11/02/2016
Chacun se peint dans ses romans
... Mais pour autant on peut opter pour la peinture réaliste, hyperréaliste, ou abstraite .
Quelle est l'option de Nicolas dans son autobiographie qui en cache plus qu'elle n'en révèle ? Je crois bien qu'il correspond au précepteur de La nouvelle Héloïse croqué par Voltaire, se payant sur pièce (ou sur la bête , si j'ose dire), l'un sur son élève, l'autre se gavant de nos impôts .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental, envoyé
de Parme etc.
rue de la Sourdière
à Paris
11è février 1761
Voilà le cas de mourir . Tout abandonne V. V. a écrit deux lettres à M. le duc de Choiseul 1: point de réponse . Je lui pardonne, il est surchargé . Petit-fils Prault n'a pas daigné m'envoyer un Tancrède . Je ne lui pardonne pas . Mais que mes anges ne m'instruisent ni de la santé de Mlle Clairon, ni d'aucune particularité du tripot, ni du retour de M. de Richelieu, ni de la façon dont certaine épître dédicatoire a été reçue 2, ni de l'unique représentation de la chevalerie 3, ni du Père de famille 4, c'est là le comble du malheur . À quoi dois-je attribuer ce détestable silence ? Mon cher ange a-t-il toujours mal aux yeux, comme moi à tout mon corps ? Le secrétaire que je préfère à tous les secrétaires d’État serait-il malade ?5 ou serait-elle malade ? Mes anges sont-ils absorbés dans la lecture du roman de Jean-Jacques ou de celui de La Popelinière ? Chacun se peint dans ses romans . Le héros de La Popelinière est un homme auquel il faut un sérail : celui de Jean-Jacques est un précepteur qui prend le pucelage de son écolière pour ses gages . Si jamais M. d'Argental fait un roman,il prendra pour son héros un homme aimable qui saura aimer, mais qui laissera languir son ancien ami dans l'attente d'une de ses lettres . Hélas, j'écris ; mais avec bien de la peine ; ma main pèse deux cents livres, ma tête aussi . Je ne sais ce que j'ai . Vraiment je suis bien loin de faire une tragédie . La vie est trop courte . Puisse la vôtre être bien longue, ô mes divins anges .
V. »
1 Ces deux lettres ne sont pas connues .
2 Dédicace de Tancrède à Mme de Pompadour .
3 Représentation du 26 janvier 1761 ; voir lettre du 25 janvier 1761 à Damilaville et Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/01/24/point-de-roman-de-jean-jacques-s-il-vous-plait-je-l-ai-lu-po-5749540.html
4 Ibid .
5 La comtesse d'Argental, que V. appelle couramment Mme Scaliger .
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