Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/01/2016

ce livre avec tous ses défauts sera toujours cher à la nation . On y parle continuellement contre trois choses que le public n'aime guère, le despotisme, les prêtres et les impôts

... Beau trio qui tente de nous gouverner au quotidien et auquel on tente d'échapper par tous les moyens .

 

« A Louise-Marie-Madeleine Dupin

A Ferney, 19 janvier [1761] 1

Madame, vous avez envoyé un livre à un aveugle, j'ai presque entièrement perdu la vue . Ce désastre m'arrive tous les ans dans le temps des neiges . J'ai profité du temps où je voyais un peu clair pour lire le premier volume, et je vous fais très sincères remerciements . L'ouvrage me paraît sage et bien fait . J'ai toujours été de l’avis de l'auteur ; j'ai toujours pensé que L'Esprit des lois est plein d'imagination et de saillies, qu'il y a des morceaux très amusants ; que l'auteur se trompe trop souvent, que presque toutes ses citations sont fausses, et qu'enfin Mme du Deffand a eu raison de dire que c'est de l'esprit sur les lois, et non pas l'esprit des lois . Mais ce livre avec tous ses défauts sera toujours cher à la nation . On y parle continuellement contre trois choses que le public n'aime guère, le despotisme, les prêtres et les impôts . Joignez à cela une grande quantité d'épigrammes : sa fortune était sûre . Mais les gens instruits ne s'y sont pas laissé tromper ; ils en ont découvert toutes les erreurs .

Je vous garderai le secret , madame, sur la faveur que vous m’avez faite, et je n'en serai que plus reconnaissant .
Vous êtes, madame, à la tête du petit nombre de personnes que je regrette dans ma retraite ; personne n'a été plus touché que moi de la solidité et des grâces de votre esprit ; personne n'a été plus charmé de la bonté de votre caractère .

J'ai renoncé au monde, mais dans le marché que j'ai fait avec la philosophie, j'ai stipulé que je penserais souvent à vous : j'ai toujours tenu parole . Ma nièce à qui vous conservez tant de bonté est aussi sensible que moi à votre souvenir : elle jouira du bonheur de vous revoir ; c'est une félicité à laquelle mon âge et les maladies qui m'accablent ne me permettent pas de prétendre .

Mais jusqu’au dernier moment de ma vie je serai avec le plus respectueux attachement;madame, votre très humble et très obéissant serviteur .

L'ermite de Ferney . »

 

1 L'édition Portefeuille Dupin, date la lettre de 1771 ce qui est invraisemblable car faisant suite à celle du 22 mai 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/05/22/les-petites-guerres-intestines-qu-on-se-fait-a-paris-sont-aussi-plates-que.html

Cependant en 1761 V* ne se plaint pas encore comme il le le fera plus tard, de l'effet de la neige sur ses yeux ; en outre le manuscrit de cette lettre ne figurait pas parmi ceux qui passèrent à la vente de la comtesse de Montgermont . Il y a là des évènements qui font penser, sinon à un apocryphe, du moins à une lettre retouchée .

 

Les commentaires sont fermés.