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31/07/2015

Ce serait manquer au droit des gens que de permettre le débit de l'histoire de votre patrie, sans savoir auparavant si le livre est approuvé de votre cour et de vous

... Ami Voltaire, c'est bien de défendre ses enfants en littérature, de poursuivre des voleurs, mais il ne faut pas approuver la censure gouvernementale . Je sais bien que c'est une tournure diplomatique, mais je ne l'approuve pas en ce jour, elle est tout juste supportable selon le contexte de l'époque . De même qu'il ne faut pas avoir l'approbation des musulmans pour faire paraitre des caricatures du prophète, pas plus que l'aval des catholiques quand on se moque de Jésus et du pape , etc., etc.

Sinon on va revivre sempiternellement la censure de Hara Kiri : https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/le-17-novembre-197...

 

 

Mis en ligne le 13/11/2020 pour le 31/7/2015

 

 

« Au comte Alexandre Romanovitch Vorontsov

Au château de Tournay, pays de Gex

par Genève, 30 juillet 1760

Monsieur,

Je suis obligé de rendre compte à Votre Excellence que votre cour m'ayant chargé de composer une Histoire de Pierre le Grand, M.  de Shuwalof, chambellan de sa Majesté Impériale, me fit l'honneur de m'envoyer tous les mémoires tirés des archives . J'écrivis aussitôt cette histoire jusqu'à la bataille de Pultawa . Je chargeai les frères Cramer de l'édition , et dès qu'elle fut faite, j'envoyai par la poste un exemplaire à M. de Shuwalof pour savoir si Son Excellence et la cour seraient contentes et s'il n'y avait rien à réformer . On prétend que le maître de poste de Nuremberg retint le paquet, et qu'il vendit l'exemplaire à un libraire . Ce directeur de poste a été mis en prison par ordre de la cour de Vienne, pour plusieurs malversations . On soupçonnait les libraires de Hambourg d'imprimer l'ouvrage clandestinement . M. de Colloredo 1, à la réquisition de votre cour, a ordonné de rechercher chez tous les libraires de Hambourg ; on n'a rien trouvé dans cette ville ; mais P. de Hont, libraire à La Haye, vient d'annoncer dans la gazette même de La Haye, qu'il a imprimé cet ouvrage . Ce vol et cette insolence méritent d'autant plus d'être réprimés, qu'il y a actuellement un courrier de Saint Petersbourg en chemin, pour m'apporter de nouvelles instructions sur ce que je dois réformer à l'histoire de votre pays . Je me flatte, monsieur, que Votre Excellence voudra bien prévenir par ses bons offices le mal qui résulterait de la hardiesse du libraire de Hont ; il est , à la vérité, dans un pays libre, mais on respecte trop en ce pays votre auguste impératrice et votre personne, pour ne pas vous donner dans cette affaire toute la satisfaction que vous daignerez demander . Ce serait manquer au droit des gens que de permettre le débit de l'histoire de votre patrie, sans savoir auparavant si le livre est approuvé de votre cour et de vous . J'envoie à M. de Shuwalof la copie de la lettre que j'ai l'honneur de vous écrire, et je saisis avec empressement cette occasion de vous témoigner mon zèle et le respect , avec lequel j'ai l'honneur d'être, monseigneur, de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire

de la chambre du roi »

1 Un des membres de la famille Colloredo-Melz et Wallsee, probablement le comte Anton ; sur l'affaire du paquet volé, voir les lettres du 1er avril 1760à Soltikof : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/03/27/plus-on-avance-dans-sa-carriere-et-plus-on-est-convaincu-que-5591644.html

et 22 avril 1760 à Schouvalov : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/19/la-multitude-epouvantable-de-livres-qui-s-accumulent-de-tous-cotes-ne-perme.html

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