12/02/2016
Je ne vois point le bout de nos malheurs, mais je songe actuellement à du sucre
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"A Jean-Robert Tronchin
Banquier
à Lyon
Un tant soit peu de goutte au poignet droit, mon très cher correspondant, me prive du petit agrément de vous écrire de ma maigre main . Huile et pâté viendront quand ils pourront ; Mme Denis, M. de Chimène et Mlle Corneille vous font mille compliments . Je ne vois point le bout de nos malheurs, mais je songe actuellement à du sucre . J'ai fait venir des épiceries de Hollande par le Rhin ; mais j'ignore s'il vaut mieux tirer le sucre de Hollande que de France ; je soupçonne qu'il doit être très cher chez vous 1. Mandez-moi je vous prie ce qui en est, et conseillez-moi ; c'est une bagatelle , je le sais, mais comme j'aime l'économie dans une grosse maison, cela donne l'air d'un père de famille ; on dit, voilà un homme bien entendu, il fait venir vingt quintaux de sucre de Hollande quand il est trop cher en France, il fera une bonne maison .
Je n'avais pas cru que M. Tourton, qui doit payer au 1er janvier, fût homme à différer jusqu'au milieu de février ; cela n'est pas d'un homme supérieur dans son état tel qu'il devrait l'être ; en tout cas, le délai est médiocre, et j'espère bientôt boucher quelques trous . Je tâcherai, en bâtissant des retraites agréables, de ne me point ruiner . Je vous embrasse tendrement, vous savez à quel point je vous suis dévoué . Mille amitiés à tout ce qui vous entoure .
V.
Aux Délices 14è février 1761. »
1 16 sous tournois la livre à Paris pour le sucre blanc ; voir : https://books.google.fr/books?id=QDwChpY3oxUC&pg=PA491&lpg=PA491&dq=prix+du+sucre+en+france+en+1761&source=bl&ots=pKudZN_akR&sig=dTInJfmAEwZKt0fNDsaMx5DsN70&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjyhOvG8O_KAhXD-Q4KHUuUCoMQ6AEIIDAB#v=onepage&q=prix%20du%20sucre%20en%20france%20en%201761&f=false
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