12/05/2020
le tyran est toujours dans une colère à faire pouffer de rire
... Donald Trump correspond tout à fait au constat ci-dessus .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
27 février 1765
Mon cher ange, il y a des monstres, et ce Vergy est un des plus plats monstres qui aient jamais existé. Ses horribles impertinences sont déjà oubliées pour jamais. C’est le sort de tous ces malheureux qui se croient quelque chose, parce qu’ils ont appris à lire et à écrire, et qu’ils ne savent pas que la condition d’un honnête laquais est infiniment supérieure à leur état.
Je fais toujours d’humbles représentations au tyran du tripot. En vérité je commence à croire qu’il n’y a point d’autres fondements de vos querelles que la concurrence du pouvoir suprême. Il me paraît ulcéré de ce que je me suis adressé à vous, et non pas à lui, dans le temps que vous étiez à Paris et lui à Bordeaux. J’ai nié fortement, j’ai soutenu que j’avais envoyé à Grandval, sous son bon plaisir, les provisions des dignités comiques. Ce procès ne finit point ; le tyran est toujours dans une colère à faire pouffer de rire. Je soutiens mon bon droit avec une véhémence douloureuse et pathétique ; et je ne désespère pas qu’à la fin mon innocence ne l’emporte sur sa tyrannie.
Oserais-je vous supplier, mon divin ange, de dire à M. de Belloy combien je suis enchanté de son succès ? Vous souvenez-vous d’une mademoiselle de Choiseul qui, étant près de mourir, et ne pouvant plus coucher avec son amant, pria une de ses amies de coucher avec le sien en sa présence, afin de voir deux heureux avant sa mort ? Je suis à peu près dans ce cas ; je baisse à un point que cela fait pitié. J’ai actuellement chez moi, pour me ragaillardir, un jeune M. de Villette qui sait tous les vers qu’on ait jamais faits, et qui en fait lui-même, qui chante, qui contrefait son prochain fort plaisamment, qui fait des contes, qui est pantomime, qui réjouirais jusqu’aux habitants de la triste Genève. Dieu m’a envoyé ce jeune homme pour me consoler dans mon dépérissement et pour égayer ma décrépitude. Le nombre d’originaux qui me passent par les mains est inconcevable. Quand je considère les montagnes de neige dont je suis environné de tous côtés, je n’imagine pas comment les gens aimables peuvent aborder. Voilà assurément une drôle de destinée.
Avouez-moi donc que madame d’Argental ne tousse plus. Tout le monde tousse dans mon pays. Nous sommes en Sibérie l’hiver, et à Naples l’été.
J’ai été bien attendri du mémoire d’Elie. J’espère que David paiera pour le parlement de Toulouse 1. Tous les David 2 m’ont toujours paru de méchantes gens. Savez-vous bien que j’ai encore sur les bras une aventure pareille 3? Mais comme on n’a été roué cette fois-ci qu’en effigie, et qu’il n’y a qu’une famille entière réduite à la dernière misère, cela ne vaut pas la peine qu’on en parle.
Je rends grâces à M. Marin d’avoir renvoyé mes secrets 4 en Hollande . Je crois que son respect pour vous n’y a pas peu contribué.
Mes divins anges, respect et tendresse.
Je crains toujours que mon maudit curé ne me joue quelque tour pour mes dîmes.
V.»
1 Voir lettre du 13 avril 1765 à Damilaville et le rôle de David de Beaudrigue, capitoul de Toulouse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Calas
Voir aussi : http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/proces-historiques-10411/laffaire-calas-22774.html
et , pourquoi pas : https://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1932_num_44_175_5145
2 Le roi David, les libraire David, le capitoul David, etc.
3 Élisabeth, une des filles de Pierre-Paul Sirven avait été remise entre les mains de Jean-Sébastien de Barral, évêque de Castres qui tenta par la violence de la convertir au catholicisme . Devenue folle, remise en liberté, elle fut plus tard retrouvée morte dans un puits le 4 janvier 1762 . Le précédent de l'affaire Calas jouant, les Sirven furent accusés du meurtre . Le père et la mère, née Antoinette Léger, furent condamnés à mort par contumace, et leurs filles à l'exil . Tous purent s'échapper, non sans peine, et trouvèrent refuge à Ferney . V* ne put obtenir leur réhabilitation qu'en 1767 ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Sirven
4 Marin en sa qualité de censeur a refusé la permission de débiter Les Lettres secrètes à Paris .
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