30/11/2016
Qui ? Moi, n'en pas passer par ce que vous daigneriez ordonner !
... Dit en rougissant Manuel Valls à son patron-président-sur-siège-éjectable .
« A Jean-Philippe Fyot de La Marche
A Ferney, 25 novembre 1761
Monsieur,
Qui ? Moi, n'en pas passer par ce que vous daigneriez ordonner ! Ah ! mon blanc-seing est ma réponse . Je suis confus et reconnaissant, mais je ne suis point étonné . Je ne le suis, monsieur , que des procédés de M. De Brosses dont je n'avais vu d'exemple ni dans les terres australes, ni chez les fétiches . Tout cela me paraissait anti-président et anti-littéraire . M. Fargès ou Fargesse , le maître des requêtes, qui est à peu près son oncle 1 et qui a passé chez moi, a paru émerveillé de cette affaire, et a bien promis d'interposer son autorité d’oncle, attendu qu'il est d'une ligne plus haut que son neveu . Mais, monsieur, je compte encore plus sur l'autorité de votre raison et de votre vertu .
Que M. De Brosses me permette de me laisser vivre et mourir gaiement, c'est tout ce que je lui demande . Il m'a fait cent reproches . Il s'est brouillé avec le conseil, pour un demi-arpent dont la justice appartient évidemment au roi, et qu'il a voulu avoir à mes dépens . Ce n'est pas de cette façon qu'il sera premier président de Besançon . Enfin qu'il oublie toutes ces misères, indignes de sa place . Il m'a vendu cher ses coquilles 2. C'est bien assez . Il a mon argent et je lui demande son amitié pour le vin du marché .
J'ai bien peur après l’œuvre des six jours de dire aussi poenituit fecise 3. Mais si j'avais votre suffrage, je ne me repentirais assurément pas .
Je suis avec un profond respect et une vive reconnaissance, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Il était son cousin, car sa tante Marie-Charlotte de Fargès était la mère de Mme De Brosses, née François Castel de Saint-Pierre-Crèvecoeur . François de Fargès écrivait la veille à Mme Denis : « Ma négociation a été fort difficile, madame ; j'ai trouvé M. De Brosses et toute sa famille très ulcérés de la lettre que M. de Voltaire lui a écrite et surtout de la publicité qu'il y a mise ; car M. de Brosses est instruit que monsieur votre oncle en a envoyé des copies […] il consent qu'il ne soit plus question des moules de bois qui font l'objet de la contestation ; il en tiendra compte à l'homme dont M. de Voltaire les a pris, pourvu que M. de Voltaire veuille bien vous promettre d'en distribuer la valeur dans le courant de l'hiver aux pauvres de la paroisse de Tournay […] A l'égard du procès-verbal concernant les dégradations dont M. de Brosses se plaint, il l'a fait plutôt pour en empêcher de nouvelles, que dans le dessein de faire aucune poursuite, moins encore dans le projet odieux de vous ruiner un jour ; et le propos que l'on fait tenir à cet égard est une imposture . Il veut bien encore […] promettre de ne faire aucune poursuite en conséquence de ce procès-verbal, sous la condition expresse, et sans laquelle sa promesse sera rétractée, qu'il n'en sera plus fait à l'avenir, que M. de Voltaire laissera exactement le nombre d'arbres, par poses prescrit dans le contrat sans rien intervertir à cet égard [...] [qu']il tiendra en défense des bestiaux les coupes nouvelles, pour ne pas empêcher les bois de revenir ; qu'il fera recéper et mettre en bonne revenue ce qui pourrait avoir été brouté par les bestiaux dans l’intervalle de sa jouissance [...]Enfin , madame, qu'il ne soit plus question du passé, et qu'à l'avenir, l'entière exécution des actes assure et maintienne la bonne intelligence que M. De Brosses désire, qu'il ne rompra jamais par sa faute […]. »
2 Formule faisant allusion à l'expression proverbiale A qui vendez-vous vos coquilles ? A ceux qui viennent de St Michel ? laquelle se dit à ceux qui offrent des choses dont on n'a que faire ; elle joue en même temps sur le fait que De Brosses a écrit un livre sur les coquillages fossilisés .
3 Voir lettre du 23 novembre 1761 à Bernis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/11/28/2-5880437.html
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