08/07/2020
Les uns lui conseillent de prendre les juges à partie, les autres non, et moi je ne lui conseille ni l'un ni l'autre
... Et voici l'avis de l'intéressé :
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ArgentaI
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'ArgentaI
1er avril 1765 à Ferney
Mes divins anges, je m'adresse à vous quand il faut remplir mes devoirs . M. de Belloy m'a envoyé son drame ; vous avez permis que ma première lettre passât par vos mains , je demande la même grâce pour la seconde 1. Vous m'avouerez que le petit ex-jésuite entendrait bien mal ses intérêts s'il avait de l'empressement .
J'ai eu l'honneur de vous envoyer trois feuilles d'un ouvrage qui m'est tombé entre les mains, mais comme je n'ai reçu aucun ordre de vous je n'ai pas continué les envois . Cet ouvrage pourtant, m'a paru curieux et digne de vous amuser quelques moments .
La pauvre veuve Calas n' a point encore reçu du roi de dédommagement pour la roue de son mari . Je ne sais pas au juste la valeur d'une roue, mais je crois que cela doit être cher . Les uns lui conseillent de prendre les juges à partie, les autres non, et moi je ne lui conseille ni l'un ni l'autre . Mon avis est qu'elle fasse pressentir M. le vice-chancelier et M. le contrôleur général , de peur de faire une démarche qui pourrait déplaire à la cour , et affaiblir la bonne volonté du roi .
Vous devez mes divins anges avoir reçu deux gros paquets, l'un par M. Devillars, capitaine aux gardes suisses ; l'autre par M. de Châteauvieux, autre capitaine .
Les bagatelles qu'ils renferment sont pour vous et pour M. Damilaville . J'ai envoyé tout ce que j'avais, il n'y en a plus ; on en refait d'autres ; tout le monde devient honnête de jour en jour .
Je ne sais nulle nouvelle du tripot, ni du tyran du tripot, il a un fonds d'humeur où je ne conçois rien . Mes divins anges, prenez-moi sous votre protection dans ce saint temps de Pâques, et daignez me mander je vous en conjure, si vous avez reçu les petites drôleries en question .
Toute ma petite famille se met au bout de vos ailes .
Mes divins anges, je n'entends plus parler des dîmes, cela nous inquiète un peu, maman et moi . »
1 Voir lettres du 6 mars 1765 à de Belloy et à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/05/20/je-joins-de-loin-mes-acclamations-a-celles-de-tout-paris-6240095.html
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Lisez, jugez, arrangez-vous , et voyez ce qu'il faut que je réponde
... Eric Dupond-Moretti a-t-il consulté ainsi quelqu'un avant de rendre réponse à une offre de poste ministériel ? J'en doute, compte tenu de l'orgueil du bestiau ( ours mâtiné de pitbull , selon moi ), grande gueule par nature et par profession .
« A Théodore Tronchin
[mars-avril 1765]1
Je vous envoie, mon très cher Esculape, la lettre de M. le duc de La Vallière . Lisez, jugez, arrangez-vous , et voyez ce qu'il faut que je réponde . Je ne sais s'il convient à monsieur Tronchin le conseiller d’État de louer les Délices pour quelques mois .
J'ai toujours sur le cœur l'honneur que nous a fait Mme de Gourgue 2 de venir à Ferney . Mme Denis et moi nous étions très malades, et nous ne pûmes peut-être répondre comme nous le voulions aux bontés de Mme de Gourgue . Vous pouvez compter mon cher ami, que je ne passe pas un seul jour sans souffrir . Je ne peux opposer à mes maux qu'une entière résignation ; mais cette résignation ne suffit pas pour bien faire les honneurs de sa maison .
Je vous demande en grâce de vouloir bien faire ma cour à Mme de Gourgue dont je connais tout le mérite, et à la santé de laquelle je m'intéresse infiniment .
Je sais que le bâtard du chien de Diogène n'a pas dit des choses agréables de vous et de moi à Mme de Luxembourg . Esculape était peint avec un serpent à ses pieds . C'était apparemment quelque Jean-Jacques qui voulait lui mordre le talon . Il faut avouer que ce malheureux est un monstre, et cependant, s'il avait besoin de vos secours vous lui en donneriez . Quelle différence, grand Dieu, d'un Tronchin à un Jean-Jacques.
V.
Tâchez, je vous prie, de me rendre une réponse prompte chez M. Souchay, afin que je puisse satisfaire l'impatience de M. le duc de La Vallière . »
1 L'édition Cayrol place la lettre en mars 1765 ; mais le duc ne pouvait alors savoir que V* quittait les Délices . Par ailleurs , le 3 septembre 1766, V* dit à Théodore Tronchin qu'il n'a pas écrit à La Vallière depuis plus d'un an .
2 Voir lettre du 25 mars 1765 à Théodore Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/06/28/sept-cent-mille-tetes-absurdes-l-emporteront-sur-cinquante-tetes-bien-faite.html
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