04/08/2016
assurer l'honneur de rendre notre langue, la langue des étrangers, et puisque c'est la seule gloire qui nous reste, il ne faut pas la négliger
... Parler français, j'espère qu'on l'entendra depuis Rio, et pas seulement dans les sports où c'est officiel .
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Tchin tchin !
« A Jean Pâris de Montmartel
Au château de Ferney, par Genève
27è august 1761
Monsieur, deux jours avant que je reçusse l'honneur de votre lettre du 20è auguste 1, j'en reçus une de monsieur le contrôleur général, dans laquelle il me disait que vu les difficulté des temps, il ne pouvait me donner que des billets royaux . Je n'ai que trop de ces effets, ayant mis malheureusement en billets de loterie, en annuités, etc., la plus grande partie du bien dont je pouvais disposer . On ne s’attendait pas alors aux revers funestes qui nous ont accablés . Je conçois quel est le fardeau de monsieur le contrôleur général, surtout quel est le vôtre . Je sens bien que mon entreprise serait plus convenable en temps de paix, quelque médiocre qu’elle soit, et s'il ne s'agissait que d'attendre quelques mois cette paix si nécessaire, je différerais l'exécution de mes engagements . Mais ma proposition a été reçue avec tant d'empressement dans toute l'Europe, que je ne peux différer longtemps .
L'entreprise est assez honorable pour la nation . Elle contribue à nous assurer l'honneur de rendre notre langue, la langue des étrangers, et puisque c'est la seule gloire qui nous reste, il ne faut pas la négliger .
Permettez-moi donc de vous importuner encore, pour savoir quels effets je pourrais prendre . Je supporterais volontiers la perte qu'on pourrait y faire ; et vous pourriez aisément avoir la bonté de faire cet arrangement . Ne pourrait-on pas, par exemple, me donner pour quatre cents louis d'effets, pour m'être délivrés dans six mois ? Ces effets demeureraient entre vos mains .
En ce cas, ne pourriez-vous pas avoir la bonté de fournir pour trois cents louis de billets, payables dans trois termes, cent louis dans trois mois, cent dans six mois, et cent dans neuf ? Je me rendrais même responsable de ces trois cents louis, et l'on tirerait des cent autres ce qu'on pourrait . C'est un objet bien médiocre .
Mais l'entreprise qu'on se propose, étant d'environ cinquante mille francs , et ayant résolu de ne pas recevoir un sou du public avant l'exécution, nous sommes obligés de nous assurer quelques secours . Je vous demande en grâce que la modicité de l'objet ne vous rebute pas, vous ferez une très belle action dont le public vous saura gré ; c'est une chose à laquelle vous êtes accoutumé .
Je suis bien aise de vous dire une petite anecdote ; c'est que le plus grand et le plus solide protecteur qu'ait eu Corneille de son vivant, était comme vous garde du trésor royal ; il s'appelait M. de Montauron 2. Je suis persuadé que vous pensez comme lui, et vous en avez donné des preuves . Vous me ferez un plaisir extrême de prendre cette bagatelle à cœur ; vous en aurez de la gloire, et il en coûtera peu d'argent , c'est faire un bon marché . Rien de vous est plus aisé que de voir quels effets royaux je peux prendre, et de vous arranger en conséquence .
Pardonnez-moi mon importunité, et la longueur de ma lettre, et comptez que je serai toute ma vie, avec la plus tendre reconnaissance, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .
Voltaire . »
1 Cette lettre n'est pas connue .
2 C'est à Pierre-Puget de Montauron, trésorier de l'épargne, qui « par une libéralité inouïe en ce siècle s'est rendu toutes le smuses redevables », que Corneille dédia Cinna .Voir page 123 : https://books.google.fr/books?id=KoMOAAAAQAAJ&pg=RA1-PA123&lpg=RA1-PA123&dq=montauron&source=bl&ots=AIwJhPIMtN&sig=LftFbV0zs8tw5XQ8AMZ2MPmiEqU&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiame6MpabOAhXE0RoKHeDyARsQ6AEIKzAB#v=onepage&q=montauron&f=false
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