21/08/2025
De France on dit que, dans ce temps, Quelques muses se sont bannies : Nous n’avons pas trop de savants ; Nous avons trop peu de génies.
... Constat amiable après carambolage . Bref ! Direction garage , réparations d'urgence .
« A Frédéric II, roi de Prusse
À Ferney, 9è mars 1770
C’en est trop d’avoir tout ce feu
Qui si vivement vous inspire,
Qui luit, qui plaît, et qu’on admire,
Quant les autres en ont trop peu 1.
Sur les humains trop d’avantages,
Dans vos exploits, dans vos écrits,
Étonnent les grands et les sages,
Qui devant vous sont trop petits.
J’eus trop d’espoir dans ma jeunesse,
Et dans l’âge mûr trop d’ennuis ;
Mais dans la vieillesse où je suis,
Hélas ! j’ai trop peu de sagesse.
De France on dit que, dans ce temps,
Quelques muses se sont bannies :
Nous n’avons pas trop de savants ;
Nous avons trop peu de génies.
Vivre et mourir auprès de vous,
C’eût été pour moi trop prétendre :
Et si mon sort est trop peu doux,
C’est à lui que je veux m’en prendre.
Sire, il est clair que vous avez trop de tout, et moi trop peu. Votre Épître à Mme de Morian 2 sur ce sujet est charmante. Il y a plus de trente ans que vous m’étonnez tous les jours. Je conçois bien comment un jeune Parisien oisif peut faire de jolis vers français, quand il n’a rien à faire le matin que sa toilette ; mais qu’un roi du Nord, qui gouverne tout seul une vingtaine de provinces, fasse sans peine des vers à la Chaulieu, des vers qui sont à la fois d’un poète et d’un homme de bonne compagnie, c’est ce qui me passe. Quoi ! vous nous battez en Thuringe 3, et vous faites des vers mieux que nous ! c’est la qu’il y a du trop ; et vous me causez trop de regrets de ne pas mourir auprès de Votre Majesté héroïque et poétique. »
1 Voir le second alinéa de la lettre de Frédéric du 17 février 1770 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7786
2 Dans une réponse à la lettre de V* du 25 janvier 1770 , Frédéric II a envoyé à V* une « Épître sur le trop et le trop peu, à Mme de Morrien » qu'on trouve dans ses Œuvres, XIII, 10-12 : https://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/13/10/
3 Allusion à la bataille de Rossbach du 5 novembre 1737 .
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Il est vrai que j’ai prêché la tolérance ; mais cela n’a pas empêché qu’on ne s’égorge
... No comment ! Trop de malfaisants dans ce monde .
« A Dominique Audibert
À Ferney, le 9 mars 1770
Savez-vous bien, monsieur, que vous avez assisté le serviteur de Dieu ? Sans y penser vous avez fait une œuvre pie, tout maudit huguenot que vous êtes. Je suis capucin ; j’ai le droit de porter le cordon de saint François. Le général des capucins m’a envoyé de Rome ma patente 1; n’en riez point, rien n’est plus vrai. Cela m’a porté bonheur, car Dieu a été sur le point de m’appeler à lui, et j’aurais été infailliblement canonisé. M. le marquis de *** 2 n’y aurait gagné qu’une rente de cinq cent quarante livres, qui ne vaut pas la vie éternelle. Il est vrai que j’ai prêché la tolérance ; mais cela n’a pas empêché qu’on ne s’égorge à Genève. Dieu merci, ce n’est pas pour des arguments de théologie ; il ne s’agit que d’une querelle profane : ainsi elle ne durera pas longtemps. S’il était question de controverse, nous en aurions pour trente années.
Vous savez sans doute que le pouvoir de l’Inquisition vient d’être anéanti en Espagne ; il n’en reste plus que le nom . C’est un serpent dont on a empaillé la peau. Le roi d’Espagne, par un édit, a défendu que l’Inquisition fît jamais emprisonner aucun de ses sujets. Nous voilà enfin parvenus au siècle de la raison, depuis Pétersbourg jusqu’à Cadix . Et ce qui vous surprendra, c’est qu’il y a des philosophes dans le parlement de Toulouse. Je ne vois pas qu’il se soit jamais fait une révolution plus prompte dans les esprits. La canaille est et sera toujours la même ; mais tous les honnêtes gens commencent à penser d’un bout de l’Europe à l’autre.
Mme Denis vous fait les plus sincères compliments ; agréez, monsieur, monsieur, la reconnaissance de votre etc. »
1 Ce point est obscur malgré les affirmations renouvelées de V* . Écrivant à Jean-Pierre Biord, le curé Pierre Hugonet dit le 21 mars 1770 : « Le voilà maintenant déclaré enfant spirituel, bienfaiteur et père temporel de l’ordre de saint François . Le général des capucins lui envoya dernièrement des lettres de filiation qui commencent par ces mots : « D.D. Francisco- Maria Arouet de Voltaire […] munificentissimo, cujus nomen omnes titulos supereminet » [ c'est-à-dire : A monsieur François-Marie Arouet de Voltaire … très munificent, dont la renommée surpasse tous les titres »] Mais le général des capucins interrogé par le comte de Saint-Florentin, nia avoir envoyé cette lettre, en des termes d 'une clarté imparfaite : « Je m'empresse , monseigneur de vous assurer que je n'ai jamais envoyé de lettre d'affiliation à M. de Voltaire, et que je désavoue celle qu'il pourrait avoir, ne l’ayant point signée, pour en faire présent à ce monsieur . »22 mai 1770 .
2 Modifié par Renouard en Saint-Tropez .
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