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10/04/2009

Je me jette à vos gros et grands pieds

Aujourd'hui, vendredi dit saint, je me permets de vous présenter quelques figures remarquables du clergé catholique au XVIIIème siècle, allant des modestes capucins au pape, en passant par un abbé aux fonctions peu courantes !... Dieu reconnaitra les siens ...

  

 

 

 

 

 

Volti, représentant de luxe en bas de soie et montres, n'imaginait pas qu'un jour les frontaliers proches de Genève seraient le réservoir de main-d'oeuvre pour ce commerce de Genève qu'il ambitionnait de ruiner au profit de Ferney. Sic transit gloria mundi ...

montres ferney.jpg

 

«A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul

 

 

                            Madame,

 

                            En attendant que vous veniez faire votre entrée dans votre nouvelle ville qu’il est si difficile de fonder [Versoix] ; avant que je vous harangue à la tête des capucins [de Gex ; il en est le père temporel]; capucins.jpgavant que je vous présente le vin de ville, le plus détestable vin qu’on ait jamais bu ; avant que je vous affuble du cordon de saint François que je vous dois [V* a fait accorder 600 livres aux capucins de Gex]; avant que je mette mon vieux cœur à vos pieds, pendant que les tracasseries sifflent à vos oreilles ; pendant que des polissons sont sous les armes dans le trou de Genève [violences du 16 février et 7 mars 1770]; pendant que tout le monde fait son jubilé chez les catholiques apostoliques romains           [avènement du pape Clément XIV];Clement-XIV.jpg pendant que votre ami Moustapha tremble d’être détrôné par une femme [Catherine II], je chante en secret ma bienfaitrice dans le fond de mes déserts et comme on ne peut vous écrire que pour vous louer et vous remercier, je vous remercie de ce que vous avez bien voulu faire pour mon gendre Dupuits Corneille [recommandation à son officier supérieur, Bourcet].

 

                            J’ai eu l’insolence d’envoyer à vos pieds et à vos jambes les premiers bas de soie qu’on ait jamais faits dans l’horrible abîme de glaces et de neiges où j’ai eu la sottise de me confiner . J’ai aujourd’hui une insolence beaucoup plus forte. A peine Mgr Atticus Corsicus Pollion [Choiseul, nommé selon la coutume romaine de trois noms] a dit en passant dans son cabinet : « Je consens qu’on reçoive des émigrants », que sur le champ j’ai fait venir des émigrants dans mes chaumières [les Natifs de Genève, pourchassés par les « Bourgeois qui se disent nobles et seigneurs » et qui « assassinèrent quelques Genevois qui ne sont que Natifs. Les confrères des assassinés ne pouvant se réfugier dans la ville [Versoix]…, choisirent mon village de Ferney pour lieu de leur transmigration ; ils se sont répandus aussi dans les villages d’alentour… Ce sont tous d’excellents horlogers… Notre dessein est de ruiner maintenant le commerce de Genève et d’établir celui de Ferney. »], à peine y ont-ils travaillé qu’ils ont fait assez de montres pour en envoyer une petite caisse en Espagne. C’est le commencement d’un très grand commerce (ce qui ne devrait pas déplaire à M. l’abbé Terray) [contrôleur général des finances].abbe terray.jpg J’envoie la caisse à monseigneur le duc par ce courrier afin qu’il voie combien il est aisé de fonder une colonie quand on le veut bien. Nous aurons dans trois mois de quoi remplir sept ou huit autres caisses, nous aurons des montres dignes d’être à votre ceinture, et Homère ne sera pas le seul qui aura parlé de cette ceinture [ceinture de Vénus].

 

                            Je me jette à vos gros et grands pieds [à la demande de V* qui voulait une chaussure pour les mesures de bas de soie, la duchesse avait envoyé un soulier démesuré] pour vous conjurer de favoriser cet envoi, pour que cette petite caisse parte sans délai pour Cadix, soit par l’air soit par la mer, pour que notre protecteur, notre fondateur daigne donner les ordres les plus précis. J’écris passionnément à M. de La Ponce [secrétaire de Choiseul] pour cette affaire, dont dépend absolument un commerce de plus de  cent mille écus par an. Je glisse même dans mon paquet un placet pour le roi. J’en présenterais un à Dieu, au diable, s’il y avait un diable, mais j’aime mieux présenter celui-ci aux Grâces.

 

O Grâces, protégez-nous !

 

C’est à vous qu’il faut s’adresser en vers et en prose.

 

                            Agréez, Madame, le profond respect, la reconnaissance, le zèle, l’impatience, les sentiments excessifs de votre très, humble et très obligé serviteur

 

                            Frère François

                            capucin plus indigne que jamais V…

 

                            9 avril 1770 à Ferney. »                           

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