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13/08/2020

Sans concourir au bien, prôner la bienfaisance !

...Paradoxal ! non ? Faites ce que je dis, etc., ... Les exemples abondent, chacun en connait, et chacun le pratique un jour ou l'autre . Il faut juste ne pas en abuser si on veut que le monde reste vivable  .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

24è avril 1765 1

En réponse à votre lettre du 18, mon cher frère, j’embrasse tendrement Platon-Diderot. Par ma foi, j’embrasse aussi l’impératrice de toute Russie . Aurait-on soupçonné, il y a cinquante ans, qu’un jour les Scythes récompenseraient si noblement dans Paris la vertu, la science, la philosophie, si indignement traitées parmi nous ? Illustre Diderot, recevez les transports de ma joie.

Je ne peux faire la moindre attention aux tracasseries de la Comédie . Cela peut amuser Paris ; pour moi, je suis rempli d’autres idées . La générosité russe, la justice rendue aux Calas, celle qu’on va rendre aux Sirven, saisissent toutes les puissances de mon âme. On travaille à force à la condamnation du cuistre théologien dénonciateur, sot, et fripon 2 . La bonne cause triomphe sourdement. Nouvelle édition du Portatif en Hollande, à Berlin, à Londres ; réfutations de théologiens qu’on bafoue ; tout concourt à établir le règne de la vérité.

Vous aurez l’abbé Bazin avant qu’il soit peu, n’en doutez pas. Vous devriez envoyer un ruban à madame du Deff*** . Vraiment, il ne faut lui envoyer rien du tout, si elle trahit les frères. De quoi s’avise-t-elle à son âge et aveugle, de forcer des hommes de mérite à la haïr !

Sans concourir au bien, prôner la bienfaisance !3

Hélas ! elle ne sait pas que sans les philosophes le sang des Calas n’aurait jamais été vengé.

Mandez-moi si M. Gaudet vous aura remis par cette poste un paquet assez gros touchant nos vingtièmes .

La voie de saint-Claude est longue, on n peut y envoyer des paquets que par des exprès .

Mon cher frère, faut-il que je meure sans vous avoir vu de mes yeux, que le printemps guérit un peu ? Je vous vois de mon cœur. Ecr. l’inf. »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais et suivie des autres éditions omet les cinquième et sixième paragraphes.

Voici quelques extraits de le lettre de Damilaville : « Il y a longtemps que Diderot cherche à vendre sa bibliothèque pour assurer la dot de sa fille […] Grimm a écrit au général Betzki pour [la] proposer à l'impératrice de Russie […] Le général répond que l'impératrice n'a pu voir sans beaucoup de peine ce sacrifice paternel, qu'elle prend la bibliothèque pour 16 000 livres et qu'elle donne des ordres au prince Galizin son ambassadeur pour le paiement de cette somme, mais à condition que Diderot gardera les livres pour son usage jusqu'à ce que l'impératrice les fasse demander et qu'il acceptera chaque année l'excédent du prix, c'est -à-dire cent pistoles pour les soins qu'il en prendra […] La manière vaut mieux encore que la chose quoiqu’elle soit fort importante pour Diderot puisqu’enfin elle fait une différence de 1800 livres de rente de plus dans sa fortune . […] Autre nouvelle, il n'y a point eu de spectacle aux Français lundi dernier, jour de la rentrée . Dubois avait été chassé pour friponnerie par ordre de M. le maréchal de Richelieu et par le vœu de ses confrères […] M. le maréchal écrit aux comédiens que le roi s'est réservé de décider si Dubois était un fripon ou non, qu'en attendant ils eussent à jouer avec lui Le Siège de Calais qui devait être donné . Aussitôt Lekain et Molé décampent , Mlle Clairon , incommodée, va se mettre dans son lit, on veut représenter Le Joueur, le public le refuse, il a un tapage du diable, tout le monde s'en va, on rend l'argent et le lendemain Brizard, dont la femme accouche le même jour, est mis au Fort-l'Evêque avec Doberval […]. »

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