bientôt rien de tout cela, car je me meurs .

 

Daignez recevoir la bénédiction de frère François et m'envoyer celle de saint Ignace .

 

Restez un héros sur la terre, et n'abandonnez pas absolument la mémoire d'un homme dont l'âme a toujours été aux pieds de la vôtre . »

 

i Le 6 avril, Frédéric lui écrit : « ... j'apprends que les capucins vous ont choisi pour leur protecteur .. je ne vous le cède pas car les jésuites m'ont pris pour le leur, et si je les soutiens chez moi, St Ignace et St Xavier n'ont qu'à trembler que je ne fourre dans leur niche que St Voltaire et St Frédéric » .

V* dit dans le Précis du siècle de Louis XV que Frédéric a accueilli les jésuites chassés des autres pays parce qu'il les jugeait utiles à l'enseignement des belles lettres et qu'il était assez puissant pour ne pas les redouter . Voir fin du chapitre XXXIII : http://www.voltaire-integral.com/Html/15/12PRECFI.html#i39

ii Dans un bref daté du 1er mars 1770 .

iii Voir sa Canonisation de Saint Cucufin . http://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_Cucufin

Page 255 et suivantes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5781462p/f268.image...

iv Dialogue de morale à l'usage de la jeune noblesse, envoyé le 6 avril à V* . Voir page 158 : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-201476&...

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